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La Russie coupe le gaz aux Pays-Bas : pas de pénurie dans l’immédiat, mais des craintes pour l’hiver prochain

Gazprom a déjà interrompu ses livraisons de gaz à quatre pays européens.

© Natalia KOLESNIKOVA / AFP

Par Daniel Fontaine

Les Pays-Bas sont désormais le quatrième pays européen privé de livraisons directes de gaz russe. Le gouvernement néerlandais assure que les ménages ne doivent pas craindre de coupure dans l’alimentation, et tentera d’assurer l’approvisionnement pour les entreprises.

La situation énergétique de nos voisins est tendue. Les stocks de gaz ne sont même pas à moitié remplis, les fournisseurs alternatifs sont très sollicités, et les prix s’envolent.

Pas de roubles, pas de gaz

Ce 31 mai, la Russie a donc à nouveau mis à exécution sa menace de couper ses livraisons de gaz à un pays européen. Gazprom a cessé ses livraisons directes aux Pays-Bas, parce que l’importateur néerlandais GasTerra refuse de régler ses factures en roubles.

L’entreprise souligne que les contrats prévoient des paiements en euros ou en dollars, et qu’un paiement en roubles risque de violer les sanctions européennes envers la Russie. La Finlande, la Bulgarie et la Pologne ont déjà vu leurs livraisons de gaz russe interrompues pour les mêmes raisons.

5% de la consommation

Selon le contrat en court, Gazprom devait encore livrer deux milliards de mètres cubes de gaz à GasTerra d’ici octobre. Cela représente 5% de la consommation annuelle des Pays-Bas. L’importateur, qui appartient pour moitié à l’Etat et pour moitié à Shell et Esso, affirme avoir anticipé la coupure en se fournissant ailleurs.

"Cette décision n’a aucune conséquence sur l’approvisionnement physique en gaz des ménages néerlandais", a rassuré le ministre néerlandais du Climat et de l’Energie, Rob Jetten. Mais il ne promet pas de pouvoir assurer l’approvisionnement des entreprises : "cette décision constitue un nouveau défi, mais ce n’est pas impossible".

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GasTerra est le seul importateur direct de gaz russe aux Pays-Bas. D’autres entreprises en achètent via des intermédiaires, comme Eneco, client de la filiale allemande de Gazprom. La Russie n’a pour le moment pas cessé ses livraisons de gaz à ses plus gros clients européens, Allemagne et Italie.

Derrière le discours rassurant du gouvernement de La Haye, des voix expriment leur inquiétude pour la stabilité énergétique du pays l’hiver prochain. Les réserves de gaz néerlandaises sont actuellement basses, avec seulement 38% de la capacité de stockage assurée. Pour pouvoir faire face à l’hiver sans risque de pénurie, ces stocks devraient être remplis à 80% d’ici novembre. Comment y arriver, alors que le marché mondial de l’énergie est perturbé par la guerre russe en Ukraine ?

Je n’ose pas dire que tout se passera bien. Bientôt ce sera l’hiver, et nous devions profiter de l’été pour nous réapprovisionner. Le prix du gaz va donc augmenter.

Dans De Stentor, Joris Thijssen, membre du parti socialiste PvdA, s’alarme : "Cela m’inquiète, car il y a beaucoup moins de gaz sur le marché maintenant. Nous devons soudainement faire face à une nouvelle situation sans avoir pu nous exercer à un stress test. Je n’ose pas dire que tout se passera bien. Bientôt ce sera l’hiver, et nous devions profiter de l’été pour nous réapprovisionner. Le prix du gaz va donc augmenter. Beaucoup de gens avec un salaire normal ne peuvent déjà plus payer leur facture."

Les Pays-Bas sont eux-mêmes producteur de gaz. Mais le champ gazier de Groningue est vieillissant. Sa fermeture était programmée en raison de la multiplication des tremblements de terre que l’extraction complète du gaz provoque. Sa durée de vie a été prolongée, mais le gisement ne peut représenter une solution à moyen terme.

Relancer le charbon ?

De même, les Pays-Bas tentent de se passer de leurs dernières centrales électriques au charbon pour respecter leurs engagements climatiques. Certains plaident aujourd’hui pour les remettre en service et réaliser ainsi quelques économies de gaz.

Silvio Erkens, du parti libéral VVD résume : "Il semble qu’il n’y ait pas de problèmes immédiats, mais nous devons maintenant nous préparer pour l’hiver. Nous pouvons compenser la perte du gaz russe en achetant du gaz liquéfié à d’autres pays. Mais ce marché est déjà presque saturé. Si les autres pays européens doivent faire de même, nous serons à court de gaz."

Toute l’Europe cherche une alternative au gaz russe. Et il y a déjà une énorme demande de gaz dans le monde, donc le prix va augmenter

Les Pays-Bas étendent actuellement la capacité d’accueil de leurs terminaux pour le gaz naturel liquéfié, première alternative au gaz russe. Mais la question reste de savoir si du GNL sera disponible sur le marché international dans les prochains mois, et à quel prix.

"Le prix actuel du gaz, est beaucoup plus cher que ce que GasTerra payait à Gazprom. Maintenant que nous, et bientôt d’autres pays européens, devons chercher des alternatives, ces prix ne feront qu’augmenter", souligne l’expert en énergie René Peters dans l’Algemeen Dagblad. "La situation changera à l’automne, lorsque nous recommencerons à chauffer. Toute l’Europe cherche une alternative au gaz russe. Et il y a déjà une énorme demande de gaz dans le monde, donc le prix va augmenter".

Pour le gouvernement néerlandais, la meilleure énergie c’est finalement celle que l’on ne consomme pas. Il va pousser aux économies d’énergie, en encourageant les particuliers à mieux isoler leurs habitations et les entreprises à devenir plus "écoénergétiques".

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