On n'est pas des pigeons

La taxe sur les déchets pour les indépendants de Tubize viole le principe d’égalité de la Constitution

Tubize: des taxes sur les déchets plus élevées pour les indépendants

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Par Françoise Walravens via

Tubize impose une taxe sur les déchets de 150 euros par an à tous les indépendants dont le numéro de TVA est répertorié à une adresse tubizienne. Ceci en plus de leur taxe ménage et qu’ils génèrent ou non des déchets sur le territoire.

Le Bourgmestre de Tubize depuis 5 mois, décline toute interview à ce sujet
Le Bourgmestre de Tubize depuis 5 mois, décline toute interview à ce sujet © Françoise Walravens

Est-ce légal ? Et existe-il des recours ? C’est ce que Pigeons a cherché à savoir.

Incompréhension

Des tubiziens indépendants ne comprennent pas cette taxe déchets qu’on leur impose. Pour certains depuis de nombreuses années, pour d’autres depuis peu.

" C’est comme demander à quelqu’un qui n’a pas de voiture de payer une taxe de circulation… ", estime Julien Merckx. Ce jeune kinésithérapeute, travaille le matin dans une maison de repos à Soignies et l’après-midi à l’hôpital de Tivoli à La Louvière. L’INAMI, comme le ministère des Finances, a prouvé qu’il n’a aucun patient à son domicile.

C’est du racket : une injustice qui ne vise qu’à rentrer des euros dans la caisse de la commune.

Pourtant, Tubize n’en tient pas compte et s’estime en droit de réclamer la taxe sur les déchets alors qu’il n’en produit pas. Selon lui : " C’est du racket : une injustice qui ne vise qu’à rentrer des euros dans la caisse de la commune. Je vis toujours chez mes parents et nous payons aussi une taxe de déchets ménagers de 140 euros. Soit 295 euros… Par an !"

Marc Devel est caviste à Tubize et il recycle tous ses cartons et bouchons. Ses factures sont virtuelles : " J’ai un petit commerce à Tubize, à la même adresse que mon domicile. Je dois payer ma taxe privée, 110 euros, et une deuxième pour ma société, 150 euros, qui pourtant ne génère absolument aucun déchet supplémentaire ", s’indigne Marc. " Quelle que soit l’activité, même si vous êtes un prestataire de services, qui ne produit aucun déchet, vous payez 150€." Et lorsque l’on se plaint de la situation, la réponse de la commune est assez claire. Marc : " Si vous ne rentrez pas la déclaration, ce sera majoré de 50%, vous payerez donc 225€, avec les poursuites qui s’ensuivent si vous ne les réglez pas. "

Hugues Delaisse, consultant informatique domicilié à Tubize aussi, s’insurge : " J’ai deux numéros de TVA enregistrés à une même adresse, qui est celle de mon domicile. L’un est celui de l’entreprise et le second est en personne physique. Je dois donc payer trois fois 150€, 450€ pour une seule et même adresse." Il nuance : " Que je paye une taxe pour la société, je ne suis pas contre. Mais en tant que personne physique non, je ne travaille jamais à Tubize, je ne produis aucun déchet. Mais la commune ne veut rien entendre. Imaginez une fiduciaire, qui domicilie le siège social de ses clients dans son bâtiment, ce qui se fait souvent. Et bien, si elle a 10 clients, elle devra payer 10 fois cette taxe déchets… Et pour des petites structures comme des asbl, c’est un montant énorme ! "

Et ils sont nombreux les mécontents. Un collectif d’indépendants tubiziens s’est déjà mobilisé afin de faire annuler cette taxe. Mais la Commune ne veut rien entendre.

Une avancée pour 2023 ?

" Pour 2022, il n’y aura aucune dérogation possible", répond la Commune à ces habitants. En revanche, lors d’un conseil communal, une solution a été envisagée pour 2023 : " Les personnes physiques dont le chiffre d’affaires sera inférieur à 30.000€ pourront être exonérées de cette taxe."

