Belgique

La libération d’Olivier Vandecasteele en échange d’un prisonnier iranien crée-t-elle un précédent ?

© Belga Images – AFP – RTBF

Par Valérie Labonne

L’arrivée de l’humanitaire de 42 ans sur le territoire a pu se faire parce que les autorités belges ont accepté de libérer, en échange, l’espion iranien Assadollah Assadi. Un échange qui a été au cœur des négociations avec la République islamique d’Iran et que certains ont critiqué car il pourrait créer un précédent. Mais cette stratégie de la diplomatie de l’otage est utilisée depuis de nombreuses années par l’Iran pour obtenir des contreparties.

Des prisonniers devenus monnaie d’échange

Depuis plusieurs décennies, l’Iran a opté pour cette diplomatie de l’otage, c’est-à-dire emprisonner des Occidentaux ou des binationaux de passage dans le pays et les utiliser ensuite comme monnaie d’échange pour obtenir gain de cause sur des dossiers.

Dans le cas de la Belgique, l’arrestation de l’humanitaire de 42 ans le 24 février 2022 est survenue quasiment un an après la condamnation d’Assadollah Assadi par le tribunal correctionnel d’Anvers à 20 ans de prison pour tentative de meurtre et terrorisme. La justice lui reproche d’avoir fomenté un attentat contre l’opposition iranienne en exil, réunie près de Paris lors d’un rassemblement le 30 juin 2018. Pour beaucoup, le lien est vite fait entre ces deux évènements. En arrêtant Olivier Vandecasteele, pour une prétendue affaire d’espionnage, le ressortissant belge est devenu une monnaie d’échange pour les Mollahs.

Pour Thierry Kellner, professeur à l’Université Libre de Bruxelles, spécialiste de la Chine et du Moyen-Orient, "l’Iran souhaitait avant tout obtenir la libération d’un Iranien, condamné pour la préparation d’un attentat terroriste. La Belgique crée, de ce fait, une forme de précédent. Avec cette décision, on encourage l’Iran à mener des activités extérieures en toute impunité et les Iraniens savent qu’ils peuvent être libérés après des négociations ".

Mais la Belgique n’est pas le premier état à négocier avec l’Iran

Cette diplomatie de l’otage a débuté dès la révolution islamique en 1979, explique Raoul Delcorde, Ambassadeur honoraire de Belgique, professeur invité de l’Université catholique de Louvain. Une cinquantaine de diplomates américains sont détenus pendant 444 jours à Téhéran. Les États-Unis obtiennent leur libération après avoir restitué 3 milliards d’avoirs iraniens gelés.

Plus récemment, la France a échangé le chercheur Roland Marchal, emprisonné pendant 9 mois contre l’ingénieur iranien Jalal Rohollahnejad. Accusé d’avoir violé les sanctions américaines infligées à l’Iran, il avait été arrêté à Nice en 2019 en vue d’une extradition demandée par les Etats-Unis.

"On a donc affaire à des États autoritaires, soutenus par leur système judiciaire, qui incarcèrent des ressortissants étrangers pour extorquer une compensation, humaine ou financière. Les États-Unis et nombre de pays européens sont depuis longtemps victimes de cette forme de chantage" analyse Raoul Delcorde.

Une pratique qui met à mal l’Etat de droit

Juridiquement, les victimes de la diplomatie des otages sont des détenus. Fonctionnellement, ce sont des otages. Une tactique qui brouille les règles de l’Etat de droit. "Cette diplomatie des otages est particulièrement néfaste car elle utilise le prétexte d’une procédure légale et met dans une situation vulnérable les pays attachés à l’ordre international fondé sur des règles", rajoute l’ambassadeur honoraire.

C’est le scénario adopté par la Belgique qui a joué le jeu de la transparence en mettant en avant le respect de la procédure judiciaire.

Selon Jonathan Piron, Historien et professeur de relations internationales, à la Haute-École libre Mosane, la diplomatie de l’otage qu’utilise Téhéran "est un élément qui fait partie d’une politique de répression intérieure et qui sert aussi pour faire taire l’opposition à l’extérieur".

Une pratique de plus en plus utilisée par les états autoritaires

Ces prises d’otages ne devraient cependant pas s’arrêter selon l’enseignant. Celles-ci fluctuent en fonction des périodes : "Sous le président Hassan Rohani, c’était plus calme car c’était un pragmatique un modéré qui ouvrait les négociations avec l’Occident sur la question du nucléaire. On voit depuis l’élection d’Ebrahim Raïssi, un ultraconservateur, que ce sont les plus radicaux qui tiennent les rênes du pays et ils n’ont aucune volonté d’ouverture avec l’occident."

Actuellement, ils sont au moins une dizaine de ressortissants étrangers ou de binationaux à être emprisonné, victimes de cette politique mise en place par les gardiens de la Révolution.

Mis à part l’Iran, d’autres états autoritaires comme la Corée du Nord, le Venezuela et plus récemment la Chine et la Russie – avec l’exemple de la basketteuse américaine Britnney Griner - sont des adeptes de cette diplomatie de l’otage.

Pour contrer celle-ci, le Canada a été à l’initiative de la Déclaration contre la détention arbitraire dans les relations d’État à État, adoptée en 2021 et signée par 70 États, dont la Belgique.

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