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La Revue des Galeries : un remède contre la morosité, bientôt sur la Une !

Le tableau "Amy Winehouse" dans La Revue des Galeries

© Isabelle de Beir et Kim Leleux

La Revue des Galeries ayant été annulée l’hiver dernier, c’est dire combien cette édition 2021-2022 était attendue ! Les auteurs ont décidé de retracer la période s’étendant de mars 2020 (le premier confinement) jusqu’à fin 2021 avec la mise en place du Covid Safe Ticket à l’automne.

Spectacle intrinsèquement lié à l’actualité, la Revue ne pouvait guère faire l’impasse sur ce qui a marqué nos vies à l’échelle planétaire depuis plus de deux ans, soit le Covid 19 et ses conséquences. Sont donc évoqués pêle-mêle la course aux masques et aux vaccins, le sort réservé à nos aînés en home, les dégâts psychologiques causés par le confinement, la délation entre voisins, les couples au bord de la crise de nerfs et autres réjouissances, le tout saupoudré d’une grosse pincée de malice ! Car la Revue a pour vocation de faire rire, comme le rappelle le final où la troupe costumée (en arlequin, ange, ballerine, personnage de commedia dell’arte, danseuse de flamenco ou encore soubrette tout droit sortie d’une pièce de Molière) répond à l’appel de Pierre Pigeolet :

Mes chers amis, mes camarades, rejoignez-moi dans ma parade. Nous sommes de vieux comédiens mités, fatigués d’avoir trop crié nos mensonges et nos vérités sur nos tréteaux de charité de notre commedia dell’arte. Comediantes, tragediantes : en piste, en piste les artistes ! C’est notre rôle d’être drôle. Dans le rire et dans les larmes, couvrons un peu le bruit des armes.

Pour remplir leur mission humoristique, les auteurs de cette Revue (Bernard Lefrancq, Angélique Leleux, Laurent Beumier, Joël Riguelle, Gauthier Bourgois, Bénédicte Philippon) n’ont eu qu’à se pencher pour cueillir les absurdités qui fleurissent les sentiers de nos vies depuis l’arrivée du Covid ou, dans le cas de la saga du Palais de Justice de Bruxelles, depuis 35 ans En effet, un des mots d’ordre de ce spectacle est de dénoncer les aberrations qui vont bon train au plat pays. En leitmotiv : "On est en Belgique !".

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Bienvenue au Royaume du surréalisme !

Si La Revue balaie tout à la fois l’actualité nationale et internationale, la Belge se taille une belle part du gâteau. Ainsi, c’est Yves Van Laethem (infectiologue inconnu du grand public jusqu’à ce qu’il endosse le rôle de porte-parole interfédéral de la lutte contre le coronavirus fin avril 2020) qui ouvre le bal, avec comme signes distinctifs ses lunettes fumées et sa mèche dont il se demande d’ailleurs s’il doit la couper, "au risque de ne plus être le Van Laethem que tout le monde connaît, drôle, séduisant et tellement spontané". Il est vite rejoint sur le plateau par Elio Di Rupo, Georges-Louis Bouchez, Alexander De Croo et Sophie Wilmès pour le Codeco hebdomadaire du vendredi. Attablés autour d’une table rose fluo (comme pour montrer que tout cela n’est qu’un jeu de dupes où tout n’est qu’affaire d’apparences), les politiques en prennent pour leur grade. Georges-Louis Bouchez est le "Belmondo de la politique bébelge", Elio di Rupo est présenté en gay libidineux à souhait qui déplore que le port du masque ne soit plus obligatoire en milieu naturiste (il ne pourra donc pas s’y rendre incognito), Alexander De Croo roule exagérément les "r" Sophie Wilmès n’est pas en reste ! Pédante de sérieux, c’est la bonne élève du groupe, se moquant de Bouchez "toujours pas bilingue !" et rappelant que "la femme sera vraiment l’égale de l’homme le jour où à un poste important on nommera une femme incompétente". Alexis Goslain, à la barre de la Revue depuis 2018 avec pour mission de lui "redonner son “peps” d’antan", confiait lors d’une interview :

On a la chance d’être dans un pays où la Politique est parfois plus drôle que la parodie d’un sketch.

 

La concurrence avec le pouvoir en place est rude et s’il continue dans cette voie-là, les artistes de La Revue auront du souci à se faire dans les prochaines années avec un monde politique plus drôle qu’eux.

Les décisions politiques prises durant la crise sont passées au peigne fin dans une sorte de best-of. Calembours ("Qui dit confiné dit in fine con fini" déclare Alexander De Croo), savoureuses extrapolations (Elio Di Rupo mettant en garde contre le variant Travolta, "qui donne la fièvre mais uniquement le samedi soir"), tous les moyens sont bons pour pointer du doigt les mesures incohérentes prises par nos dirigeants durant la crise.

"Pour résumer, tout ce qui n’est pas permis est interdit ! Sachant bien évidemment que ces mesures ont été prises au niveau fédéral mais que nous sommes en Belgique et qu’elles seront appliquées différemment selon que vous êtes à Bruxelles, en Wallonie ou en Flandres", annoncent les acteurs du Codeco.

