C’est un éternel recommencement. Enlevée au sortir de l’hiver, la mousse qui s’étend dans une pelouse revient bien vite reformer ce tapis dense qui peut se substituer au gazon. Mais la situation n’est pas désespérée…
Si la mousse envahit l’herbe, c’est tout simplement parce que celle-ci manque de vigueur. Première étape : mieux connaître les différentes raisons de cette faiblesse.
Les graminées du gazon ne sont pas des plantes d'ombre
Si la pelouse est ombragée par de grands arbres ou la maison, le gazon manque de lumière. Il ne peut effectuer une photosynthèse optimale, sa vigueur est amoindrie et la mousse prend le dessus. A l'ombre, la présence de la mousse est inévitable. Les grainetiers ont sélectionné des graminées pour l’ombre, mais ce gazon, aux brins très fins à ne pas tondre trop court, n’a pas la même texture que la pelouse et n’aime pas le piétinement.
La mousse est gagnante sur les sols pauvres et compacts
Contrairement aux parterres ou au potager enrichis d’humus par l'apport de compost ou par la décomposition du paillage, une pelouse dont l’herbe tondue est ramassée ne reçoit pas de matières organiques. Les micro-organismes et les vers de terre se font rares. Faute de vie, le sol se compacte, une situation qui peut être accentuée par le piétinement, surtout dans les terres argileuses sur lesquelles on circule quand elles sont détrempées.
Dans un sol qui s’appauvrit et durcit, les racines des graminées manquent de ressources et de profondeur. Le gazon a peu de vigueur. La mousse est gagnante.
Le feutrage aggrave la situation
La meilleure preuve de l’absence d’une vie biologique dans le sol d’une pelouse est le développement du feutrage. Des débris végétaux comme des brins d’herbe, des fragments de feuilles mortes, des aiguilles de conifères, de la mousse sèche ne sont pas décomposés, faute de micro-organismes. Ces matières s’accumulent à la surface du sol, entre les brins des graminées. Cette couche qui peut avoir plusieurs centimètres d’épaisseur joue un rôle d’éponge, conservant en surface une part de l’eau de pluie au détriment des racines de l’herbe. La présence de ce feutrage augmente l’acidité, favorable aux mousses, et réduit l’apport d’air aux micro-organismes du sol.
Mauvaise réponse n°1 : la chaux de façon inconsidérée
La mousse se développe bien sur les sols très acides. La solution proposée par des jardineries consiste donc à étendre de la chaux pour diminuer le degré d’acidité de la terre. Mais les mesures effectuées par les laboratoires d’analyse de sol montrent que cette situation en Wallonie n’est réelle que dans 20% des cas. L’usage répété et inconsidéré de chaux peut amener le sol dans une zone de pH neutre ou basique défavorable à la croissance de l’herbe qui préfère une légère acidité. Idéalement, une analyse du sol doit être effectuée avant tout chaulage. Si ce traitement est effectivement nécessaire, le laboratoire calculera la quantité précise de chaux à appliquer au mètre carré pour obtenir le degré d’acidité le plus favorable au gazon.
Mauvaise réponse n°2 : l’engrais azoté chimique et le sulfate de fer
Au sortir de l’hiver, la mousse est enlevée par scarification. Est ensuite appliqué un engrais azoté qui soutient la croissance de l’herbe. Le gazon pousse vigoureusement et fait temporairement obstacle au retour de la mousse. Quand l’engrais est de nature chimique, le manque de matière organique n’est pas rencontré et la dégradation du sol se poursuit.
Des engrais pour gazon contiennent toujours du sulfate de fer. Cette matière fut intensivement utilisée pour détruire la mousse qui mourrait en devenant noire, tandis que des taches de rouille pouvaient apparaître sur les murets ou dallages. Il faut bannir ce produit qui peut provoquer des irritations et qui accentue l’acidité du sol, favorisant ainsi le retour de la mousse qui n’est détruite que temporairement.
La solution : un sol vivant
On ne l’avait pas envisagé au départ, mais les gazons tondus par un robot se sont progressivement transformés. L’herbe est drue, vigoureuse ; le feutrage et la mousse régressent, pouvant complètement disparaître dans les zones les plus favorables. Tout simplement parce que la fréquence des passages fait en sorte que de minuscules fragments d’herbe sont coupés à chaque fois. Ils sont décomposés sur le sol, constituant un apport progressif d’humus. Le sol de la pelouse retrouve sa vie biologique. Le travail des lombrics ameublit la terre. Les racines descendent en profondeur, de même que l’eau de pluie.
Les tondeuses robots rencontrent de plus en plus de succès. Le jardinier est libéré de la contrainte de la tonte et peut consacrer ce temps à des travaux plus créatifs au jardin. La pollution sonore est considérablement réduite. Mais ces engins ont un grand inconvénient. Ils blessent cruellement les hérissons qui circulent la nuit sur la pelouse. Il faut limiter la période de tonte à la durée du jour.
La nature, une évidence
Nourrir le sol de matières organiques, à la manière d’une forêt qui vit perpétuellement des apports des arbres qui la peuplent… Avec le recul, on peut se demander pourquoi cette évidence, pourtant appliquée dans les autres parties du jardin, a été oubliée si longtemps côté gazon. Peut-être parce que le secteur commercial a proposé des solutions techniques avec des machines, produits et engrais qui constituaient une consommation récurrente entretenue par la publicité.
Et demain, les pelouses ?
S’il constitue l’avant-plan des parterres, s’il permet le jeu des enfants et la circulation entre les différentes zones du jardin, le gazon n’est pas un milieu écologique. Même s’il n’est plus irrigué, même s’il ne reçoit plus de traitement, il reste consommateur d’énergie pour la tonte et ne privilégie pas la biodiversité de façon optimale. Dans les zones sans circulation, les prés fleuris sont appelés à prendre de plus en plus d’ampleur. Ils favorisent la présence des insectes butineurs.
Face au réchauffement climatique, le gazon souffre en été du manque d’eau et des fortes températures. Il jaunit et sèche. Dans un proche avenir, les plus belles zones à la végétation rase dans les jardins ne seront plus constituées de graminées à tondre, mais de plantes couvre-sol comme des sédums, des thyms, des achillées et autres espèces appréciant les surfaces sèches et ensoleillées.