Déclic

La "pollution éternelle" des PFAS : une limite planétaire encore largement sous-estimée ?

Déclic et des claques

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Le quotidien Le Monde a sorti une grande enquête sur la "pollution éternelle", fruit d’un travail collaboratif avec des universités et d’autres médias. Des substances chimiques qu’on appelle les PFAS, qui restent dans le sol éternellement, sans se dégrader. Mise en carte, la situation est frappante en Europe… et encore plus en Flandre.

Sur les cartes publiées par Le Monde, fourmillent des tas de petits points rouges ou bleus. Ce sont des sites où il y a une pollution avérée aux PFAS, ou une pollution présumée. On en dénombre plus de 17.000 en Europe dont 2100 hot spots, à savoir des lieux très contaminés.

Quand on zoome sur l’Europe de l’Ouest, où la concentration de zones de pollution aux PFAS est la plus forte, on remarque que la Belgique est particulièrement concernée, mais c’est surtout la Flandre, qui est une des régions les plus touchées d’Europe.

Les dangers des PFAS et leur répartition trouble en Belgique

Sous l’acronyme PFAS se cache une famille de plus de 4000 composés chimiques, à savoir des substances perfluoroalkylée ou polyfluoroalkylée. Ce sont des chaines des molécules qui sont produites par les êtres humains depuis les années 1950. Elles n’existent pas à l’état naturel. Elles sont utilisées dans l’industrie pour leurs propriétés antiadhésives, imperméabilisantes, résistantes aux fortes chaleurs. Par exemple le téflon, le goretex, les emballages alimentaires.

On se rend compte aujourd’hui que ces molécules peuvent polluer les sols, mais aussi entrer dans le corps humain, comme le font le PFOS ou le PFOA, et entraîner des problèmes de santé au foie, à la thyroïde, des cancers, des problèmes de fertilité, de l’obésité. C’est un problème qui est assez médiatisé aux États-Unis où il y a eu plusieurs grands scandales. On en parle pourtant moins en Europe, alors qu’il y en a aussi comme le souligne Le Monde. Le quotidien français tente de comprendre quelle est la présence de ces PFAS en Europe. Stéphane Horel, le journaliste qui a travaillé sur le sujet pendant plus d’un an, explique dans ce dossier qu’une des difficultés a été de savoir combien d’usines produisent ces substances chimiques, en Europe. Pourquoi ? Car le chiffre n’existe pas officiellement. D’après l’enquête, il y en a une vingtaine : 6 en Allemagne, 5 en France, 2 en Italie et 1 en Belgique.

On y retrouve deux grands noms d’entreprises américaines : Chemours et 3M. En l’occurrence, en Belgique, l’usine qui produit des PFAS est l’usine 3M de Zwijndrecht, près d’Anvers. La zone serait aujourd’hui l’une des plus contaminées par les PFAS au monde.

Le site web de la Région flamande renseigne deux usines où on produit des PFAS : à Zwijndrecht, mais aussi à Malines, dans une usine Chemours. Preuve qu’à l’heure actuelle, ce comptage n’est pas clair.

L’usine 3M à Zwijndrecht, au cœur d’un scandale sur la pollution de PFOS en 2021.
L’usine 3M à Zwijndrecht, au cœur d’un scandale sur la pollution de PFOS en 2021. © Tous droits réservés

La Flandre alerte sur un phénomène encore peu contrôlé

L’enquête du Monde révèle aussi qu’il y a 230 usines qui utilisent des PFAS, en Europe : neuf d’entre elles sont localisées en Flandre, pour une seule en Wallonie.

Raison pour laquelle ces pollutions dites "éternelles" touchent davantage la Flandre que la Wallonie. Mais ce n’est peut-être pas la seule explication. Probablement que la Flandre, suite au scandale de Zwijndrecht révélé en juin 2021, sous-estime moins le problème que beaucoup d’autres régions européennes.

Exemple : l’une des cartes de l’enquête du Monde évoque les PFAS qui ne touchent quasiment que tout le territoire flamand.
Elle recense des pollutions aux PFAS qui sont liées aux mousses anti-incendie (AFFF) qui viennent étouffer les flammes.
Ce sont des pollutions qui touchent sûrement plein d’autres endroits en Europe, mais qui apparaissent en Flandre parce que cette région a fait des contrôles. Conclusion des journalistes qui ont travaillé avec des équipes des scientifiques : ces pollutions sont largement sous-estimées.

L’usage des PFAS et leur introduction dans la biosphère constitueraient une limite planétaire, au même titre que le changement climatique, le cycle de l’eau, l’acidification des océans, la biodiversité. Notamment parce que, via le cycle de l’eau, ils se retrouvent dans l’eau de pluie… puis dans l’eau de distribution. Ian Cousins, de l’Université de Stockholm, estime que cette limite planétaire des PFAS a été dépassée. Or, elle est très difficilement réversible. Les PFAS sont très persistants, ils se dégradent très mal. C’est pour cette raison qu’on parle de "pollution éternelle".

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous