La Première

"La sobriété est inexorable, on n’arrivera jamais à produire autant d’énergie avec du vent qu’avec du pétrole"

L'invité: Matthieu Auzanneau, directeur du shift Project

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Par Romane Bonnemé, sur base d'une interview de Thomas Gadisseux via

Ce lundi 24 avril à Ostende, les représentants des Etats côtiers ainsi que de la Commission européenne et du commissaire européen à l’Energie étaient tous réunis derrière un même objectif : faire de la mer du Nord "la plus grande centrale d’énergie verte d’Europe". Ils se sont accordés à multiplier par dix les capacités d’énergie éolienne en mer du Nord d’ici 2050 (300 Gigawatts (GW) contre 30 aujourd’hui).

L’objectif ultime du deuxième Sommet de la Mer du Nord (North Sea Summit) est plus ambitieux encore, comme l’indiquait son hôte, Alexander De Croo dans une vidéo postée sur son compte Twitter le 6 avril dernier. Il s’agit de "rendre l’Europe moins dépendante des combustibles fossiles, tels que le gaz naturel, le pétrole et le charbon".

Comment atteindre cet objectif ? L’Europe a-t-elle les moyens de réduire sa dépendance aux énergies fossiles au profit de sources renouvelables ?

Pour y répondre, Matthieu Auzanneau, le directeur du Shift Project, un think-tank qui coordonne des recherches autour de la transition écologique, n’y va pas par quatre chemins : "il faut regarder partout où on peut produire de l’électricité bas carbone".

Monsieur Auzanneau salue l’initiative du North Sea Summit et notamment le rôle moteur de la Belgique dans le développement de l’éolien offshore : "sur ce coup-là, la Belgique est pionnière, et notamment sur les questions de stockage. En effet, la production d’éolien étant intermittente, et son projet d’île artificielle fait partie des enjeux incontournables".

Aujourd’hui, la part des renouvelables dans la production énergétique en Belgique est de l’ordre de 20%.

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La sobriété, le fer de lance de la décarbonation du continent

Mais, pour lui, ce n’est clairement pas suffisant : "Même si on réussissait ce tour de force de couvrir la mer du Nord en la couvrant d’éolien offshore, en faisant dans le respect de l’environnement et les autres activités, notamment des pêcheurs, on n’épuiserait pas le sujet car on n’arriverait pas à produire autant d’énergie avec du vent qu’avec du pétrole" note ainsi Matthieu Auzanneau.

C’est donc là tout le défi : les énergies renouvelables ne pourraient de toute façon pas satisfaire la demande en énergie actuelle. "Le développement de ces capacités de production bas carbone c’est indispensable mais pas suffisant" indique-t-il.

Pour le directeur du Shift Project, la première, et principale, solution, "le cœur du sujet", c’est la sobriété. Et c’est la classe politique qui doit la mettre en place.

"L’Union européenne a un enjeu indispensable à réduire massivement sa consommation d’énergies fossiles". A la fois pour des raisons géologiques car les ressources s’épuisent, mais aussi géopolitiques et de souveraineté énergétique : "Plus on retarde cette échéance, plus on va se retrouver tout aussi voire plus dépendant du gaz, bon marché et abondant, qu’on importe au régime de Poutine", poursuit Matthieu Auzanneau.

Le GNL n’est pas l’eldorado

Or, troquer le gaz russe pour le Gaz Naturel Liquéfié (GLN) américain ou qatari n’est pas non plus une solution, estime le directeur du Shift Project. "On déshabille Pierre pour habiller Paul, c’est toujours des hydrocarbures importés. Le GNL est plus cher et il ne nous fait pas du tout sortir de la dépendance aux énergies fossiles". Par ailleurs, les quantités de GNL ne seront, à terme, pas suffisantes pour répondre à la demande : "Il manque un Qatar ou un exportateur équivalent aux USA pour arriver à équilibrer l’offre et la demande" avance-t-il.

Sauf qu’aujourd’hui, les besoins en électricité restent stables, voire croissent. Et l’électricité éolienne reste encore dépendante d’alternatives quand il n’y a pas de vent, notamment via le gaz.

Aujourd’hui en Belgique, les centrales au gaz elles interviennent pour plus d’un quart de la production d’électricité.

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Le nucléaire pour "boucler l’équation de la sortie des énergies fossiles"

Deuxième solution pour Matthieu Auzanneau : le nucléaire qui "un moyen très généreux de production d’électricité bas carbone" qui permet de "boucler l’équation de la sortie des énergies fossiles". Selon lui, faire "une croix sur le nucléaire, ce n’est pas devenir un peu plus sobre", ajoute-t-il, "mais beaucoup beaucoup plus sobre".

Pour rappel en Belgique plus de moitié de l’électricité est produite par le nucléaire.

Mais in fine, le problème restera le même : "les besoins mondiaux sont amenés à croître et la production n’est pas éternelle. Soit on restera tributaire des énergies fossiles massivement, importées le cas échéant, soit il faudra vivre de manière très différente car on n’aura pas assez de jus dans les câbles. La sobriété est donc inexorable" conclut Matthieu Auzanneau.

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