Sur ce clin d’œil, Marie-Paule Belle raconte l’histoire d’une provinciale qui se frotte et se confronte aux habitudes d’une certaine élite.
" Lorsque je suis arrivée dans la capitale. J'aurais voulu devenir une femme fatale. Mais je ne buvais pas, je ne me droguais pas. Et je n'avais aucun complexe. Je suis beaucoup trop normale, ça me vexe. " À partir de ce constat, notre Bécassine se lance dans une longue énumération de ce qu’elle n’est pas – listant en même temps ce qu’il faudrait être pour être dans le vent : " Je ne suis pas dans le ton. Je n'suis pas végétarienne. Ça me gêne, ça me gêne. J'n'suis pas Karatéka. Ça me met dans l'embarras. Je ne suis pas cinéphile. C'est débile, c’est débile. Je ne suis pas M.L.F. (Mouvement de Libération des Femmes). Je sens qu'on m'en fait grief. "
On a l’impression d’être dans un sommaire du Nouvel Observateur à l’époque où le Nouvel Obs symbolisait une certaine caste sociale… Caste dont le chic ultime est de fréquenter le cabinet d’un psy – ce que le personnage de la chanson a bien compris – elle qui dit " Pour réussir mon destin. Je vais voir le médecin. " Et on comprend qu’elle va chez le psy parce qu’elle dit : " je ne suis pas schizophrène, je ne suis pas hystérique, je n’ai pas de goûts pervers. " Sauf que, avec son naturel tout provincial et cette façon de ne pas y toucher, on apprend, au coin d’une phrase, qu’elle se tape le psy. La preuve : " Mais si, me dit le docteur en se rhabillant. " Et le diagnostic tombe : " Vous avez une obsession : c'est le sexe. "
Malgré ce qu’en dit le personnage qui est dans le déni, " Je ne suis pas nymphomane. On me blâme, on me blâme ", " La Parisienne " est en fait l’histoire d’une addiction. Une addiction bien présente tout au long de la chanson où l’on comprend que la fille traîne de lit en lit : " Bientôt j'ai fait connaissance d'un groupe d'amis. Vivant en communauté dans le même lit. Je me rôde, je me rôde. Dans les lits de Saint-Germain. C'est divin, c’est divin. " C’est une chanson osée pour l’époque (1976), qui parle d’une femme exprimant sa soif de sexe. " Je cavale, je cavale. J'assume ma libido. Je vais draguer en vélo ", ce qui, en général, est plutôt réservé et accepté des hommes. " La Parisienne " est donc une chanson féministe qui revendique le droit des femmes à être cavaleuses, à disposer de leur corps et de leur sexe. Un texte de société qui annonce " La vie sexuelle de Catherine M ". Sans compter que si on fait le compte de tout ce qu’elle évoque de l’air du temps, en vrac : l’écologie, le végétarisme, la cinéphilie, le karaté, le yoga, le vélo.. on a déjà la matrice de nos bobos. " La Parisienne " est une chanson en avance sur son temps. " La Parisienne " est donc une chanson visionnaire.
Écoutez l’intégralité de " La Parisienne " de Marie-Paule Belle :