Ni réac’, ni bisounours
‘Le Jeune Ahmed’, ‘Nocturama’, ‘Les Cowboys’… Les longs-métrages sur l’extrémisme religieux fourmillent en Europe depuis quelques années. Et il n’a pas fallu attendre les attentats de Charlie Hebdo ou de Bruxelles pour en arriver là. ‘La Part Sauvage’est d’ailleurs adapté d’un court-métrage du même réalisateur, sorti en 2010. N’empêche, en filmant la grisaille des rues de Molenbeek quelques mois après avoir entendu Donald Trump qualifier la Capitale de ‘trou à rats’, le réalisateur Guérin Van de Vorst savait qu’il plaçait sa caméra en terrain miné.
Coup de bol, ‘La Part Sauvage’ne se laisse pas impressionner pour autant. On aurait pu craindre un long-métrage un peu bisounours sur le vivre-ensemble, ou même l’inverse avec une histoire réactionnaire sur un quartier en roue libre. Le résultat nous entraîne plutôt vers un thriller psychologique, où seule la précarité sociale et institutionnelle crée les conditions pour la dérive extrémiste du héros. Et où la pression monte à mesure que l’on voit Ben absorber ses frustrations. Le personnage se transforme vite en bombe à retardement, avec la question du passage à l’acte terroriste en épée de Damoclès. Bref, si vous aimez vous ronger les ongles, ce film est fait pour vous !
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Les points forts : la direction artistique, le casting béton… et la chanteuse Sia ? !
Loin de toute stigmatisation, ‘La Part Sauvage’ne s’attarde donc pas trop sur la petite commune de Molenbeek, pour mieux tourner le regard vers les motivations plus universelles de son héros. Un type en réinsertion, guidé par l’envie de se tenir à carreau et le besoin contradictoire d’envoyer valser les règles qu’on lui impose. C’est la fameuse ‘part sauvage' du titre, une force instinctive qui pousse Ben à voir son fils malgré l’interdiction de son ex-femme, ou à emprunter les jolies voitures de ses clients sans les prévenir. Un titre qui suggère une dualité en conflit, que le réalisateur décline au-delà du scénario dans toute sa direction artistique. À l’écran, ça donne de beaux jeux de clairs-obscurs dans la photographie, ou encore l’utilisation du canal de Willebroek comme ligne d’équilibre métaphorique.
Toute cette tension s’envolerait sans un comédien de talent pour l’exprimer, et Vincent Rottiers répond à l’appel. Le jeune Français, déjà un habitué du cinéma noir-jaune-rouge (‘Un ange’, ‘La Marche’), se révèle aussi émouvant que flippant dans la peau de l’ex-prisonnier. Il porte le film sur ses petites épaules mais tout se passe dans ses yeux, véritable champ de bataille où s’affrontent la rage silencieuse et l’envie de rédemption.
Et puis bonus, ‘La Part Sauvage’c’est aussi de la musique pop ! Un geste devenu presque classique dans le cinéma dramatique, où l’irruption d’une chanson kitsch vient faire fondre nos cœurs blasés. Il y a eu Maître Gims dans ‘L’économie du couple’, Michel Berger dans ‘Nos Batailles’, et bien sûr le tour de force de Céline Dion dans ‘Mommy’. Ici, ce sera ‘Chandelier’ de Sia, et l’exercice fonctionne à merveille !