Décrypte

La vapeur d’eau est-elle un gaz à effet de serre dangereux pour le climat ?

La vapeur d’eau est-elle un gaz à effet de serre dangereux pour le climat ? (JP Vivacité - 16/02/2023)

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Par Guillaume Woelfle

Le CO2 ne serait pas le gaz à effet de serre le plus problématique pour le climat, suggèrent quelques internautes sur Facebook en commentaires d’un article de la RTBF sur la captation du CO2. L’un d’eux indique ainsi que le CO2 ne représente que 5% des gaz à effet de serre. Un autre compare avec "la vapeur d’eau (qui est) aussi un gaz à effet de serre". Un dernier indique que le CO2 contribue pour une "faible proportion" dans le réchauffement climatique "puisque la vapeur d’eau représente 90% des gaz à effet de serre". Alors le CO2 est-il moins problématique que la vapeur d’eau ? La vapeur d’eau est-elle effectivement le gaz à effet de serre le plus présent ? Les scientifiques et décideurs ont-ils tort en s’attaquant en priorité au dioxyde de carbone ? Décryptage.

D’abord, rappelle l’Organisation Météorologique Mondiale, les gaz à effet de serre rendent dans une certaine mesure la planète vivable par l’Homme. "Certains gaz, dont la vapeur d’eau et le CO2, absorbent l’énergie infrarouge présente dans l’atmosphère et la renvoient vers la surface de la Terre. C’est ce qu’on appelle l’effet de serre ; s’il n’existait pas, la température à la surface du globe serait inférieure de 33 °C et s’établirait à −18 °C en moyenne."

Mais aujourd’hui, la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère augmente. Et si dans une certaine mesure, il était souhaitable que la température du globe augmente pour rendre la planète vivable, cette augmentation n’est désormais plus souhaitable comme le démontrent les scientifiques dans le dernier rapport du Giec.

"C’est vrai que la vapeur d’eau est le premier gaz à effet de serre, objective Hugues Goosse, climatologue à l’UCLouvain. C’est le plus puissant, à la fois parce qu’il a des propriétés différentes du CO2, et à la fois parce qu’il est beaucoup plus présent dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone." Ainsi, la concentration de CO2 dans l’atmosphère en 2022 était de 417 ppm (partie par million), indique le site global-climat. Cette proportion correspond à 0,0417% de CO2 dans l’atmosphère.

Quant à la vapeur d’eau, sa concentration oscille entre 0,4% et 4%, indique le site du ministère français de la Transition écologique, soit une concentration 10 à 100 fois plus importantes que le CO2. La vapeur d’eau est donc bien plus présente que le CO2.

La rétroaction positive : le réchauffement entraîne le réchauffement

Si les scientifiques confirment ces différences de concentrations, ils ne classent pas le CO2 et la vapeur d’eau sur le même plan dans les responsabilités du réchauffement. D’ailleurs, alors que le CO2 en est une cause, la vapeur d’eau en serait plutôt la conséquence.

"La vapeur d’eau n’est pas le moteur du réchauffement climatique, mais elle y participe par un effet amplificateur, explique François-Marie Bréon, chercheur et coauteur du 5e rapport du Giec. En effet, l’augmentation des concentrations des gaz tels que CO2 et CH4 conduit à une amplification de l’effet de serre, et donc une élévation des températures. Or, dans une atmosphère plus chaude, il peut y avoir plus de vapeur d’eau. L’élévation des températures conduit donc à une augmentation des concentrations de vapeur d’eau atmosphérique. Puisque la vapeur d’eau absorbe le rayonnement infrarouge, on a alors un renforcement de l’effet de serre, qui conduit à une augmentation supplémentaire des températures."

Autrement dit, si la concentration de CO2 augmente, l’effet de serre augmente et donc la température augmente. Si la température augmente, la concentration en vapeur d’eau augmente également. Et si la concentration en vapeur d’eau augmente, l’effet de serre augmente et donc les températures aussi. C’est ce que les scientifiques appellent la "rétroaction positive" : une action dont les conséquences viennent amplifier le mécanisme qui lui a donné naissance.

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"Et donc, si vous voulez diminuer la quantité de vapeur d’eau dans l’atmosphère, la méthode la plus efficace, c’est de pomper du CO2, parce que ça va casser cette boucle, cette rétroaction positive", pointe Hugues Goosse. "Si on décidait de capter la vapeur d’eau pour en réduire la concentration dans l’atmosphère, il faudrait recommencer en permanence, puisque c’est le CO2 qui l’alimente."

En d’autres mots, c’est un peu comme si vous écopiez l’eau d’une baignoire qui déborde, mais sans fermer le robinet de l’eau qui continue à couler.

Le cycle de l’eau contre le cycle du carbone : 10 jours contre des siècles

Au-delà de ce débat aux allures de "l’œuf ou la poule" mais dont on a trouvé la solution, un autre élément explique pourquoi les scientifiques ne s’attaquent pas à la réduction de la concentration en vapeur d’eau pour réduire les effets du changement climatique. Et cela tient au cycle de l’eau que l’on apprend aux élèves de primaires.

"Le cycle de l’eau dure environ dix jours. L’eau s’évapore en vapeur d’eau, se transforme en nuage et revient sur terre sous forme de pluie, se concentre dans les océans avant de s’évaporer à nouveau", explique Pasquale Nardone de l’ULB. "Quand on dit que le cycle de l’eau dure dix jours, cela veut dire qu’il y a assez de vapeur d’eau dans l’atmosphère pour maintenir dix jours de pluie. Donc si vous enlevez toute la vapeur d’eau maintenant, il faut recommencer dans dix jours, donc ça n’a pas de sens", démontre Hugues Goosse.

Le carbone a lui aussi un cycle, "mais il est de plusieurs siècles" souligne Hugues Goosse. "Et le fait d’augmenter la concentration du carbone dans l’atmosphère via la combustion d’énergie fossile par exemple est un dérèglement du système. Alors que l’augmentation de la vapeur d’eau, c’est simplement le cycle de l’eau""Le CO2, on le contrôle ou en tout cas on le perturbe", conclut Pasquale Nardone.

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