Et Dieu dans tout ça?

La philosophe Vinciane Despret : "Les morts ont des affects de vitalité qui leur sont octroyés par les vivants"

Et dieu dans tout ça ?

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Les morts peuvent faire agir les vivants. Ils pourraient même les aider à transformer le monde. C’est l’idée que défend la philosophe et psychologue Vinciane Despret.

Dans son nouveau livre, Les morts à l’œuvre, paru aux Editions La Découverte, Vinciane Despret raconte des histoires de morts "qui insistent" et de vivants qui répondent en leur commandant des œuvres d’art, via le programme des Nouveaux Commanditaires.

Et la philosophe déclare que ce processus transforme "des morts désœuvrés en morts à pied d’œuvre".

La place des morts et de ceux qui restent

Les morts nous obligent à faire et à défaire notre identité, écrit Vinciane Despret. Les morts nous déplacent.

Quand les morts meurent, bien sûr il y a de la place pour les vivants, mais surtout on rejoue totalement les places. Et ce n'est donc pas tellement étonnant que la question de la place de chacun soit reposée chaque fois qu'il y a quelqu'un qui s'en va.

Et la place des morts ? Certaines traditions laissent énormément de place aux morts, comme le Mexique, l'Islande, la Hongrie Madagascar... mais la nôtre, à première vue, pas tellement. 

En réalité, ce n'est pas le cas, explique Vinciane Despret. "Les gens cherchent à faire de la place pour les morts, mais dans la sphère parfois plus intime qu'intime". Ils n'osent souvent pas en parler, de peur d'être traités de fous ou d'extravagants. 

"En fait, nous sommes bien plus imaginatifs que je ne l'imaginais moi même, mais c'est vrai qu'on en parle très peu".

© Editions de La Découverte

Est-ce que les morts sont des vivants autrement ?

"Les morts ne sont évidemment pas des vivants, mais ils ont des affects de vitalité qui leur sont octroyés par les vivants".

Toutes les cultures font une séparation relativement élaborée entre les vivants et les morts, explique Vinciane Despret. Mais dans certaines cultures, il y a une certaine porosité. Chez nous, l'au-delà rend très imperméable la frontière entre les deux. 

Au fil des siècles, avec le positivisme, le matérialisme, la mise à l'écart du religieux, la psychothérapie, etc, les morts ont de plus en plus été voués à l'inexistence, Et les gens ont de plus en plus dû soit adhérer à ce modèle, celui du deuil par exemple, soit continuer à imaginer des rapports, mais dans lesquels ils ne peuvent pas parler.

Le travail des vivants

Ceux qui apprennent à entretenir des rapports avec leurs morts assument bien un travail d'après Vinciane Despret. Et cela, dès le début. Lors d'enterrements, les vivants s'adressent parfois encore au mort en lui disant 'tu', comme s'il était encore présent parmi les vivants. Il y a ainsi tout un travail qui s'élabore de partage d'aspects du mort que les autres ne connaissaient pas.

On fabrique un mort en commun, mais qui est beaucoup plus épais, qui est beaucoup plus riche, qui a une personnalité bien plus complexe que celle que chacun connaissait.

La philosophe ajoute : "Et chacun va repartir avec un mort qui est beaucoup mieux fabriqué et qui pourra peut-être rester dans leur vie, de manière plus stable et plus importante. Et ça, c'est le premier travail".

Puis vient le travail d'enquête. Qu'est-ce que le défunt aurait souhaité ? Qu'est-ce qu'on jette, qu'est-ce qu'on transmet, qu'est-ce qu'on donne ? 

Ceux qui insistent

Le programme des Nouveaux Commanditaires, élaboré dans les années 1990 par l'artiste François Hers, permet à tous ceux qui veulent commander une œuvre d'art à un artiste de le faire, même s'ils n'en ont pas les moyens.

Parmi ces centaines de commandes, il y en a eu quelques-unes qui ont été faites parce que quelqu'un était décédé.

Il y a un mort qui est mort et qui voudrait bien qu'il y ait quelque chose encore qui soit fait. Et c'est pour ça que je les ai appelés 'les morts qui insistent', parce qu'il y a quelque chose qui n'a pas été fait et qui devrait être fait.

Vinciane Despret nous raconte cinq histoires où des morts proches ou éloignés dans le temps ont obligé les vivants à leur donner une nouvelle place, notamment par cette commande d'œuvres d'art.

► Ecoutez dans la suite de l'émission ci-dessus.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous