En comparant les discours tenus hier, à Moscou, par Vladimir Poutine et à Varsovie par Joe Biden, la presse se montre à la fois inquiète et désabusée. Inquiète par la poursuite de la guerre en Ukraine. Désabusée car aucune issue ne semble s’ouvrir à court terme.
Jamais, constate la presse, le Président russe n’a-t-il semblé si sûr de son bon droit (Het Nieuwsblad). Jamais n’est-il apparu aussi convaincu de sa légitimité à porter la violence en Ukraine. C’était attendu, prévisible, sans doute, mais "Vladimir Poutine enchaîne à nouveau les contre-vérités pour justifier sa guerre" (La Libre.) Et ce qui renforce ce sentiment d’inquiétude de la presse, c’est cette information à laquelle Het Laatste Nieuws consacre sa une : le 17 novembre dernier, un navire d’espionnage russe – système de détection éteint – a croisé quelque temps au large de la Belgique. Le navire, déjà évoqué lundi par les services militaires de renseignement et de sécurité néerlandais, a manœuvré à hauteur de site sensible et à proximité du parc éolien en mer, avant de poursuivre sa route.
Selon les Pays-Bas, ce navire tentait probablement de cartographier les infrastructures de communication et les sites de production d’énergie maritime.
Ce discours inquiète également car il réactive la crainte d’une course à l’armement nucléaire, note encore la presse qui éditorialise largement sur ce discours : "accents délirants" écrit La Libre en édito, pour "le diable du Kremlin" (Le Soir) qui rappelle : depuis un an, cet homme tient entre ses mains le destin de l’Ukraine et la paix mondiale. Applaudi à tout rompre par un parterre de courtisan, il ne s’est pas trouvé un seul homme, une seule femme pour se dresser hier et crier au fou. Poutine, encore, qui vient de remettre la troisième guerre mondiale à l’agenda.
Troisième Guerre, guerre froide, rideau de fer… Autant de notions qui avaient déserté les colonnes de la presse et qui cette semaine ont fait leur retour dans les pages d’opinion. La presse ne peut s’empêcher d’y penser à cette guerre froide d’un autre siècle, en entendant hier, ces deux hommes, ces deux présidents s’affronter à coups d’image.
"Qu’il était stupéfiant, hier, d’entendre ces deux-là décrire à quelques heures d’intervalles, à quelque 1200 kilomètres de distance, décrire chacun les univers parallèles dans lesquelles ils mènent cette guerre." C’est un choc des mondes, (Le Figaro) et "quelles que soient les nouvelles du front ukrainien, il faudra des décennies, voire des générations avant que d’épuiser cette nouvelle guerre froide, ponctué de points chauds, comme le Donbass. La question pour les mois qui viennent est de savoir où s’abattra le rideau de fer. Sur le territoire ukrainien amputé par la Russie ou aux frontières reconnues de la Russie ? La seconde option scellerait la victoire de l’Ukraine. Mais sûrement pas la fin de la guerre."
Cette "fin de guerre", The New York Times juge qu’il est temps de la "provoquer". "Donner à l’Ukraine ce qu’il faut pour en finir !" Voilà le titre d’une colonne d’opinion selon laquelle le soutien militaire actuel n’est pas suffisant. A l’appui de cette démonstration, un ex-général quatre étoiles, commandant de l’Otan, Wesley Clark est cité : "En modulant ce que nous livrons à l’Ukraine, nous saignons ce pays. Et nous laissons les Ukrainiens mourir au front."
Une autre fin est-elle envisageable ? La presse (Le Temps, 20 février 2023 et Le Monde, 22 février 2023) reprend en français la longue chronique que le philosophe allemand, Jürgen Habermas a publiée dans la Süddeutsche Zeitung (15 février 2023.) La rhétorique de l’Occident est de plus en plus guerrière, constate-t-il. En restant flou sur l’objectif poursuivi, l’Occiden avance comme des somnambules au bord du précipice. Entre "ne pas perdre la guerre" et "la gagner", il existe un espace. Les négociations de paix devront être entamées au bon moment pour empêcher que la guerre ne se prolonge et ne coûte encore plus de vies humaines et de destructions.