La guerre en Ukraine entraîne son lot de personnes déplacées. Mais toutes n’ont pas le choix de la destination qu’elles prennent. Des civils ukrainiens ont été transférés de force vers la Russie ou vers des territoires ukrainiens sous contrôle militaire russe. En nombre important, peut-être par millions. C’est le constat dressé par l’ONG Human Rights Watch (HRW) dans un rapport publié ce jeudi.
Dès avant l'offensive russe, des voix s'étaient élevées pour mettre en garde contre de tels déplacements, comme celle du Conseil norvégien pour les réfugiés.
Des transferts forcés illégaux
On se souvient des nombreux convois d’habitants de Marioupol qui ont tenté de fuir leur ville assiégée et bombardée par les troupes russes. Des évacuations vers les zones contrôlées par l’Ukraine souvent impossibles. Des opérations régulièrement annulées en raison de l’insécurité. Des convois visés par des tirs russes, bombardés…
Privés de voie de sortie vers l’Ukraine, des résidents de Marioupol mais aussi des zones de combats autour de Kharkiv ont pris le chemin de la Fédération de Russie et de zones contrôlées par les Russes. Mais tous l’ont-ils fait librement ?
De l’enquête de terrain menée par HRW, il ressort que non.
Des civils ukrainiens ont été transférés de force par les Russes, et ils le sont encore maintenant, contrevenant ainsi aux lois de la guerre. HRW évoque le crime de guerre mais aussi un possible crime contre l’humanité. Des militaires prisonniers de guerre peuvent être emprisonnés et emmenés en territoire ennemi, mais en aucun cas les civils.
HRW précise bien que "transférer ou déplacer des civils n’est pas justifié ou légal comme étant effectué pour des motifs humanitaires, si la crise humanitaire qui déclenche le déplacement est elle-même le résultat d’une activité illégale de la part de la puissance occupante".
Un filtrage abusif et punitif
De plus ces civils ont été soumis à un "filtrage" : ils ont été interrogés sur leurs opinions politiques, fouillés, leurs téléphones inspectés et toutes leurs données aspirées, leurs empreintes digitales et photos ont été prises… Vexatoire, punitif et abusif, dit HRW. Souvent la procédure se reproduit à plusieurs endroits. Certains recevaient même des "récépissés de filtrage", une fois la procédure passée.
La question se pose ensuite de l’utilisation de cette quantité de données illégalement rassemblées hors de Russie sur des citoyens non-Russes.
En fonction de ce filtrage qui a pris parfois du temps, des heures, jusqu’à un mois, en étant retenus dans de mauvaises conditions, les civils ont été triés entre ceux qui pouvaient poursuivre librement et ceux, suspects de proximité avec l’armée ukrainienne ou des organisations nationalistes qui ont été internés.
Certains d’entre eux, auraient été victimes de disparition forcée, selon les membres de leurs familles. Pour HRW, "il y a de sérieux motifs de craindre que ces individus risquent de subir de graves préjudices, notamment des tortures ou d’autres mauvais traitements, et que leur vie soit en danger, en particulier ceux qui ont fait l’objet de disparitions forcées".
Pas d’autre choix
Comment ces transferts se sont-ils passés ? Des bus gratuits mis à la disposition de civils n’ayant qu’une envie : fuir les combats. Mais la destination des bus n’était pas toujours claire. Ils ont été "ramassés". Et surtout ce discours des autorités russes : "Il n’y a pas d’autre choix". Des ordres donnés par les militaires russes aux civils.