Interprétée par Catherine Le Forestier, la sœur de Maxime Le Forestier, " La petite fugue " fête ses 50 ans cette année. Il y a évidemment quelque chose de miraculeux et de tellement gracieux dans ce passage d’une chanson à travers le temps. Aujourd’hui encore, " La petite fugue " est un best-seller des cours de chant et de solfège…
" La petite fugue " de Catherine Le Forestier met en scène un souvenir, celui de trois jeunes gens (la narratrice, Eléonore et Nicolas) qui tentent de maîtriser une fugue de Bach en la reprenant inlassablement.
" C’était toujours la même. Mais on l’aimait quand même. La fugue d’autres fois. Qu’on jouait tous les trois. On était malhabiles. Elle était difficile. La fugue d’autres fois. Qu’on jouait tous les trois. "
Il paraît, en effet, que c’est très difficile et très exigeant les fugues de Bach.
" Eléonore attaquait le thème au piano. On trouvait ça tellement beau. Qu'on en oublier de jouer pour l'écouter. Elle s'arrêtait brusquement et nous regardait. Du haut de son tabouret. Elle disait : "Reprenez mi fa mi fa mi ré". "
Eléonore semble être la grande du groupe, l’aînée, la cheffe. Celle qui, " du haut de son tabouret " (ce qui lui donne une stature), dirige la répétition. Nous sommes bien dans un tout petit couloir de la mémoire puisqu’on se remémore même des instants terribles de découragement : " Souviens-toi qu'un violon fut jeté sur le sol. Car c'était toujours le sol. Qui gênait Nicolas quand il était bémol. "
Des instants terribles, mais aussi des anecdotes, des points de repères précis dans le souvenir : " Quand les voisins commençaient à manifester. C'était l'heure du goûter. Salut Jean-Sébastien et à jeudi prochain. " Jean-Sébastien, c’est bien sûr Jean-Sébastien Bach qui donne tant du fil à retordre au trio…
" Un jour Eléonore a quitté la maison. Emportant le diapason. Depuis ce jour nous n'accordons plus nos violons. L'un après l'autre nous nous sommes dispersés. La fugue seule est restée. Et chaque fois que je l'entends c'est le printemps. "
Ici, gros effet " madeleine de Proust " : " à chaque fois que je l’entends, c’est le printemps… " : le printemps n’est pas n’importe quelle saison, c’est celle qui marque l’éveil à la vie… Et c’est exactement de ça dont parle la chanson : quitter la maison, se disperser et s’éclore à la vie…
Nous parlons bien d’un frère et de deux sœurs qui, jadis, jouaient de la musique ensemble et qui, aujourd’hui, en gardent un souvenir d’une immense tendresse. On peut supputer que " La petite fugue " a une résonnance autobiographique. Qu’elle fait référence à un vécu dont les pistes auraient été légèrement brouillées.
Puisque dans le rôle d’Eléonore – la grande – on peut imaginer Anne, la sœur ainée de Maxime Le Forestier, pianiste qui a étudié au Conservatoire de Paris.
Dans celui du garçon, Nicolas, on peut voir Maxime lui-même.
Et bien sûr, Catherine Le Forestier qui chanterait à la première personne.
Outre ce reflet autobiographique autour d’un portrait de famille, l’intérêt de la chanson réside aussi dans sa dimension poétique qui fait le rapprochement entre la fugue et la fugue : la fugue, pièce musicale et la fugue, le fait de s’enfuir de son domicile, la fugue de la jeunesse…
Chanson construite sur trois fois rien, " La petite fugue " évoque – sinon tout – beaucoup de l’enfance qui passe et du temps qui s’enfuit…
Écoutez " La petite fugue " par Catherine Le Forestier :