Le Luxembourg a passé le cap, le 1er mars 2020 : l’intégralité des transports en commun du Grand-Duché est gratuite. Quelques jours plus tard, le Covid-19 a bouleversé nos habitudes. Deux ans plus tard, il est encore difficile de faire un bilan fiable de la gratuité totale des transports en commun chez nos voisins. En janvier dernier, le ministre luxembourgeois de la Mobilité, François Bausch, indiquait, en tout cas que "le niveau de trafic automobile est revenu à son niveau d’avant-crise" en raison de la reprise économique et des nombreux transfrontaliers belges, allemands ou français qui travaillent au Luxembourg.
Chez nos voisins français, l’idée de rendre gratuits les transports en commun a plus de 50 ans : la ville de Colomiers était la première à en proposer dès 1971.
Depuis, plus de trente villes proposent une gratuité totale ou partielle des transports en commun. Avec, parmi les villes "modèles ", Dunkerque. Dans cette cité martyre de la deuxième guerre mondiale, les bus sont gratuits depuis septembre 2018. Un an plus tard, une première étude montrait que 50% des personnes interrogées utilisaient "un peu plus" ou "beaucoup plus" les bus du fait de leur gratuité.
Mais ces comportements entraînent-ils un abandon de la voiture ? Quel est le report modal que permet la gratuité des transports en commun ? En 2000, la ville française de Châteauroux avait constaté un doublement (!) des déplacements en transports en commun. Mais le report modal était très limité : seulement 1,4% de déplacements en moins en voiture, -2,6% à pied et -6,7% à vélo. "La gratuité des transports publics pénalise d’abord le vélo, puis la marche et enfin la voiture. Ce résultat trop méconnu est logique. Les cyclistes sont les premiers attirés, car leur profil est proche de celui des usagers des transports publics (lycéens, étudiants, femmes ou personnes âgées non motorisés) et les distances qu’ils parcourent aussi. Les piétons le sont déjà moins, car, si leur profil est aussi assez proche, leurs déplacements sont en revanche beaucoup plus courts. Certains vont alors utiliser les transports publics même pour un trajet d’une ou deux interstations, saturant le réseau dans le centre" expliquait en 2018, dans une tribune au journal Le Monde l’économiste et urbaniste Frédéric Héran.
Si la gratuité est présentée comme une mesure écologique, sociale, etc., il n’est pas garanti que les effets attendus apparaissent instantanément. Ainsi, à Tallinn, les transports sont gratuits depuis 2013. Une étude publiée trois ans plus tard montre un accroissement de 14% de l’utilisation des services, mais l’auteur, expert de l’université de Delft, évoque des preuves "mitigées" quant à une amélioration de la mobilité des personnes à faible revenu ou sans emploi. Si ces publics ont vu leurs déplacements en transports en commun augmenter de 20%, "rien n’indique que des possibilités d’emploi se sont améliorés grâce à cette politique." Par ailleurs, cette ville de 440.000 habitants n’a observé qu’une baisse de 6% du trafic automobile en centre-ville, selon Allan Alaküla, le représentant de Tallinn à l’Union européenne.