Le Corona Match

L’incongruité des délibérations menées par notre gouvernement et les incohérences de notre système fédéral ne sont pas les seules à être remises en cause. Un sketch piquant met en scène le Corona Match, à savoir une rétrospective des "évènements sportifs qui nous ont tenus en haleine ces derniers mois". Présentée comme un match de foot (clin d’œil à l’Euro), la genèse du Covid 19 y est retracée :

1er janvier 2020, la balle est à Wuhan… Et c’est parti ! Premier coup d’envoi vers la Chine… Joli ! La balle passe par plusieurs villes de Chine, les lanceurs d’alerte alertent l’opinion, […]. Sur le terrain la Chine envoie la balle à l’Italie […] et c’est carton confinement pour l’Italie qui se retire de la course !

Pour les auteurs de La Revue, c’est aussi l’occasion de relater la débandade liée au manque de masques et la course contre la montre des États pour fabriquer et obtenir des vaccins. On y constate également les manquements d’autres gouvernements (en France, le port du masque n’est pas requis, considérés comme "non utiles parce qu’on n’en a pas") et le manque de solidarité et de coordination entre les pays, notamment au niveau européen :

La France pique des vaccins à l’Angleterre, l’Angleterre pique des vaccins à la Belgique et la Belgique pique… les vieux, fieu !

La scène du Corona Match - sorte de revue de presse qui fait le succès de La Revue des Galeries et en est la marque de fabrique - permet aussi une ouverture sur d’autres sujets. Les spectateurs y sont invités à suivre Rachel, envoyée spéciale de la RTBF sur le terrain, qui se rend successivement en Chine, en France ou encore en Afghanistan. De nombreuses thématiques sont évoquées : le foot ainsi que les crispations qu’il induit avec les Français, l’autoritarisme chinois, le retrait des troupes américaines d’Afghanistan et la prise de pouvoir des talibans, le rapport Sauvé sur l’ampleur des abus sexuels dans l’Église catholique en France…

Le tableau "Annie Cordy" dans La Revue des Galeries
Le tableau "Annie Cordy" dans La Revue des Galeries © Isabelle de Beir et Kim Leleux

La vie est une comédie musicale

La Revue des Galeries se présente comme la digne héritière de la tradition du music-hall, du cabaret et de la comédie musicale. C’est un spectacle mélangeant tous les genres, du théâtre à la chanson en passant par la danse. Rien que pour cette dernière discipline, on peut citer du jazz, du contemporain, du music-hall, du hip-hop, "un soupçon de ballet et une pincée de rock" ! Certaines figures connues s’invitent sur le plateau. Parmi elles, Amy Winehouse, ressuscitée des morts. En meneuse de revue, elle apparaît à la fin du Codeco pour chanter sur l’air de "Rehab", arrangé par les bons soins de Bernard Wrincq :

Tous les vendredis c’est la fête avec le Codeco. Derrière vos écrans vous écoutez le grand Alexandre de Croo.

Derrière elle, le mur est en briques rouges. Des lettres lumineuses y sont affichées, formant le mot "Codeco". Le tout baigne dans une lumière bleutée qu’on doit au créateur lumière, Laurent Comiant. La scène évoque indéniablement Broadway et ses théâtres. La culture américaine sera de nouveau convoquée lors d’un tableau dans lequel Gauthier Bourgeois et Arnaud Van Parys dénoncent sur "Gangsta’s Paradise" de Coolio la situation des personnes âgés en maison de repos :

C’est pas parce qu’on est vieux qu’on va fermer sa gueule !

Ce n’est pas parce qu’on a plus de cheveux qu’on doit se sentir tous seuls. Il n’y a plus aucun respect pour les personnes âgées. Nous, on voudrait s’échapper mais ce n’est pas gagné. On a été placé dans un mouroir, on nous a mis au placard et fermer le tiroir. Muselière, camisole, comme des bêtes sauvages, on nous a isolés comme si c’était nous le danger.

Et d’interroger lors du refrain : "Ne vois-tu pas que je kiffe ma life ?"

Gauthier Bourgeois et Arnaud Van Parys dans "La Revue des Galeries"
Gauthier Bourgeois et Arnaud Van Parys dans "La Revue des Galeries" © Isabelle De Beir et Kim Leleux

Les artistes tirent leur révérence : hommage

La Revue est aussi l’occasion d’honorer la mémoire des artistes disparus. Il faut dire que ces deux dernières années ont été marquées par la perte de nombreux artistes, notamment francophones : entre autres Jean-Paul Belmondo, Julos Beaucarne, Michel Piccoli, Christophe, Guy Bedos et… Annie Cordy ! Cette dernière, (comme Amy Winehouse) reviendra des morts pour venir déclarer son amour au public lors d’un ultime tour de chant. En smoking noir pailleté, entourée de ses danseurs, elle vient contester les polémiques autour d’elle et de son tunnel :

" Mes chansons n’ont rien de raciste, j’étais juste une artiste ".

Informations pratiques

Mise en scène : Alexis Goslain

Avec Bernard Lefrancq, Angélique Leleux, Pierre Pigeolet, Marie-Sylvie Hubot, Gauthier Bourgois, Arnaud Van Parys, Natasha Henry, Frédéric Celini, Enora Oplinus, Jérôme Louis et Bénédicte Philippon.

Textes : Bernard Lefrancq, Angélique Leleux, Laurent Beumier, Joël Riguelle, Gauthier Bourgois, Bénédicte Philippon

Décor : Francesco Deleo / Lumières : Laurent Comiant

Chorégraphies : Kylian Campbell

Réalisation musicale : Bernard Wrincq

Costumes : Fabienne Miessen et Maria Spada

La captation de La Revue des Galeries réalisée par Toussaint Colombani et produite par La Belle Equipe Productions sera diffusée sur la Une le lundi 21 février à 22h35 dans le cadre de la semaine du Spectacle vivant.

 

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