La fusion nucléaire serait-elle l’énergie du futur ? Les chercheurs européens à la pointe dans le domaine

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Par Pascale Bollekens

Aujourd’hui, c’est une nouvelle avancée dans la recherche sur la fusion nucléaire. Le point culminant de 25 ans de travaux, ces chercheurs européens ont réussi à générer 11 Mégawatts, une quantité record d’énergie de fusion dans la plus grande installation de recherche dans le domaine, à Culham près d’Oxford au Royaume-Uni.

C’est un prétest pour Iter (un réacteur international de plus grande taille en construction actuellement à Cadarache dans le sud de la France). C’est surtout la démonstration que ce qui était prévu par la théorie correspond à la réalité.

C’est un succès pour les quelque 4800 ingénieurs scientifiques et techniciens de toute l’Europe, un succès très prometteur pour Iter.

La fusion nucléaire pourrait-elle devenir l’énergie du futur ?

La fusion nucléaire, c’est quoi au juste ?

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Le Dr Jef Ongena dirige le laboratoire de physique des plasmas à l’Ecole Royale Militaire, il nous explique en quelques mots : "Au contraire de la fission nucléaire comme dans nos centrales nucléaires actuelles, on va fusionner deux atomes légers exemple deux isotopes de l’Hydrogène à une température de 150 millions °C. Cette réaction va générer une quantité énorme d’énergie pour une quantité de combustible minime. Par comparaison, il faut 10 millions de fois plus de combustibles dans une usine à gaz ou à charbon pour produire la même quantité d’énergie. Et cerise sur le gâteau, c’est une énergie propre puisque le déchet principal de la réaction est l’Hélium un gaz inerte et non radioactif."

On croit rêver : pas de déchets radioactifs à gérer pendant les 100.000 ans qui viennent. Les combustibles sont répandus sur Terre, bon marché et faciles à fabriquer et l’on n'a pas besoin de grosses quantités.

Avec la fusion nucléaire, il en faudrait à peine 15 grammes pour couvrir les besoins d’un Européen moyen en électricité, pendant toute sa vie. Côté sécurité, c’est une énergie sûre qui n’est pas basée sur une réaction en chaîne comme dans nos réacteurs nucléaires actuels. "S’il y a un problème, on peut fermer le robinet de gaz et la réaction s’arrête en quelques secondes. "Aucun danger d’emballement comme cela s’est passé à Tchernobyl", insiste notre expert.

Une énergie difficile à mettre en œuvre au niveau industriel

La fusion nucléaire a aussi ses revers. Reproduire la réaction qui se passe au sein de notre soleil, cela signifie qu’il faut travailler à des températures extrêmement hautes. Il faut d’abord, les produire. Autre écueil, mettre au point des systèmes fiables pour maintenir ces températures extrêmes. Enfin, il fallait pouvoir les maintenir dans une machine sans l’endommager.

Notre expert raconte : "Dans le réacteur britannique, 100.000 expériences ont été menées sans dommage pour le matériel. Les parois internes ont résisté à ces conditions. Ces revêtements sont en dehors de notre monde "normal", résister à 150 millions de degrés, c’est tout sauf habituel, c’est cela qui a pris beaucoup de temps."

La recherche a duré près de 30 ans, les scientifiques ont testé des scénarios pour pouvoir maintenir la réaction dans le temps, étudier sa stabilité et vérifier qu’il n’y avait pas accumulation d’impuretés. Cette expérience réussie aujourd’hui est très importante pour montrer que la fusion nucléaire fonctionne mais aussi pour pouvoir passer à un réacteur de plus grande taille comme Iter en France.

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L’Europe a le vent en poupe

L’Europe est à la pointe dans ce domaine, il n’y a aucune machine au monde capable de produire cette réaction sauf dans le laboratoire de Culham près d’Oxford. Le Joint European Torus (le JET) est un réacteur Tokamak, le seul à avoir la licence et équipé de parois sécurisées comme dans le futur réacteur Iter.

"C’est donc là que nous avons pu générer cette fusion, un record mondial jamais réussi ni par les Américains ni par les Russes ou les Japonais" rappelle fièrement Jef Ongena, "Les Chinois ont réussi à obtenir une fusion mais d’une ampleur qui n’a rien à voir avec ce record."

Une fusion nucléaire record qui ouvre des portes sur le futur

Dans le sud de la France, ce qui sera le plus grand réacteur de fusion nucléaire au monde, est en fin de construction. Il prendra le relais du réacteur de laboratoire JET. Cette fois, la quantité d’énergie produite sera 10 fois plus importante que celle nécessaire pour atteindre les 150 millions de degrés. Si cela marche, les premiers réacteurs commerciaux qui donneront de l’électricité au réseau, pourraient être mis en service.

Chacun de ces futurs réacteurs pourra remplacer un réacteur nucléaire actuel. C’est un autre type de centrale aussi puissante avec un autre four mais sans les déchets radioactifs.

C’est la promesse d’une énergie sûre, efficace et propre.

Pour notre expert, c’est la promesse d’une énergie sûre, efficace et propre. La fusion nucléaire ne laisse qu’un déchet principal, l’hélium qui ne produit ni acide dans l’atmosphère, ni pluies acides et qui n’attaquera pas la couche d’Ozone. Ce n’est pas non plus un gaz à effet de serre, idéal donc pour lutter contre la crise climatique.

Enfin, last but not least, c’est un produit rare sur Terre, très utile dans toutes les applications qui travaillent dans l’Ultra-froid. C’est le seul élément qui reste liquide à des températures proches du Zéro absolu. C’est un élément important pour les supraconducteurs dans certaines applications médicales.

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