Guerre en Ukraine

La guerre des drones ou quand les Ukrainiens se mobilisent pour leur armée, le reportage de nos envoyés spéciaux

Des civils se réinventent pour participer à l’effort de guerre.

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Par Quentin Warlop avec Daniel Fontaine, Dominique Vande Cappelle, Garry Wantiez et Arkady Davidenko

Il fait -4 degrés dehors. Et dans ce vieux garage, aussi. A l’intérieur, une hache, quelques bouts de bois au sol. Le reste est déjà dans le poêle pour tenter de réchauffer le hangar. A l’extérieur, coupures de courant oblige, un générateur permet à Vitaliy d’avoir un peu d’électricité. Assez pour faire fonctionner ses machines. Avant l’invasion russe, il développait des camions électriques. Aujourd’hui, avec ses 4 employés, il tente de se réinventer.

"Très vite, on a voulu nous rendre utile à notre armée. Alors, on a personnalisé ce qu’il nous restait de petits camions pour en faire des petits ‘buggys de guerre’. Ils sont actuellement sur le front", se réjouit le garagiste, établit dans le centre du pays. Il nous montre aussi un autre projet sur lequel travaillent deux autres mécaniciens. "Regarde, ça, c’est un petit robot de déminage qu’on veut créer."

Depuis le début du conflit, Vitaliy conçoit des drones destinés à l’armée ukrainienne.
Depuis le début du conflit, Vitaliy conçoit des drones destinés à l’armée ukrainienne. © RTBF

Des buggys, des robots de déminage et des drones de combat

Et il ne s’arrête pas là. "Je sais que les drones sont très importants et que leur nombre est limité sur le terrain. Avec les gars, au garage, on a décidé d’en créer de toutes pièces. On a les machines, le matériel. On fait des tests et on ajuste." Lui affirme ne pas faire cela pour l’argent. "Non. Si je devais développer tout cela à l’international, avec de grosses sociétés, ce serait trop compliqué pour moi. Trop de temps, trop d’argent et ce serait trop loin d’ici. Non, je fais cela pour aider mon pays à gagner la guerre. Si je dégage un peu d’argent, ce sera pour mon projet de camions électriques." D’après lui, ses drones seront sur la ligne de front d’ici la fin du mois de février.

Avec son équipe, Vitaliy participe à l’effort de guerre pour son pays.
Avec son équipe, Vitaliy participe à l’effort de guerre pour son pays. © RTBF

Se réinventer pour participer à l’effort de guerre

Se réinventer et participer à l’effort de guerre. C’est aussi ce qu’a fait Valeriy Borovik. Lui travaille dans le secteur de l’énergie. Mais il a réorienté ses effectifs sur la création de drones de combat. "Nous avons beaucoup d’ingénieurs qui ont commencé à les fabriquer de manière artisanale dans les garages. Et même sur leurs genoux, à la maison. Mais maintenant, après des mois de travail, ils ont vraiment atteint un niveau de conception certifié, qui garantit la sécurité des opérateurs." Son objectif ? "Aider l’Ukraine à gagner la guerre. Je perds de l’argent actuellement. Mais c’est le prix à payer.", explique cet entrepreneur de Kiev.

Valeriy Borovik travaillait dans le secteur de l’énergie avant de développer des drones.
Valeriy Borovik travaillait dans le secteur de l’énergie avant de développer des drones. © RTBF

Valeriy Borovik est persuadé d’avoir un avantage sur les entreprises américaines et chinoises. "L’Ukraine est devenue la meilleure base pour tester ces technologies militaires efficacement. Nous pouvons voir en réel ce qui ne va pas pour faire les adaptations directement. C’est un peu cynique mais c’est la réalité."

Sakartvelo, son surnom, a déjà formé des centaines de militaires à l’utilisation des drones.
Sakartvelo, son surnom, a déjà formé des centaines de militaires à l’utilisation des drones. © RTBF

Mobilisation civile et militaire

En Ukraine, il y a les civils qui se mobilisent. Et les militaires, aussi. Renseignement, surveillance, artillerie, les drones peuvent aussi servir à tuer à l’image des drones kamikazes. Le rendez-vous est fixé, en plein cœur de la forêt ukrainienne. Un endroit tenu secret. Pour des raisons de sécurité. "Là, tu prends sur ta gauche et tu longes la forêt, puis tu reviens ici, explique Sakartvelo, un surnom pour cet instructeur en chef de l’Armée de drones Boryviter. Lui était basé en Géorgie avant la guerre. Je voulais aider l’armée de drones. Mais je n’y connaissais rien. Je me suis donc formé pour aujourd’hui leur donner des formations." Cinq jours intensifs. De la théorie et de la pratique. Beaucoup de pratique. "Notre Etat n’a pas assez de drones militaires. Donc, des fondations achètent, pour nous, les meilleurs drones civils. Et nous, on les utilise pour du renseignement et pour ajuster les tirs d’artillerie en temps réel", explique l’instructeur.

Les élèves sont militaires mais pas seulement. Il y a aussi beaucoup de civils qui se sont engagés.
Les élèves sont militaires mais pas seulement. Il y a aussi beaucoup de civils qui se sont engagés. © RTBF

Il vaut mieux perdre un drone qu’un soldat.

Les élèves, comme Oleg, apprennent à piloter, à larguer de petits missiles sur les positions ennemies et à gérer les brouilleurs sur la ligne de front : "Les brouilleurs d’ondes placés par les Russes pour les empêcher de voler. On a donc plusieurs techniques qui nous permettent de pas prendre le risque de ne pas pouvoir voler." Perdre le drone, se faire repérer et attaqué par la suite, c’est ce qu’il faut éviter. Pour Victor, lui aussi en formation : "Les drones ce sont les yeux qui nous aident à tout voir d’en haut. Nous n’avons pas une armée aussi grande que les Russes. Nous n’avons pas autant d’artillerie et d’autres ressources. Mais il vaut mieux perdre un drone qu’un soldat."

Avant l’invasion russe, Oleg et Viktor étaient tous les deux à l’étranger. Aujourd’hui, ils sont fiers d’être "droniste de l’armée". Tous les deux seront bientôt déployés sur la frontière Est du pays.

Les drones sont désormais devenus essentiels sur le champ de bataille. Au total, plus de 2000 soldats ukrainiens ont été formés depuis le début de la guerre, il y a près d’un an.

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