Belgique

La Ligue des droits humains dénonce "le tournant orbanien" du gouvernement qui s’assied sur les décisions de justice

© Getty Images – Andriy Onufriyenko

Dans son rapport 2022, la Ligue des droits humains se montre très critique à l’égard de l’État belge et, en particulier, de la coalition Vivaldi. La Ligue des droits humains reproche à l’État de ne pas avoir respecté des décisions de justice.

La Belgique, pas mieux que la Hongrie ?

Edgar Szoc, le président de la Ligue des droits humains n’y va pas par quatre chemins. Pour lui, au terme de 2022, une question essentielle se pose quant à l’avenir des droits humains en Belgique. "Cette année ne constituera-t-elle qu’une parenthèse (désenchantée) ou marquera-t-elle l’amorce d’un basculement définitif ?", se demande le président de la Ligue des droits humains, dans les conclusions du rapport annuel. Et de se demander si "le tournant orbanien de la Vivaldi" constitue une "parenthèse" ou un "virage définitif".

Certes, rappelle-t-on à la Ligue, chaque année des "violations, des dérives, des procédures d’exception" sont dénoncées mais, écrit Edgar Szoc, "jamais elles n’avaient pris le tour systématique et assumé qu’elles ont pris cette année". "Jamais aucun gouvernement ne s’était assis avec autant de désinvolture sur autant de décisions de justice rendues par autant de cours et tribunaux. Jamais aucun exécutif ne s’était autant acharné à vider le terme d’"État de droit" de toute substance", constate le président de la Ligue des droits humains.

Et le parallèle avec le président hongrois Viktor Orban est alors fait. Avec des différences. Si le président hongrois "démet, remplace ou met à la retraite anticipée les juges dont l’indépendance lui déplaît", la Belgique, elle est "plus douce et plus hypocrite : on ne démet pas les juges, on s’assied sur leurs jugements", écrit Edgar Szoc. Et pour la Ligue des droits humains, c’est "un tournant inquiétant".

Un exemple : la crise de l’accueil des demandeurs d’asile

Un exemple où l’Etat a failli à respecter les droits humains, selon la Ligue, c’est dans l’accueil des demandeurs d’asile. C’est, écrit la Ligue, "un an d’une crise prévisible que le gouvernement ne cherche pas à solutionner".

A propos des demandeurs d’asile, "La loi est claire, limpide et elle n’est contestée par personne, pas même par l’État", note la Ligue dans son rapport annuel. "Chaque demandeur·euse d’asile a le droit à l’aide matérielle, pendant toute la durée de sa procédure d’asile, un point c’est tout", ajoute-t-elle. Pourtant, remarque la Ligue, cela n’empêche pas que les demandeurs d’asile soient laissés à la rue. Du côté des autorités et de Fedasil, on invoque le manque de moyens disponibles, de personnel, notamment. Pourtant, fait remarquer la Ligue des droits humains, l’Etat a "une obligation de résultat et non de moyens, ce qui signifie que l’État ne peut invoquer des circonstances factuelles externes, quelles qu’elles soient, pour justifier avoir essayé mais ne pas être parvenu".

"Dans la crise de l’accueil, le gouvernement s’est autorisé à violer délibérément le droit à l’accueil de milliers de personnes qui y avaient incontestablement droit", regrette Pierre-Arnaud Perrouty, le directeur de la Ligue des droits humains. "Ni les multiples condamnations judiciaires belges, ni les injonctions de la Cour européenne des droits de l’homme ne feront dévier le gouvernement. Seules des températures largement négatives au milieu du mois de décembre commenceront à faire bouger les lignes", constate Pierre-Arnaud Perrouty.

D’autres exemples de non-respect des droits humains

Dans son rapport, la Ligue des droits humains s’en prend aussi aux ventes d’armes wallonnes et revient sur la saga des ventes d’armes wallonnes à l’Arabie saoudite. "Les gouvernements wallons successifs sont passés maîtres dans l’art d’accorder de nouvelles licences d’exportation après les annulations successives par le Conseil d’État, aidés il est vrai par un système de délivrance opaque et un contrôle parlementaire déficient", écrit Pierre-Arnaud Perrouty, épinglant au passage le problème du manque de contrôle de l’exécutif par le législatif.

Autre dossier problématique selon la Ligue des droits humains, celui de Nizar Trabelsi, condamné en Belgique pour terrorisme avant d’être extradé aux États-Unis. "Le gouvernement s’est assis sur pas moins de cinq décisions de justice, ce qui a valu à la Belgique une cinglante condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme", rappelle Pierre-Arnaud Perrouty.

Le manque de contrôle de l’exécutif par le législatif est aussi constaté par la Ligue des droits humains dans le dossier de l’Autorité de protection des données. "Il aura fallu la dénonciation de deux directrices lanceuses d’alerte et une mise en demeure de la Commission européenne pour faire bouger le Parlement", note la Ligue qui relativise toutefois la réponse du Parlement.

La Ligue critique aussi le contrôle externe des forces de police, opéré par le Comité P sous l’autorité du Parlement. Il "reste largement inopérant", note Pierre-Arnaud Perrouty. "Les témoignages de violences, notamment racistes, restent nombreux et les victimes peinent à obtenir réparation", ajoute-t-il.

Enfin, Pierre-Arnaud Perrouty s’inquiète aussi de la pression actuelle sur les droits économiques, sociaux et culturels, en raison de la crise énergétique. "Alors que les coûts de l’énergie explosent, il faut affirmer l’énergie comme un droit fondamental : il revient aux gouvernements de garantir une fourniture à un coût supportable pour l’ensemble de la population", plaide le directeur de la Ligue des droits humains.

La Ligue s’inquiète aussi de la situation dans les prisons belges qui "ne s’améliore guère". A ce titre, la nouvelle prison de Haren "ne remplit pas ses promesses et confirme les craintes que la sécurisation technologique ne rend pas ces lieux plus humains", note la Ligue.

Le rapport annuel de la Ligue des droits humains constate cependant des avancées sociales en 2022. C’est le cas de la réforme du cadre légal de la prostitution : "la Belgique quitte le registre moral et répressif pour entrer dans une logique de droits, avec un volet important sur les droits sociaux", constate la Ligue des droits humains.

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