La Tapisserie de Bayeux, Tapisserie de la reine Mathilde, " Telle du Conquest " ou Toile de la Conquête… Quelques-unes des nombreuses appellations que ce textile historique – à plus d’un titre – s’est vu attribuer depuis sa création à la fin du XIe siècle.
C’est probablement le textile médiéval la plus connu au monde. Ses 70 mètres de long pour 6,83 mètres de haut représentent un minutieux travail de broderie décrivant la conquête de l’Angleterre par Guillaume de Normandie, jusqu’à la bataille d’Hasting, en 1066… la fin de l’œuvre étant depuis longtemps perdue.
Classé " Mémoire du Monde " par l’UNESCO, Monument historique français, propriété de l’État, en janvier 2020, ce trésor a fait l’objet d’une analyse de son état de conservation. Les huit restauratrices-conservatrices, spécialisées en textiles, y ont repéré 24 204 taches, 16 445 plis, 30 déchirures et 9 646 manques dans la toile et les broderies. Une restauration de l’œuvre est prévue en 2024, tandis que l’ancien Grand séminaire de Bayeux, où elle est exposée depuis 1983, sera rénové pour mieux conserver et appréhender la tapisserie à l’horizon 2026.
D’autres représentations de la Tapisserie de Bayeux…
On ignore souvent que la tapisserie de Bayeux a favorisé la production de bien des œuvres. Ainsi, le dessinateur antiquaire Charles Stothard, fera trois séjours à Bayeux entre 1816 et 1819, envoyé par la Société des Antiquaires de Londres pour réaliser des dessins en couleurs du textile, en vue de leur parution dans la série Vetusta Monumenta. Il paraît même que Stothard en profita pour dérober un minuscule fragment de la tapisserie…
Une Tapisserie de Bayeux… britannique !
Parce qu'il y a mieux ! En 1885, Thomas Wardle, un important industriel de la soie, séjourne à Bayeux avec son épouse (et cousine), Elizabeth Wardle. Cette dernière est une experte brodeuse. Le couple vit à Leek, dans le Staffordshire, où, en 1879, il a fondé la Leek Embroidery Society. La Société de broderie de Leek est spécialisée dans la broderie d’art, particulièrement à usages domestique et ecclésiastique, très en vogue au XIX siècle, particulièrement dans l’Angleterre victorienne.
Le séjour du couple en Normandie a pour but d'offrir l'occasion à Elizabeth d’observer méticuleusement l’œuvre, exposée depuis 1842 dans une vitrine de la bibliothèque municipale. Elle prend, entre autres, des notes au sujet des deux types de points utilisés dans la Tapisserie…
Ce voyage a été décidé à la suite d’une visite des Wardle au South Kensington Museum – actuel Victoria & Albert Museum – à Londres. À cette occasion, son directeur, Sir Philip Cunliffe-Owen, a montré au couple la série de photographies de la Tapisserie de Bayeux, réalisée en 1872 et doublée de dessins coloriés… Estimant que " L’Angleterre devrait avoir sa propre copie ", dès son retour de Normandie, Elizabeth rassemble trente-quatre brodeuses averties, originaires de la ville mais aussi du Derbyshire, de Birmingham, de Macclesfield et de Londres. Elles se lancent dans le formidable projet de réaliser la copie conforme de la Tapisserie !
Pour accomplir cet extraordinaire ouvrage, ces dames se servent des détails techniques relevés par Elizabeth à Bayeux. Pour la base artistique, elles utilisent les photographies et dessins, aimablement prêtés par le South Kensington Museum. La copie doit être irréprochable ! Il faudra un peu plus d’un an aux artistes pour finaliser ce défi, laissant une œuvre pourtant légèrement plus haute que l’original car, sur une bordure inférieure ajoutée, elles ont brodé leur nom sous les panneaux dont elles sont l’auteure.
O tempora, o mores… Quelle époque, quelles mœurs… Outre les noms des petites mains, d’autres différences sont à constater entre l’original du XI siècle et la copie britannique, des différences typiquement… victoriennes : les hommes nus sur la Tapisserie de Bayeux sont, dans la version anglaise, gratifiés de pantalons ou de culotes, ou bien alors, leurs organes génitaux sont… inexistants ; il en va de même pour de nombreux étalons qui ont perdu leurs attributs ! Les géniales brodeuses étaient-elles à ce point pudibondes ? Il semble que le fait soit à mettre au compte des employés du South Kensington Museum qui avaient préalablement " censuré " les photos et dessins !
Autre différence notable, à la fin de la tapisserie de Bayeux britannique, un texte résume le comment de l’œuvre : " Cette reproduction de la tapisserie de Bayeux a été réalisée à Leek dans le Staffordshire. Les dessins ont été prêtés par les autorités du South Kensington Museum. 35 dames ont été engagées sur ces morceaux de tapisserie et le nom de chacune se retrouvera sous son travail ". Le texte signale encore que l’ouvrage a été terminé à la Pentecôte 1886 et que c’est Thomas Wardle qui a réalisé la teinture des 100 livres de laine nécessaires.
La première exposition de la Britain’s Bayeux Tapestry fut inaugurée le 14 juin 1886, à l’Institut Nicholson, le centre d’apprentissage et d’excellence du textile récemment construit à Leek. Ensuite, dix années durant, elle voyagera en Grande-Bretagne mais aussi en Europe et aux États-Unis. En juin 1895, elle est installée à l’Hôtel de Ville de Reading, une ville où fut fondée, en 1121, une importante abbaye par le roi Henri Ier, fils de Guillaume le Conquérant et de la reine Mathilde…
Durant l’exposition, une idée germa dans l’esprit d’Arthur Hill, demi-frère d’Octavia Hill, l’une des fondatrices du fameux National Trust anglais. Arthur va, pour 300 £, acheter la tapisserie à la Société de broderie de Leek pour l’offrir à sa ville d’adoption dont il fut maire de 1883 à 1887 et dont il est alors encore échevin. De cette façon, le prestigieux passé de Reading sera magnifiquement souligné. Depuis, l’œuvre est exposée au Reading Museum, situé dans l’Hôtel de Ville, non loin des vestiges et des ruines de l’ancienne abbaye royale…
ttps://www.readingmuseum.org.uk/collections/britains-bayeux-tapestry