La "pilule empoisonnée" brandie par Twitter face à Elon Musk est un mécanisme à l'efficacité éprouvée, qui pourrait contraindre le bouillant entrepreneur à négocier faute de pouvoir passer en force. Pour empêcher une prise de contrôle, le conseil d'administration prévoit d'activer la "pilule" si le directeur général de Tesla atteint 15% du capital de Twitter en bourse.
Il en détient actuellement 9,2% et a affirmé jeudi avoir réuni les financements nécessaires pour lancer une offre sur le reste, moyennant une enveloppe de 46,5 milliards de dollars.
A partir de 15%, tous les actionnaires autres qu'Elon Musk pourraient alors acheter des actions à moitié prix, ce qui augmenterait le nombre de titres en circulation et diluerait le poids de l'insatiable milliardaire. Il lui serait alors quasiment impossible de prendre le contrôle de la société, sauf à dépenser une somme nettement supérieure à l'enveloppe prévue initialement. "La dilution créée par cette défense joue généralement son rôle de dissuasion", explique Eric Wehrly, professeur adjoint de finance à l'université de Western Washington.
La "poison pill" a été inventée il y a 40 ans par l'avocat d'affaires Martin Lipton pour contrer la vague d'acquisitions hostiles en cours à Wall Street.
"C'était l'ère des 'raiders'", expliquait en 2011, à The Deal, le juriste, époque incarnée par ces investisseurs d'un nouveau genre, experts des montages financiers, de KKR à Carl Icahn, en passant par Kirk Kerkorian.
Rapidement contestée en justice, la pratique a été validée pour la première fois en 1985, par la Cour suprême du Delaware, dont dépend Twitter, même si le groupe est californien. "La moitié des sociétés cotées ont été créées dans cet Etat", à la fiscalité avantageuse, "qui a bien établi la jurisprudence sur les pilules empoisonnées", explique Jon Karpoff, professeur à l'université du Washington. "A moins qu'il y ait quelque chose d'inhabituel dans la pilule, ce dont je doute, (...) M. Musk aurait peu de chances de gagner en justice" et de faire annuler le mécanisme, estime-t-il. "Je ne pense pas que cela ira en justice, parce qu'Elon Musk n'a pas de base juridique" pour triompher, abonde Brian Quinn, professeur adjoint à l'université de Boston College.