Politique

La "tolérance zéro" pour les actes de violence à l’encontre des policiers, ça fonctionne ?

Tens Of Thousands Of People Demonstrate Against Health Measures

© Thierry Monasse

Par Jean-François Noulet, avec J-C. Willems

Depuis fin 2020, plus de sévérité pour les auteurs de violences à l’égard des policiers

Fin novembre 2020, en accord avec la politique voulue par le ministre de la Justice, le Collège des procureurs généraux présentait la ligne de conduite qui serait dorénavant suivie pour lutter contre la violence à l’égard de la police. Le traitement judiciaire de ces actes de violence serait plus sévère. L’objectif annoncé était la "tolérance zéro". “Ce faisant, le Collège des procureurs généraux veut donner le signal clair que la coupe est maintenant plus que pleine et que s’il est prouvé que des individus ont recouru à la violence à l’égard de fonctionnaires de police, ceux-ci seront punis de manière équitable, mais avec sévérité”, pouvait-on lire dans le communiqué publié par le Collège des procureurs généraux.

Désormais, toute personne suspectée de coups ou de blessures volontaires infligés sur des fonctionnaires de police et ayant entraîné une maladie ou une incapacité de travail, voire pire, doit, s’il est arrêté, comparaître devant le magistrat de parquet qui décidera d’une mise en liberté ou d’une mise à disposition au juge d’instruction. Le classement sans suite d’un tel dossier est rendu plus difficile qu’avant.

Pour les personnes qui seraient reconnues coupables de coups ou blessures volontaires envers des policiers, les peines sont majorées et peuvent aller jusqu’à 5 ans de prison, voire 20 ans dans certains cas et jusqu’à 4000 euros d’amende.

En 2019, l’année précédant l’entrée en vigueur de cette circulaire, le ministère public avait enregistré 7083 cas de violence contre la police. Dans un cas sur deux, il s’agissait de rébellion. Un tiers des cas était constitué d’outrages. Dans environ un cas sur dix, il était question de coups.

Poursuivre les faits de violence contre des policiers demande du temps

Vouloir la "tolérance zéro" est une chose. L’appliquer jusqu’au bout en est une autre. Pour atteindre ce but, la Justice a besoin de temps, principalement pour récolter des preuves. "On ne les récolte pas du jour au lendemain", explique Ignacio de la Serna, Procureur général de Mons. "Il y a des images de vidéosurveillance, des témoignages, l’audition de la victime, l’audition du suspect. Et puis, ensuite, le magistrat du parquet prendra une décision", explique Ignacio de la Serna.

Après des incidents et des actes de violence, comme lors de la manifestation de dimanche, il y aura donc un délai nécessaire avant que la justice soit en mesure de statuer. "C’est un fameux travail pour les enquêteurs et pour le magistrat de pouvoir récolter tous les indices qui permettront de se faire une conviction et soit de se dire, non, finalement ce n’est pas la bonne personne, elle n’est pas impliquée ou bien, oui, c’est bien elle et elle devra répondre de ses actes devant le tribunal correctionnel", poursuit le procureur général de Mons.

Les cas de figure sont multiples. Il y a les personnes qui sont interpellées dans la foulée des actes de violence. Il y a celles qui devront être identifiées plus tard, par exemple à partir des images de caméras de surveillance ou après des témoignages. "Le parquet va appliquer la circulaire et va traiter les dossiers au cas par cas, en veillant à ce qu’il n’y ait pas d’impunité pour ces personnes", explique Ignacio de la Serna. Mais pour cela, la Justice prendra le temps nécessaire. "Parce qu’une bonne justice n’est jamais une justice rapide", ajoute Ignacio de la Serna. "Une personne a le droit de se défendre. On ne va pas condamner quelqu’un sans éléments. Il faut un dossier qui tienne la route. Récolter ces éléments de preuve ne se fait pas en 24 heures. Cela nécessite quelques semaines, parfois quelques mois", selon le Procureur général de Mons.

La circulaire "tolérance zéro" refroidit-elle les ardeurs des candidats à la violence contre des policiers ?

Nous avons demandé à Vincent Gilles, responsable syndical du SLFP Police ce qu’il pensait de l’efficacité de cette politique de "tolérance zéro" à l’égard des auteurs de violence contre des policiers.

Il estime que cette politique "percole auprès des publics visés". Ce seraient surtout ceux qui s’exercent à des activités criminelles qui seraient les premiers à comprendre qu’être violent envers la police est plus risqué qu’avant. Selon Vincent Gilles, la circulaire "impressionnera la personne qui navigue dans le milieu criminogène, qui vit dans ce milieu et de ce milieu et qui sait que lorsqu’un contrôle policier intervient, la circulaire peut avoir des effets le touchant personnellement".

Par contre, lorsqu’il s’agit de casseurs qui agissent lors de manifestations et qui semblent déterminés à s’en prendre à la police, l’effet de la circulaire "tolérance zéro" serait plus limité. "Nous sommes confrontés à des groupes qui visiblement ont leur canon braqué sur des policiers. Je ne pense pas que la circulaire impressionne ces personnes-là, parce qu’elles agissent en meute, en groupe", résume Vincent Gilles. C’est "un public très particulier, casqué, masqué, armé. Sur ces groupuscules organisés, je pense que cette circulaire a peu d’influence", ajoute le syndicaliste.

Finalement dans des manifestations qui dégénèrent, ceux qui seraient les plus directement concernés par la "tolérance zéro" en cas de violence contre des policiers seraient les "manifestants lambda", ceux qui "malheureusement à un moment donné se laissent aller à leurs émotions et à la fureur", estime Vincent Gilles. "Généralement, ces personnes n’ayant pas vraiment préparé leur éclat de fureur, sont identifiables", ajoute Vincent Gilles.

Tout l’inverse des casseurs organisés que la Justice risque d’avoir des difficultés à identifier.

Extrait de QR du 10/06/2021:

Annelies Verlinden annonce des souplesses mais pas une tolérance 0 de la part de la police

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