Bruxelles

La question de la limitation des loyers débarque au parlement bruxellois

© Belga

Temps de lecture
Par Barbara Boulet

Les élus qui siègent en commission logement du parlement bruxellois vont s'intéresser ce jeudi après-midi à deux propositions d'ordonnance relatives à une limitation des loyers dans la capitale.

Interdire les loyers abusifs

L'un, préparé par la majorité et porté surtout par le PS, veut interdire les loyers abusifs. Abusif signifie que le loyer est plus de 20% supérieur aux prix de référence déterminés dans une grille de référence actualisée ou que ce logement présente des "défauts de qualité substantiels".

Une commission paritaire sera chargée d'évaluer cet éventuel abus, lorsqu'elle sera saisie par un locataire (voire par un propriétaire). Son rôle sera uniquement consultatif: elle remettra un avis et proposera le cas échéant une conciliation, entre bailleur et locataire. L'avis de la commission pourra aussi servir d'indicateur en cas de recours devant un juge de paix.

L'autre proposition émane du parti d'opposition PTB et est plus contraignante. Il prévoit qu'une grille de loyers de référence soit imposée aux propriétaires. Si cette grille n'est pas respectée, le locataire peut lui-même rectifier son loyer abusif. En cas de conflit, une commission paritaire locative est compétente pour décider de la révision du loyer. Son pouvoir est donc ici décisionnel.

Entre 2004 et 2018, la hausse a été de 20 % en plus de l'indexation légale

L'encadrement des loyers est une vieille revendication des associations de défense du droit au logement à Bruxelles. Il faut dire que les loyers y ont fortement augmenté. Selon l'observatoire des loyers, entre 2004 et 2018, la hausse a été de 20 % en plus de l'indexation légale. C'est évidemment bien plus que la hausse des revenus.

Les associations réclament une régulation

"On pense qu'au même titre que la santé, l'éducation ou l'accès à l'alimentation, le logement devrait être beaucoup plus régulé tant sur la qualité qu'au niveau du prix, explique Chloé Thôme, porte-parole du rassemblement bruxellois pour le droit à l'habitat (RBDH). Il y a clairement une pénurie de logements sociaux, qui rend la population très vulnérable face à l'augmentation des prix. Il faudrait évidemment augmenter ce parc, mais il faut aussi que les loyers baissent et qu'ils soient encadrés. Ça freinera cette spéculation immobilière et ça permettra aux locataires de mieux vivre et de sortir de cette logique de survie, car ils pourront consacrer un meilleur budget à d'autres besoins fondamentaux".


►►► A lire aussi : Baromètre des notaires 2021 : la vente immobilière bat des records, les prix augmentent surtout en Flandre


Pour autant, le RBDH ne cautionne pas complètement les deux textes. Il reproche à celui de la majorité (qui a de fortes chances d'être voté, éventuellement amendé), d'être trop tolérant dans sa définition de "loyer abusif": "Quel est le sens d'une grille de loyers de référence maximum si, en tant que propriétaire, vous pouvez aller jusqu'à 10% au-dessus "? L'association regrette le rôle trop timide accordé à la commission paritaire, "limité à une tentative de médiation et à un avis sur le juste loyer". Enfin, s'interroge le RBDH, quelle sera la nouvelle grille de loyers? Si c'est pour qu'elle reflète les prix du marché, dit-il, "elle ne fera que perpétuer cette situation injuste".

Sur le projet de texte alternatif imaginé par le PTB, le RBDH s'inquiète principalement du pouvoir unilatéral accordé au locataire de réduire son loyer abusif, "l'exposant à d'éventuelles sanctions, recours du propriétaire, remboursements". En revanche, il applaudit le "pouvoir de décision offert à la commission paritaire locative pour réviser le loyer".

Les propriétaires n'en veulent pas

De son côté, le Syndicat national des propriétaires et copropriétaires ne veut pas entendre parler de ces projets qui visent à limiter la liberté dans la fixation des prix. "Que dans le logement social il y ait des limites, c'est une chose, explique Eric Mathay, secrétaire de la régionale bruxelloise du SNPC. Mais dans le logement privé, c'est la loi de l'offre et la demande qui joue. Aujourd'hui à Bruxelles, il y a trop peu d'offres et une demande incroyable."

Pour le SNPC, les pouvoirs publics ont manqué à leurs devoirs de création de logements publics. Et les projets de régulation du marché ne servent qu'à "faire porter aux bailleurs les carences du passé". Une limitation serait d'ailleurs contreproductive, prévient Eric Mathay: "Les investisseurs vont se désintéresser de Bruxelles et aller investir dans la périphérie bruxelloise. Vous avez en Flandre une politique du logement qui comprend mieux que le marché du logement fonctionne selon la loi de l'offre et la demande". Le SNPC a d'ailleurs déjà fait savoir qu'il ne siégerait pas dans une éventuelle commission paritaire locative.

Il est difficile aujourd'hui de connaître le profil des propriétaires bruxellois. On manque d'études fiables, indépendantes et récentes à ce sujet. La dernière en date, réalisée par IGEAT, l'Institut de Gestion de l'Environnement et d'Aménagement du Territoire, remonte à 2002. Elle indiquait alors que 41 % des logements bruxellois appartenaient à des propriétaires possédant quatre biens ou plus.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous