30 novembre 1786, il y a exactement 135 ans, un Etat décidait pour la première fois d’abolir la peine de mort. Ça se passait en Italie, à Florence, capitale de ce qui s’appelait alors le Grand-Duché de Toscane.
Celui qui l’a décidé c’est le souverain de ce grand-duché, Léopold de Habsbourg qui deviendra quelques années plus tard empereur d’Autriche à la mort de son frère Joseph II. Comme nous étions à l’époque sous la tutelle de Vienne, Léopold fut donc aussi un moment notre souverain. Mais l’ironie de l’histoire c’est que cet opposant de première heure à la peine capitale avait pour sœur une des plus célèbres condamnées à mort, Marie-Antoinette qui mourra sous l’échafaud sept ans après que son frère a donc aboli la peine de mort à Florence.
Abolir la peine de mort, une décision influencée par un philosophe des Lumières, le Milanais Cesare Beccaria
Dans son livre " des délits et des peines ", dans la droite ligne de Montesquieu, le Milanais Cesare Beccaria consacre les principes de l’Etat de droit. Mais là où il innove, c’est qu’il s’oppose au principe même de la peine de mort en écrivant ceci :
Il me paraît absurde que les lois, qui sont l’expression de la volonté publique, qui détestent et punissent l’homicide, en commettent un elles-mêmes, et que pour éloigner les citoyens de l’assassinat, elles ordonnent un assassinat public.
Beccaria est donc en somme le premier abolitionniste et il servira de référence à ceux qui poursuivront le même combat, comme Victor Hugo auteur du "dernier jour d’un condamné".
Un récit saisissant écrit à la première personne où l’on ignore tout des crimes de ce condamné. Il débute par ces mots : " condamné à mort ! Voilà cinq semaines que j’habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence… " Et qui se termine ainsi : "… Ah les misérables, il me semble qu’on monte l’escalier ! ".
Un récit publié en 1829, et le moins qu’on puisse c’est que Victor Hugo ne sera pas exaucé de son vivant, particulièrement en France.
La France sera le dernier pays d’Europe occidentale à exécuter des condamnés à mort
La France sera le dernier pays d’Europe occidentale à exécuter des condamnés à mort jusqu’en 1977, avec parmi les derniers condamnés Christian Ranucci rendu célèbre par le livre " le pull-over rouge "qui entretient le doute sur sa culpabilité. Et qui joua certainement un rôle dans le débat public autour de l’abolition de la peine de mort, même si quand la France adopte la loi qui supprime la peine capitale, les sondages indiquent qu’une majorité de Français y restaient encore favorables. A condition disent-ils qu’il n’y ait pas de doute sur la culpabilité et que le crime soit tellement horrible qu’il mérite la mort.
L’effet dissuasif de la peine de mort sur les criminels
Un argument balayé par les opposants qui, chiffres à l’appui, démontrent que cet effet n’existe pas : il n’y a pas moins de crimes là où la peine de mort est appliquée, au contraire et Robert Badinter alors garde des sceaux de Mitterrand, expliquera pourquoi à la tribune de l’assemblée nationale, je le cite " les crimes les plus terribles, les plus atroces, sont commis le plus souvent par des hommes emportés par des pulsions de violence et de mort. A cet instant de folie, de passion meurtrière, l’évocation de la peine, qu’elle soit de mort ou perpétuelle, ne trouve pas sa place chez l’homme qui tue ".
En 1981, la France abolit donc la peine de mort. En Belgique il faudra attendre 1996 pour qu’elle soit supprimée du Code pénal mais on n’exécutait plus depuis le 19e siècle, en dehors des périodes de guerre.
La peine de mort est abolie dans tous les pays de l’Union européenne mais qu’en est-il dans le monde ?
Une large majorité de pays est abolitionniste ou ne l’applique plus : en tout 141 pays sur 195. Au hit-parade des Etats qui y recourent il y a sans doute la Chine – sans doute puisqu’il n’y a pas de chiffres officiels, l’Iran et l’Arabie saoudite.
En Europe, seule la Biélorussie exécute encore des condamnés. On l’a compris, peu de démocraties, à l’exception notable des Etats-Unis où la situation diffère très fort d’un Etat à l’autre : la moitié des Etats américains est abolitionniste et c’est au Texas que l’on exécute le plus, plus de 500 sur les 40 dernières années, ce qui fait tout de même une moyenne de 12 par an, autrement dit un chaque mois.
On le voit l’abolition de la peine de mort est loin d’être universelle mais elle s’est largement répandue depuis ce 30 novembre 1786 où la Toscane a fait figure de précurseur.