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La politique d’asile et les sauvetages en mer agitent le Parlement européen

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Par Belga, édité par Marine Lambrecht

La gestion de la migration vers l’Europe et des suites des opérations de sauvetage en mer ont nourri mardi matin dans l’hémicycle du Parlement européen à Strasbourg un débat qui a une nouvelle fois illustré la difficulté pour les 27 et les institutions européennes d’avancer ensemble sur une réforme complète de la politique d’accueil et d’asile.

Intervenant au nom du Conseil de l’UE, dont la Tchéquie occupe la présidence tournante, le ministre tchèque des Affaires européennes Mikulás Bek a fait le point sur le travail sur une "solution de long terme", celle du Pacte migration et asile proposé par la Commission en septembre 2020. Le Parlement et les présidences actuelle et futures du Conseil ont signé en septembre une "feuille de route" visant à boucler le travail avant la fin de la législature (2024).

Mais le Pacte est en réalité un paquet assez fourni de différentes propositions législatives. Les Etats ont eu tendance à avancer sur l’aspect plus "sécuritaire" des propositions, parvenant en juin dernier à un accord sur leur position de négociation commune sur deux éléments, le règlement Eurodac (base de données d’empreintes digitales des migrants et demandeurs d’asile) et le règlement "filtrage" (premier screening rapide des migrants aux frontières extérieures). Parallèlement, une déclaration sur un mécanisme de solidarité avait été mise en avant (relocalisation de demandeurs d’asile ou contribution financière), mais le mécanisme prévu reste temporaire et volontaire, et n’implique pas tous les Etats membres.

"On attend de commencer les négociations avec le Parlement" (ce dernier n’a pas encore arrêté sa position de négociation) sur ces textes (Eurodac et filtrage), et de "reprendre le travail sur les autres dossiers", a indiqué le ministre tchèque.

Le commissaire européen Margaritis Schinas a appelé à faire avancer "urgemment" le travail de colégislation sur d’autres éléments, "les règlements de qualification et sur la réinstallation" et la directive sur les conditions d’accueil.

"Nous pouvons lors de cette législature compléter la feuille de route, mais notre Parlement a toujours eu une vision complète du problème, qui comprend les opérations de recherche et sauvetage et des voies d’entrée légales et sûres", a quant à lui avancé l’eurodéputé espagnol Juan Fernando López Aguilar (S&D, socialistes et démocrates), président de la commission "des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures", qui est responsable du travail sur ces dossiers au sein du Parlement.

Le débat était particulièrement d’actualité après la bisbrouille entre la France et l’Italie sur l’accueil du navire Ocean Viking de l’ONG SOS Méditerranée. Le 11 novembre, après plus de deux semaines de blocage et de refus de l’Italie de le laisser accéder au port le plus proche, le navire humanitaire a pu débarquer ses quelque 230 rescapés au port de Toulon. Le gouvernement français a sévèrement critiqué au passage l'(in) action du gouvernement italien et indiqué refuser en contrepartie l’accueil de 3.500 personnes arrivées en Italie et qu’il s’était proposé de relocaliser en France.

Les interventions des différents groupes politiques ont étalé les différences de sensibilité sur ce sujet complexe. Tous sont d’accord pour condamner les pertes de vies humaines sur la route de l’Europe, beaucoup rappellent que le sauvetage en mer de personnes en péril est une obligation internationale.

Pour le PPE, Manfred Weber met entre autres l’accent sur l’importance de "meilleurs accords de retour" avec des pays tiers. Pour Iratxe García Pérez (S&D), "les évènements récents nous appellent à avancer sur le pilier 'solidarité' du nouveau pacte". Stéphane Séjourné (Renew) indique être "favorable à une solidarité financière mais aussi humaine entre les Etats membres" mais estime qu’il "y a trop de migrants en situation irrégulière" et qu’il "faut pouvoir raccompagner rapidement ceux qui ne remplissent pas les critères", à l’aide entre autres de "données et procédures harmonisées". "Mais cela ne suffira pas, il faudra aller plus loin en intensifiant nos efforts avec les pays tiers et une bonne coordination dans les sauvetages en mer".

Le Belge Philippe Lamberts (Ecolo), pour le groupe des Verts/ALE, a poussé un coup de gueule. "Nos gouvernements ont délibérément ou par inaction choisi la politique du refoulement et de la violence, de préférence à distance et à huis clos", accuse-t-il. Quant aux accords avec les pays de départ, "en donnant les clés de notre politique d’asile et de migration à des pays comme la Libye, nous nous rendons complices de la violence, de la torture, des viols et des rançons. […] Ses soi-disant garde-côtes sont des gangs armés en uniformes". Il faut des voies sûres d’arrivée, et une répartition solidaire de l’accueil, insiste-t-il. L’accueil des personnes ayant fui l’Ukraine a démontré que c’était une question de volonté, pas de capacité, selon l’élu Ecolo.

Assita Kanko (N-VA), prenant la parole pour le groupe CRE, a quant à elle estimé que jusqu’ici la politique européenne avait "abandonné les 'vrais' réfugiés et donné du pouvoir aux trafiquants"."La question n’est pas comment sauver un bateau en Italie, mais pourquoi il a même pu quitter le premier port", lance-t-elle. "Nous devons être stricts avec les migrants illégaux et justes avec les vraies victimes. C’est seulement alors que nous pourrons implémenter une vraie solidarité […] Pour y arriver, nous devons faire face à la réalité : nous avons besoin de partenariats avec les pays voisins, même si parfois on se pince le nez".

 

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