Guerre en Ukraine

La Moldavie, entre accueil difficile des réfugiés ukrainiens et crainte d’une invasion russe

Une fillette ukrainienne au point de passage d'Albita à la frontière entre la Moldavie et la Roumanie.

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La Première ministre de Moldavie, Natalia Gavrilita, a appelé il y a quelques jours les Etats-Unis à fournir davantage d’assistance humanitaire pour aider son pays à accueillir les réfugiés fuyant l’Ukraine, actuellement au nombre de 120.000 personnes en Moldavie… Beaucoup pour ce petit pays de 2,6 millions d’habitants, l’un des plus pauvres d’Europe, a-t-elle fait valoir auprès du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken, qui était en visite à Chisnau, la capitale. "Au dernier décompte, plus de 230.000 personnes venant d’Ukraine ont passé la frontière depuis le début de la guerre, et 120.000, dont près de 100.000 Ukrainiens, sont restés en Moldavie. Pour un petit pays comme nous, proportionnellement, c’est un nombre très grand", lui a-t-elle déclaré.

"Tout le monde participe pour les accueillir, les abriter, leur donner à manger ou leur porter assistance. Mais il nous faut de l’aide pour faire face à un tel afflux, et nous en avons besoin très vite", a-t-elle ajouté.

Environ 827.600 personnes ont fui l’Ukraine pour se réfugier en Pologne depuis le 24 février. Mais les autres voisins occidentaux de l’Ukraine, la Hongrie, la Moldavie, la Roumanie et la Slovaquie, ont également accueilli de très nombreux réfugiés.

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La Transdniestrie, séparatiste pro russe en Moldavie

Il n’y a pourtant pas que l’accueil des réfugiés qui inquiète à Chisnau. Le pays a fermé son espace aérien depuis le début d’invasion russe de l’Ukraine, mais aussi déclaré l’état d’urgence sur son territoire.

Petit par la taille, il dispose d’une longue frontière avec l’Ukraine voisine, qui court du nord vers l’est puis vers le sud… Un peu à l’image d’un petit morceau de pain dans la gueule du loup ; une frontière qui ne s’écarte que de quelques kilomètres, moins de 70 en réalité, de la grande ville ukrainienne d’Odessa, que les troupes russes s’apprêtent à bombarder selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, est le principal port du pays, vital pour son économie.

Située dans la région du même nom, sur les bords de la mer Noire, Odessa compte une population cosmopolite de près d’un million de personnes. Fondée en 1794 par l’impératrice Catherine II, Odessa, située à 500 km au sud de la capitale ukrainienne Kiev, est une ville très symbolique pour la Russie. Elle a été la troisième ville de l’empire russe et son deuxième port. En avril 2014, le président russe Vladimir Poutine avait lancé qu’elle ne faisait historiquement pas partie de l’Ukraine mais de la Novorossia (la Nouvelle Russie) qu’il aimerait voir constituée. Qu’ils soient Ukrainiens ou Russes, les russophones y sont majoritaires.

La ville ukrainienne a traversé des périodes très tendues ces dernières années, et plusieurs mystérieuses explosions y ont visé des organisations pro ukrainiennes.

Le 2 mai 2014, elle a été le théâtre d’une tragédie qui a coûté la vie à 48 personnes, principalement des prorusses, qui ont péri dans un incendie après avoir attaqué et tué des partisans de Kiev. Le drame, commémoré chaque année par les deux camps, a laissé des traces vivaces. Mais Odessa est parvenue – malgré ses divisions entre partisans de Kiev et de Moscou – à résister aux pulsions séparatistes qui ont entraîné un conflit armé (plus de 14.000 morts depuis 2014) dans les régions ukrainiennes rebelles de l’Est.

Pour la Moldavie, cette proximité pourrait cependant sceller son destin, car Odessa est proche de la Transnistrie, une région sécessionniste pro-russe de Moldavie.

La Moldavie, sur la route d’Odessa ?

Ces ingrédients font frissonner les autorités moldaves. Pour alimenter les craintes, une vidéo diffusée il y a quelques jours par la télévision d’Etat biélorusse alimente les spéculations. On y voyait le président biélorusse, allié de Moscou, présider un conseil de sécurité. Alexander Loukatchenko se tient avec une baguette devant une carte de la région, illustrant les différents fronts de l’invasion russe. Une invasion de la Moldavie serait dans les cartons, d’après les différents scénarios cartographiés… De quoi mettre les autorités moldaves en alerte. Tout comme les diplomates étrangers.

Cité par nos confrères de La Libre Belgique, le politologue Dionis Cenusa tempère cependant un peu : "Il n’y a pas de panique sur placeLes autorités gardent la situation sous contrôle. Du moins pour le moment."

Mais, si ce n’est sa taille, la Moldavie ressemble beaucoup, aux yeux de Moscou, à l’Ukraine : une minorité séparatiste pro russe contrôle un large territoire, la Transnistrie, aux frontières ukrainiennes, un territoire où des forces russes sont présentes ; le pays n’est pas membres de l’OTAN, ni de l’Union européenne, mais ses autorités veulent approfondir les liens avec ces deux entités. Ainsi, la Moldavie est membre aujourd’hui du partenariat oriental de l’Union européenne, mais elle vient de déposer la semaine dernière sa candidature officielle pour intégrer l’UE.
Mais, paralysées par sa dépendance énergétique face à Moscou, la Moldavie n’a pas rejoint les pays qui ont pris des sanctions contre la Russie. Cela suffira-t-il à préserver son territoire d’une invasion ? Seul Vladimir Poutine et ses conseillers le savent.

 

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