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La moitié de la population allergique d'ici 2050 ? Comment expliquer cette prévision de l'OMS ?

Qui n’a pas dans son entourage une ou plusieurs personnes allergiques ? On estime qu’actuellement un adulte sur 3 est allergique en Belgique et ailleurs. Et cette proportion ne va pas diminuer à l’avenir : l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que d’ici 2050, la moitié de la population mondiale sera allergique à une ou plusieurs substances. Mais comment expliquer une telle augmentation ?

« Cela peut surprendre mais plus on se protège, plus on risque de développer une allergie »

L’explosion mondiale des cas d’allergies ne s’explique évidemment pas par un seul facteur. Les raisons sont multiples, mais pour le docteur Olivier Michel, pneumo allergologue, professeur à l’ULB et auteur de plus de 165 publications sur la question, "la principale raison est notre mode de vie occidental avec son obsession hygiéniste. Dès la naissance, nous sommes hyperprotégés et cela ne favorise pas le développement de notre système immunitaire. Ce système doit apprendre à réagir, se façonner au gré des rencontres avec des microbes, des parasites ou des allergènes. Or, dans notre monde actuel surprotégé, on réduit l’exposition aux risques et on réduit du même coup nos défenses immunitaires."

Un enfant qui serait confronté à des situations plus stressantes au niveau infectieux verrait son système immunitaire mieux se développer et il échapperait davantage aux maladies allergiques. "Cela s’est vérifié lorsqu’on a comparé l’Allemagne de l’Est et celle de l’Ouest au moment de la réunification. Les indices de pollution étaient pires à l’Est qu’à l’Ouest avant 1989 et pourtant, cela semble paradoxal, mais on trouvait davantage de personnes allergiques à l’Ouest, du côté le moins pollué. Cela démontre que c’est le mode vie occidental qui favorise les allergies. D’ailleurs, après la réunification, les villes se sont modernisées à l’Est, les sources de pollution ont été mieux maîtrisées et réduites, mais cela s’est accompagné d’une explosion des cas d’allergies. "

L’épidémie d’allergies : le prix de notre longévité et de notre bien-être

Selon le professeur Michel, le Covid n’aurait fait que renforcer cette tendance : "On s’est protégé du coronavirus, on a pris de mesures d’hygiène jamais adoptées auparavant, on a porté des maques, on a limité les contacts sociaux, on s’est même confiné mais cela a eu un effet pervers : cela a accéléré les allergies. Ce n’est pas facile à admettre mais plus on se protège, plus on risque de développer une allergie."

Mais si notre façon de vivre marquée par un souci croissant de l’hygiène a tendance à favoriser l’apparition d’allergies, il ne faudrait pas oublier que ce mode de vie nous a mis à l’abri de pas mal de maladies. Et le professeur Michel est le premier à le reconnaître : "Le changement radical de notre mode de vie et son souci hygiéniste ont permis de supprimer, ou en tout cas de réduire fortement la mortalité néo et périnatale. On s’est débarrassé du choléra, la rougeole ne tue pratiquement plus en Belgique. C’est évidemment un progrès, mais il comporte une contrepartie : les allergies. "

Ces maladies modernes affectent de plus en plus de monde mais "en échange, notre espérance de vie a augmenté de 25 ans et notre qualité de vie s’est fortement améliorée. Entre mourir de la peste et souffrir d’un rhume des foins, le choix est vite fait. Il y a quelques années, un journal médical avait d’ailleurs titré très justement 'L’épidémie d’allergies est le prix à payer pour notre longévité et pour notre bien-être social.' "

Des allergies boostées par le réchauffement climatique

Mais notre manque d’exposition aux agents allergènes de l’environnement et la perte d’immunité qui va de pair ne sont évidemment pas la seule cause des allergies. Les additifs alimentaires sont aussi mis en cause. Le facteur génétique joue également un grand rôle. Par exemple, si les deux parents sont allergiques, leurs enfants ont en moyenne 70% de risque de développer une allergie. Cela descend à 33% s’il n’y a qu’un des deux parents qui est allergique.

Et puis, il y a le lien entre la pollution et l’incontournable réchauffement climatique. Selon Françoise Pirson, allergologue aux Cliniques universitaires Saint-Luc, "On aura de plus en plus de problèmes d’allergies en relation avec l’environnement à cause de la pollution atmosphérique et du réchauffement climatique. On le voit actuellement : les noisetiers sont en train de produire du pollen de manière précoce, les aulnes et les bouleaux suivront bien plus tôt que prévu, ce n’est pas normal. Les personnes allergiques ne peuvent pas rester dans une bulle 6 mois par an."

Et ça ne va pas s’arranger : "On sera exposé à l’avenir à des quantités croissantes de pollens qui ont une structure de plus en plus agressive au niveau du système immunitaire. Ce n’est pas nouveau : la progression va dans le même sens depuis la fin des années 90, poursuit-elle. Cliniquement, c’est une catastrophe car, même si on arrivait à corriger le problème du réchauffement climatique et de la pollution atmosphérique qui sont les principaux moteurs de cette pollinisation précoce, on n’aurait pas de retour à un état plus favorable avant 10 ou 15 ans."

Certains estiment que les projections de l’OMS de 50% d’allergiques en 2050 sont exagérées. Mais pour le docteur Pirson, elles sont de toute façon salutaires : "Ces projections sont dramatiques mais fondées. On aurait déjà dû tirer la sonnette d’alarme il y a 20 ans."

Sur la même thématique : JT du 02/01/2023

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