Entrez sans frapper

"La peau dure" d'Étienne Daho, une chanson sur le jumeau - ce frère qui serait peut-être un père...

.

© Tous droits réservés

" La peau dure " est une chanson récente d’Etienne Daho, extraite de l’avant-dernier album " Les chansons de l’innocence retrouvée " paru il y a 4 ans.

Il faut savoir qu’il n’est pas aisé de faire remonter une quelconque signification des chansons de Daho – puisqu’il a lui-même d’emblée décidé de cadenasser les éventuelles lectures… Comment voulez-vous savoir ce qu’il dit dans ses chansons quand on sait que sa toute première chanson s’appelle " Il ne dira pas " - comme une sorte d’avertissement aux futurs commentateurs, un moment initiatique qui guidera toute l’écriture de ses chansons…

 

(MCM 90'S) ETIENNE DAHO Il ne dira pas

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

C’est une chanson qui date de 1981. Il fait une liste de toutes les choses dont il ne parlera pas. Un autoportrait à l’envers, en même temps qu’un mode d’emploi. Une technique pour écouter ses chansons.

 

Et donc qu’est-ce qu’il dit, en ne le disant pas, dans " La peau dure " ? Il dit :

" Bien sûr. Je connais tes plaies, tes blessures. Cyanure. Tes souvenirs ont la peau dure. Fêlure. A chacun son chemin, chacun ses déchirures. Mais je les ressens comme toi. " Arrêtons-nous tout de suite sur " cyanure " - en précisant que, dans le vocabulaire de Daho, tout ce qui tourne autour du poison, de l’empoisonné, du toxique, de la toxicité, de l’intoxiqué, du dangereux et du danger : c’est extrêmement attirant.

 

" Fracture. Poussé seul sur un tas d’ordures. Torture. Redouter d’être une imposture. Froidure. Qui nous gerce le cœur. Et rouille les jointures. Oui, je les ressens. " " Poussé seul sur un tas d’ordures. " marque la fascination du narrateur pour la figure de l’abandonné, la figure du bâtard – celui qui n’a pas de père et qui grandit comme une mauvaise herbe – une immondice de la société. Le texte de " La peau dure " renvoie autant à Jean Genet qu’à Morrissey qui ont, tous les deux à des niveaux différents, développé une forme de romantisme autour du bâtard et du voyou – celui qui n’est pas à sa place et qui redoute de se faire démasquer (l’imposture).

 

Ce qui est intéressant dans " La peau dure ", c’est le dispositif du face-à-face. S’il dit " je connais ", " je ressens ", " comme toi " - c’est qu’il a en face de lui quelqu’un qui lui ressemble. Quelqu’un qui serait un jumeau – personnage récurrent dans l’univers de Daho. Ce double, c’est peut-être lui-même (il se regarde dans un miroir et il parle à l’enfant qu’il a été). C’est peut-être un autre – qui a vécu les mêmes violences de l’enfance (fracture, torture, blessures). " Quand les larmes de l’enfance. Toute la vie sont murmures. Où sont l’épaule et les mots qui te rassurent. " L’épaule qui rassure, pour un enfant, c’est celle du père. " Oui, les larmes de l’enfance. Te font le cuir et l’armure. Et assèchent les rivières. Que tu pleurais hier. "

 

" La peau dure " est une chanson sur l’enfant abandonné qui a construit son socle de vie sur les larmes séchées – peut-être même une chanson sur l’enfance maltraitée (fracture, torture, blessures). Celui qu’il a en face de lui est un frère qui, comme lui, n’a pas connu de père. On sait qu’Etienne Daho n’a pas vraiment connu son père qui a abandonné sa famille quand il avait 4 ans… Celui qu’il a en face de lui est un frère, mais peut-être un fils… Il s’adresse peut-être au fils qu’il a eu et qui a vécu le même abandon que lui. On sait qu’Etienne Daho a eu un fils à 17 ans et qu’il ne l’a pas vraiment connu.

" La peau dure " serait comme un échange d’expériences et de scénarios répétés… 

 

Sur le double (ce jumeau dans lequel il aime se confondre) et l’enfance, Daho a déjà chanté " Retour à toi " :

 

Sur le père absent qui réapparaît (un soir, à l’Olympia), Daho a aussi chanté " Boulevard des Capucines ".

 

Ce père qui le quitte alors que – dehors – éclate le danger. Celui de la guerre d’Algérie dont il fera référence dans une chanson qui s’appelle " De bien jolies flammes ".

 

Donc, " il ne dira pas " mais à la longue, il a quand même fini par dire des choses. Mais il faut traquer, comme des pointillés, ces chansons qui le relient à des moments très précis de sa biographie… Comme cette chanson qui s’appelle " Saint Lunaire dimanche matin ", qui fait référence à sa jeunesse à Rennes où se trouve un bar de nuit – la Chaumière de Saint Lunaire – où il avait l’habitude de voir le jour se lever…

French Pop Hits-- Étienne Daho: Saint Lunaire [Revisited]

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Écoutez " La peau dure " d’Etienne Daho :

Etienne Daho - La peau dure (Clip officiel)

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous