La Flandre est prête à aider la Wallonie pour se reconstruire après les inondations. L’annonce a été faite hier par le ministre-président flamand Jan Jambon. C’est une annonce très politique, et assez surprenante. La main tendue est aussi une claque.
Quelle aide ?
Personne n’a rien demandé à la Flandre en tant que Région. Il y a bien eu une demande au Fédéral, de la part du secrétaire d’État socialiste Thomas Dermine. Une demande soutenue par le Gouvernement wallon, PS, MR et Ecolo donc. On parle d’un fonds spécial de plus d’un milliard d’euros financés par le Fédéral et la Wallonie. Un modèle inspiré par l’Allemagne qui a dû faire face à la même catastrophe que nous.
Cette idée a suscité des commentaires souvent peu enthousiastes au Nord, un rejet de la N-VA mais pas encore de réponse claire des trois partis flamands du Gouvernement fédéral Open VLD, CD&V et Groen. Alors qu’on attend le Fédéral et le Premier ministre Alexander De Croo, voilà donc une proposition d’aide de la Flandre. Jan Jambon, le ministre-président ne propose pas un fonds d’argent frais, mais d’octroyer un prêt à la Wallonie, ou de garantir un de ses prêts.
Manœuvre
L’annonce a surpris à Namur, ou l’on prend acte poliment. Un ministre wallon me racontait qu’il avait passé du temps avec Jan Jambon ce dimanche, et qu’à aucun moment le ministre président flamand n’avait évoqué une aide. C’est donc par voie de presse que les Wallons ont appris cette petite idée. Ils ne l’ont évidemment pas rejetée. Comme on dit en langage diplomatique, ils vont l’analyser.
Mais il y a de quoi sérieusement douter du caractère réellement solidaire de la proposition. Il s’agit sans doute plus pour la N-VA de donner sa version de ce que devrait être la solidarité Nord-Sud. En octroyant un prêt ou une garantie, la Flandre se comporte comme l’Allemagne face à la Grèce lors de la première crise de la dette. Ou comme le FMI, le fonds monétaire international. C’est-à-dire une forme d’aide bien éloignée de l’idée d’une solidarité au sein d’un même pays.
D’ailleurs la N-VA ne cache pas ses intentions. Voici ce que disait Bart De Wever, président de la N-VA ce dimanche. "Si la Wallonie était un pays, le FMI interviendrait. Elle est dans une situation pire que la Grèce. Or la Grèce suit un programme pour obtenir ce financement. Les Wallons n’ont pas de tampon pour faire face à un désastre. Nous voici donc à nouveau dans la situation ou ils disent: 'Donnez-nous de l’argent s’il vous plaît'. Je pense qu’il faut aider les personnes en détresse. Mais je veux être très clair, la Flandre devrait jouer le rôle du FMI. On peut faire un prêt, on peut octroyer une garantie. Mais cet état providence qui reste en vie avec 60% des gens qui travaillent, c’est impossible. Vous ne pouvez pas continuer à le faire sur le dos des autres."
La Grèce et le FMI
Rien de bien neuf sous le soleil de la N-VA. Depuis sa création, elle assène cette idée d’une Wallonie qui vit aux crochets de la Flandre. Puisque nous sommes la Grèce de la Belgique, la Flandre doit être son FMI. Or le FMI n’a pas comme objectif la solidarité, mais la stabilité financière afin d’éviter des crises systémiques. La solidarité n’a donc pas grand-chose à voir là-dedans, il s’agit bien ici d’abord d’une manœuvre tactique.
Faire passer l’idée que la N-VA et le Gouvernement flamand font quelque chose pour ces pauvres Wallons avant que le Fédéral n’intervienne éventuellement. Pour se donner bonne conscience peut-être, pour mieux critiquer le Fédéral ensuite, peut-être aussi. Il sera très intéressant d’observer comment le CD&V et l'Open VLD qui ont approuvé cette ligne au Gouvernement flamand, répondent au niveau fédéral.
En attendant une hypothétique solidarité fédérale, pour les Wallons ceci ressemble en tous les cas plus à une claque qu’à une main tendue. Si la réponse du Fédéral est à l’image de celle du Gouvernement flamand, les Wallons en seront pour leurs frais. Comme les Grecs en 2008, ils connaîtront le goût amer de l’humiliation.