Cinéma

La grande illusion ou 85 ans de fraternité

T’as de beaux yeux tu sais Jean ?

© (StudioCanal)

Le film de Jean Renoir est sorti le 9 juin 1937. Entre utopie et pacifisme, cet hymne à la fraternité résonne plus que jamais aujourd’hui !

Tous les démocrates du monde devraient voir ce film !

En s’improvisant critique de cinéma, le 32e président américain Franklin Delano Roosevelt ne pouvait proposer de meilleure publicité à "La grande illusion", le film de Jean Renoir, sorti le 9 juin 1937 (il y a 85 ans donc) avec une première organisée au cinéma Marivaux à Paris puis une distribution en salles, chez nous, en Belgique, le 18 juin de la même année ! Le temps d’un article, revenons sur ce classique à (re)voir aujourd’hui afin de nous inspirer de son message pacifiste doublé d’une ode à la fraternité.

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Le film, "sans bataille ni espions" comme prévient sa bande-annonce, nous replonge en 1917, en pleine Première Guerre mondiale. Nous sommes dans un camp de prisonniers en Allemagne. Là, toutes les classes sociales se confondent et sont logées à la même enseigne, celle de l’ennemi qui ne fait pas de différence… ou presque car certains privilèges existent encore. Qu’ils soient français, britanniques ou russes, quel que soit leur grade, ces prisonniers apprennent à vivre ensemble, à souffrir ensemble, à s’évader ensemble !

L’affiche du film "La grande illusion"
L’affiche du film "La grande illusion" © (StudioCanal)

Idéalement interprété par Jean Gabin (à la gouaille sans pareil), Pierre Fresnay (élégant en aristocrate vieux jeu), Julien Carette (terriblement drôle) et Erik von Stroheim (dont la minerve est devenue aussi célèbre que le monocle), "La grande illusion" est inspirée d’une histoire vraie, celle de l’aviateur et général Pinsard, prisonnier et évadé en 14-18. Sans oublier, les propres souvenirs de Renoir en personne qui participa aussi au conflit.

Quelle que soit leur classe sociale, tous les prisonniers sont traités de la même manière… ou presque
Quelle que soit leur classe sociale, tous les prisonniers sont traités de la même manière… ou presque © (StudioCanal)

À sa sortie, le film a véritablement été salué par toute la critique. Le quotidien Ce Soir (créé par la Parti communiste) publie le 12 juin 1937 un article dithyrambique et décrit l’œuvre de Renoir comme "un grand film qui fait enfin entendre sur la guerre un accent humain et vrai, sans exaltation frelatée et sans haine." Dans L’Intransigeant (un quotidien du soir et de droite), on raconte que "c’est un très beau film français, mâle, dépouillé de toute concession facile, animé du plus pur esprit patriotique, où l’on chercherait en vain des éléments de dissension politique […] Mais quelle est au juste cette Grande illusion ? Est-ce la vie, la guerre, le fait d’avoir cru que cette guerre serait la dernière ?" Le Populaire (un journal socialiste) rappelle que… "aucun personnage ne se livre à des considérations générales. Tous contribuent à démontrer ce qu’ils ne semblent pas chercher à prouver : l’idiotie terrible de la guerre, la stupidité cruelle de toutes les guerres."

Fresnay et Gabin, un magnifique duo
Fresnay et Gabin, un magnifique duo © (StudioCanal)

Mais cette "Grande illusion" n’a pas plu à tout le monde. Le film a tout de suite été interdit en Allemagne et en Italie. Dans la presse, Jean Renoir avait pris cette décision avec philosophie. Toujours dans Ce Soir, le réalisateur français avait déclaré en interview…

Je sais de source sûre que toute l’aristocratie romaine a déjà vu le film et qu’elle lui a fait un véritable succès, moins peut-être à cause des mérites propres de l’œuvre que parce qu’il ne lui déplaît pas d’embêter le dictateur, le Duce...

Même chose concernant l’interdiction de projection sur le sol allemand ! Renoir continue et raconte…

Goebbels émet des réserves sur le personnage de la femme, cette Allemande qui se donne à un Français, et surtout il dénonce La grande illusion comme une œuvre de propagande israélite. Ce qui est assez drôle, si l’on considère que certains critiques français m’ont accusé d’antisémitisme…

"La grande illusion", un film à (re)voir
"La grande illusion", un film à (re)voir © (StudioCanal)

En attendant, "La grande illusion" reste un habile mélange de profondeur et de divertissement. Intelligent et drôle, ce film humaniste est parsemé de punchlines dont celle-ci, qui pourrait résumer à elle seule cette fameuse illusion de la vie, aussi grande soit-elle…

Tu veux t’évader pour te distraire ! ?

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