Quand il a tout payé ! Il ne reste pas grand-chose. ", estime Julien Merckx. " C’est bien, mais ça ne représente rien cette somme. À l’heure où certains ont du mal à se payer un salaire, c’est déplorable de faire payer cette taxe alors qu’aucun déchet n’est généré par l’activité ", se révolte Marc Devel.

Pas d’égalité, donc illégal

L’avocat fiscaliste, Jean-Pierre Magremanne estime qu’il y a " Violation du principe constitutionnel d’égalité et de non-discrimination".

Et de préciser : " Pourquoi une exonération au profit des personnes physiques et pas des personnes morales ? Il y a deux catégories similaires qui sont traitées de manière distincte. Et pourquoi ceux qui ont un revenu inférieur à 30.000€, et pas les autres ? Pourquoi ce montant ?"

Le principe d’égalité doit être respecté par les communes

La Constitution permet aux communes de créer des taxes, mais elles doivent respecter certains principes dont celui d’égalité. "Or, ce règlement taxe ne le respecte pas ", confirme Jean-Pierre Magremanne. Il continue : "On traite de façon similaire des personnes qui ne sont pas dans des situations comparables par rapport au but du règlement taxe qui est de faire face aux déchets ou au traitement des déchets. Il y a une catégorie qui crée des déchets. Il est normal qu’elle soit soumise. Il y a une catégorie qui ne crée pas de déchets, il n’est pas normal qu’elle soit soumise à la taxe."

Légal ?

Est-ce légal ? "Il doit y avoir un constat d’illégalité", explique l’avocat fiscaliste :

  • "Il peut être posé par le conseil d’État dans le cadre d’un recours en annulation qui serait introduit dans les 60 jours à partir de la publication du règlement taxe. Mais cela n’a pas été fait, je pense."
  • Ou alors, " l’illégalité peut être constatée par le Tribunal de première instance, ce qui implique qu’il faille préalablement introduire une réclamation devant le Conseil du Bourgmestre et Échevins."

Cette réclamation sera rejetée avec certitude par ce dernier. Chaque indépendant peut alors saisir le Tribunal de première instance qui pourra décider d’écarter l’application du règlement Taxe et donc, d’annuler la taxe.

"Et comme il y a d’autres motifs en matière de procédure qui pourraient entraîner lannulation de la taxe, le tribunal de première instance annulera, j’en suis presque certain, cette taxe."

Cela coûte cher, et c’est souvent un frein pour les citoyens qui n’agiront pas. La solution : " Mais dans ce cas, plusieurs indépendants pourraient se rassembler afin d’établir une réclamation type que chacun remplira personnellement et un recours type pour se défendre. Cela diminuera les coûts."

Car les communes sont malignes. Il raconte : " J’ai discuté avec plusieurs receveurs communaux qui me disent toujours qu’on a intérêt à introduire des taxes d’un montant réduit, plutôt que des grosses taxes. " En effet, " parce qu’à partir du moment où on introduit des taxes d’un montant important, les gens sont plus enclins à lancer une procédure et à contester la taxe alors que quand il s’agit d’une petite taxe de 150 €, ils ne le font pas."

Le bourgmestre de Tubize reste muet

Depuis 5 mois, nous tentons par tous les moyens de joindre le Bourgmestre qui est responsable des finances à Tubize, mais celui-ci reste muet.

Retrouvez "On n’est pas des pigeons" du lundi au vendredi à 18h30 sur la Une et en replay sur Auvio.

Sur Vivacité, du lundi ou vendredi de 10h30 à midi, pour SOS Pigeons.

Pour plus de contenus inédits, rendez-vous sur notre page Facebook et sur YouTube.

Vous souhaitez contacter Pigeons ?

Vous vous posez une question ? Face à une incompréhension ? Une arnaque à dénoncer ? Que vous soyez victime ou juste témoin, écrivez-nous à sospigeons@rtbf.be ou contactez-nous via le formulaire ci-dessous.

Loading...

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma... Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous