Brabant wallon

La sépulture de Denise, monument funéraire exceptionnel dans l’ancien cimetière de Villeroux

Dans un coin du cimetière, surplombant la rue, la tombe de Denise va devenir un ossuaire.

© Hugues Van Peel - RTBF

Par Hugues Van Peel

L’ancien cimetière de Villeroux est un endroit paisible où le temps semble s’être arrêté. On y accède par un petit chemin qui longe l’église, mais s’y aventurer n’est pas sans risque. Ca et là, des pierres et des ferrailles affleurent, vestiges de monuments funéraires et de croix de métal. Les herbes hautes qui avaient tout envahi ont été coupées, ce qui laisse apparaître les tombes, ou ce qu’il en reste. Personne n'a été enterré ici depuis qu'un cimetière plus vaste a été ouvert au milieu des champs, dans les années 50.

Une série de sépultures sont toujours officiellement en concession, la commune n’a pas lancé de procédure pour une reprise en gestion publique. Il incombe donc aux familles de les entretenir, mais la plupart des tombes sont aujourd’hui à l’abandon. Le site a aussi été vandalisé l’an dernier, des stèles sont couchées au sol.

Un monument imposant, visible de la rue

Le cimetière est malgré tout sorti de sa torpeur il y a peu. Comme l’impose un décret wallon, la commune de Chastre a entrepris d’inventorier les sépultures qui présentent un intérêt historique local. Et à Villeroux se trouve précisément un monument original, très imposant par rapport aux autres. Il fait deux mètres de côté au sol et plus trois mètres de hauteur. Une femme y est enterrée, elle s’appelait Denise, elle est morte à 20 ans en mai 1909.

Cette sépulture est intéressante à plus d’un titre. D’abord, il y a le contexte du début du vingtième siècle. Une tombe de cette taille pour une femme, c’est assez rare.

"A l’époque, les femmes n’ont pas forcément la place qu’elles occupent aujourd’hui dans la société, explique Nicolas Servais, le responsable des cimetières de la commune de Chastre. Et pourtant, ce monument est très imposant, très visible, à la fois dans le cimetière et depuis la voirie, puisque le cimetière domine légèrement la rue de Court-Saint-Etienne. On voit donc le monument depuis la rue. Et pour une femme, c’est déjà assez remarquable."

Nicolas Servais, le responsable des cimetières de la commune de Chastre.
Nicolas Servais, le responsable des cimetières de la commune de Chastre. © Hugues Van Peel - RTBF

Une sépulture surmontée d'une urne voilée

Vient ensuite la symbolique funéraire. Le monument est coiffé d’une urne cinéraire voilée, sculptée dans la pierre. Or Denise n’a pas été incinérée, elle repose dans un cercueil.

"Il faut se souvenir qu’à l’époque, en 1909, la crémation n’était pas encore reconnue par le Vatican comme une forme de sépulture autorisée. Et les personnes qui ne souscrivaient pas au rite catholique n’avaient pas pour autant le droit d’être incinéré puisqu’il n’y avait pas de crématorium chez nous. Cette urne, si vous voulez, c’est une profession de foi. Ou plutôt une profession de non-foi. C’est une manière de dire que nous qui ne sommes pas catholiques, nous sommes malgré tout dans un cimetière paroissial de culture catholique, parce qu’il n’en existait pas d’autre à l’époque dans le village. C’est un pied de nez à l’Eglise. On revendique la volonté d’être incinéré. On ne peut pas le faire, mais alors on va quand même le marquer symboliquement avec cette urne."

Plus tard, d’autres membres de la famille ont rejoint Denise dans la tombe. Et une croix a été ajoutée sur le monument.

"Comme s’il y avait eu un remord, comme s’ils s’étaient dit que le pied de nez à l’Eglise n’était quand même pas très convenable", ajoute Nicolas Servais.

L'urne voilée taillée dans la pierre qui surplombe la sépulture, un pied de nez à l'Eglise qui ne reconnaissait pas l'incinération à l'époque.
Dans un coin du cimetière, cette sépulture imposante a été restaurée il y a peu par un tailleur de pierre.

La sépulture transformée en ossuaire

Il y a quelques semaines, cette sépulture exceptionnelle, qui menaçait de s’effondrer, a été entièrement remise en état. Un artisan tailleur de pierre de Jodoigne est intervenu pour la stabiliser, puis pour la restaurer. La commune, qui en est devenue propriétaire, souhaite en faire un ossuaire. Si le petit cimetière devait un jour être réaffecté, on y déposerait les corps exhumés. La tombe de Denise, d’une grande qualité patrimoniale, deviendrait alors un monument mémoriel.

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