Cinéma

La Mostra de Venise fête ses 90 ans

Les premiers festivaliers de la première Mostra en 1932

© (Biennale de Venise)

La première édition du célèbre festival de cinéma italien a démarré le 6 août 1932. Rétrospective…

Benvenuti al Prima Esposizione Internazionale d’Arte Cinematografica !

Oui, soyez les bienvenus à la première Exposition internationale d’art cinématographique. Nous sommes le 6 août 1932, il y a tout juste 90 ans, sur la magnifique terrasse de l’hôtel Excelsior (là en front de mer, l’Adriatique, sur le Lido). L’Excelsior qui respire déjà le luxe, le calme et la volupté (comme dirait Baudelaire). Alors que les robes scintillent, que le champagne pétille, dans cet écrin majestueux (l’hôtel pouvant accueillir jusqu’à 3000 convives), rajoutez maintenant du strass, des paillettes et du charme. Celui de ces stars et de ces festivaliers qui se bousculent pour assister à cet événement. Un événement né de l’imagination fertile du comte Giuseppe Volpi di Misurata. Il est le président de la Biennale de Venise (créée, elle, en 1893), qui organise entre autres une grande exposition d’arts contemporains. Volpi aimerait célébrer le cinéma, le 7e Art qui prend de plus en plus de place dans la vie des gens au quotidien. Après avoir longuement négocié, après avoir reçu le soutien des autorités italiennes, voilà que le premier film de cette première édition est projeté ce 6 août 1932. Il s’agit de "Docteur Jekyll et M. Hyde" du réalisateur américain Rouben Mamoulian.

Loading...

Parmi les autres films de la compétition, nous retrouvons encore "L’homme que j’ai tué" d’Ernst Lubitsch, "Amour défendu" de Frank Capra, "La foule hurle" de Howard Hawks, "David Golder" de Julien Duvivier et "Les Hommes, quels mufles !" de Mario Camerini. Et encore, je parle de compétition mais à l’époque, la Mostra n’est pas encore une réelle compétition. Elle n’a pas de jury. En réalité, à la fin de chaque séance, les festivaliers étaient invités via un formulaire à voter pour la meilleure actrice et le meilleur acteur de l’édition. Sans oublier qu’ils pouvaient encore choisir les meilleurs réalisateurs des films les plus amusants, les plus émouvants et les plus originaux. Last but not least ou, en italien dans le texte, ultimo ma non meno importante, ils avaient encore la possibilité d’élire le film démontrant la plus grande perfection technique. Donc, oui, à l’époque, il n’y avait pas encore de Lion d’or, apparu seulement en 1954 sous cette appellation car avant, ce premier prix s’intitulait Lion de Saint Marc (il fût créé en 1949) puis le Grand prix international de Venise.

La première affiche de la première Mostra en 1932
La première affiche de la première Mostra en 1932 © (Biennale de Venise)

Il n’y avait peut-être pas de jury et encore moins de président/e mais bien un comité d’honneur pour inaugurer cette première édition. Dans ce comité, on retrouvait l’homme sans qui rien n’aurait existé, l’inventeur du Cinématographe, le grand Louis Lumière. Dans une lettre, il remerciait les organisateurs d’avoir pensé à lui. Une lettre que vous pourrez lire si vous passez à la 79e Mostra, celle mise en place, là, dans quelques jours, entre le 30 août et le 10 septembre prochain. À travers une exposition, entre affiches, photos et documents d’époque, vous pourrez donc revivre les premières heures de cette fête du cinéma. Une fête que l’actuel président de la Mostra, Alberto Barbera, résumait en quelques mots à nos confrères de la presse italienne…

La motivation la plus noble et idéalement justifiée qui sous-tend cette première édition réussie et tournée vers l’avenir était d’affirmer une fois pour toutes la nature artistique du cinéma, un nouveau médium qui a commencé comme une sorte de freak show pour s’imposer rapidement comme la forme de divertissement la plus grande et la plus populaire pour les masses, l’élevant au niveau de la dignité des autres Arts dont La Biennale s’était occupée jusqu’alors…

Des premiers spectateurs et des premiers festivaliers vénitiens
Des premiers spectateurs et des premiers festivaliers vénitiens © (Biennale de Venise)

Notez que le comte Volpi était aussi membre du gouvernement fasciste de Benito Mussolini (il était son ministre des finances). Derrière cet événement cinématographique se cachaient encore un instrument de propagande et un projet touristique, comme le confirme encore Roberto Cicutto, l’actuel président de la Biennale…

Le festival n’est pas un concept né de l’amour du cinéma, tempère le président. C’était avant tout l’idée d’un homme d’affaires, un projet touristique destiné à remplir les hôtels du Lido…

Loading...

En attendant les prix de cette nouvelle édition 2022, concluons avec le palmarès de sa première version. Le meilleur réalisateur fût le soviétique Nikolaï Ekk pour le film "Le Chemin de la vie". Le film de René Clair "À nous la liberté" a été élu comme le plus amusant. L’actrice Helen Hayes fût récompensée et choisie comme la meilleure de cette année 1932, tout comme Fredric March (le Jekyll du premier film projeté lors de cet événement) chez les hommes. Quant au film le plus émouvant, c’était "La faute de Madelon Claudet" d’Edgar Selwyn !

Inscrivez-vous à la newsletter à la Chronique de Hugues Dayez

Chaque mercredi, recevez dans votre boîte mail la chronique du spécialiste Cinéma de la RTBF sur les sorties de la semaine.

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous