Cette semaine, dans " Le temps d’une histoire ", Patrick Weber vous emmène à la rencontre d’un clan célébrissime : " Les Rothschild : ascension et tribulation d’une famille "

Qui dit grande famille fortunée dit, fatalement, propriétés… et chez les Rothschild, elles sont – ou furent – nombreuses, se comptant par dizaines. Parmi elles, des noms connus : Waddesdon Manor, le château de Ferrières, le Château Mouton Rothschild, Spencer House, le château de la Muette, le château de Prégny… Nombre de ces demeures sont, d’une façon ou d’une autre, accessibles au public.

Il en est une qui constitue un parfait exemple du " style Rothschild " : la villa Ephrussi de Rothschild, à Saint-Jean-Cap-Ferrat, sur la Côte d’Azur, édifiée pour Béatrice de Rothschild.

La villa Ephrussi de Rothschild, au bout du jardin à la française.
Béatrice Ephrussi de Rothschild.

Charlotte Béatrice de Rothschild naît à l’hôtel de Talleyrand, rue Saint-Florentin à Paris, le 14 septembre 1864. Elle est la fille du baron Alphonse de Rothschild (1827-1905), elle fait partie de la branche française de la famille et est l’arrière-petite-fille de Mayer Amschel Rothschild (1742-1812), " le Fondateur ".

En 1883, elle n’a que 19 ans, Béatrice comme l’on a pris l’habitude de la nommer, épouse le banquier français, Maurice Ephrussi (1849-1916), issu d’une riche famille juive originaire d’Odessa. En 1905, Béatrice perd son père qui lui laisse près de 125,5 millions de francs français, soit quelque 343 millions d’euros. Elle se rend sur la Côte d’Azur et tombe amoureuse du Cap-Ferrat. À l’époque, un certain Léopold II convoite les 7 ha de la pointe de l’isthme du Cap-Ferrat, afin d’agrandir sa propriété de la villa des Cèdres… mais c’est Béatrice qui l’emportera !

Depuis les jardins, une vue sur la Méditerranée entourant la presqu’île du Cap-Ferrat.
Depuis les jardins, une vue sur la Méditerranée entourant la presqu’île du Cap-Ferrat. © Gérald Decoster.

C’est à l’architecte Jacques Marcel Auburtin que la baronne Béatrice confie le soin d’établir les plans de sa villa. Elle la nommera " Île de France ", ses jardins s’avançant, telle la proue d’un navire, en direction des eaux azuréennes de la Méditerranée. À coups de dynamite, le terrain est arasé. La construction de la maison durera 5 ans, s’achevant en 1912. Autour, Béatrice fait dessiner plusieurs jardins : à la française, japonais, lapidaire, une roseraie et… même un zoo, disparu depuis. Après le décès de la baronne, d’autres jardins – espagnol, exotique, florentin et provençal – seront ajoutés…

Le Jardin lapidaire.
La roseraie.
Le Jardin espagnol.
Le Jardin japonais.

La villa, aujourd’hui connue sous le nom d’Ephrussi de Rothschild, sera rose, la couleur préférée de Béatrice. Son apparence est bien dans le style Rothschild : franchement inspiré des villas de la Renaissance italienne mais quelque peu éclectique. La maison abritera une partie des collections artistiques du couple, amoureux d’architecture, d’art et de nature. Pourtant, Maurice et Béatrice séjourneront assez peu dans cet éden, la baronne délaissant même les lieux par suite de la disparition de son époux.

Le 7 avril 1934, âgée de 69 ans, Béatrice décède à Davos, en Suisse. N’ayant pas eu de descendance, elle stipule dans son testament qu’elle laisse la villa à l’Académie des beaux-arts de l’Institut de France, ainsi que la totalité des collections artistiques – plus de 5300 pièces – disséminées dans ses différentes résidences de Paris et de Monte-Carlo, à charge d’y créer un musée où survivrait " l’aspect d’un salon ". Après quelques nécessaires travaux de restauration, la villa ouvre ses portes au public, le 2 avril 1938.

Un musée à l’ambiance extraordinaire…

Le Patio.
Le Patio. © Culturespaces.

À la villa Ephrussi de Rothschild, outre la situation extraordinaire de la propriété et la luxuriance des jardons, l’amateur d’art a de quoi se délecter. Les diverses salles sont réparties autour d’un vaste patio où Béatrice donnait ses réceptions… Les deux niveaux de galeries, aux styles Renaissance italienne et hispano-mauresque, sont surmontés d’une toiture, elle-même couverte d’un plafond ! Les lieux accueillent des œuvres des époques médiévale et Renaissance.

Les boiseries du XVIIIe siècle du Salon Louis XVI proviennent de l’hôtel de Crillon, place de la Concorde, à Paris. Les dessus-de-porte ont successivement appartenu à Madame de Pompadour, au duc de Penthièvre et à Honoré de Balzac… Quant au plafond de la seconde partie du salon, il représente " Le char de l’Amour, tiré par des colombes ", par Tiépolo. Les sièges Louis XVI sont tapissés des Fables de La Fontaine et sont posés sur le 87e tapis de la série de 104, commandée par Louis XIV pour la grande galerie du Louvre.

Un coin du Salon Louis XVI.
L’une des alcôves du Salon Louis XV.

S’ouvrant sur la terrasse de marbre du jardin français, le Salon Louis XV comprend des sièges couverts de tapisseries de Beauvais dont les sujets animaliers sont inspirés de Jean-Baptiste Oudry. Deux tapisseries des Gobelins, provenant du château de Marly, complètent l’ensemble. Quant à la toile du plafond, " Phaéton et le char du soleil ", elle est vénitienne et du XVIIIe siècle.

C’est via un boudoir aux boiseries néo-pompéiennes, servant d’écrin à un secrétaire en cabinet de Riesner, ayant appartenu à Marie-Antoinette, que l’on accède à l’appartement de Béatrice.

Sa vaste chambre offre une vue imprenable sur la baie de Villefranche. Elle est principalement meublée de sièges de la fin de l’époque Louis XVI et d’une commode Transition, de l’ébéniste parisien Nicolas Petit. Le lit de la baronne est monumental : vénitien, du XVIIIe siècle, couvert d’une soierie de Chine brodée de fleurs et d’oiseaux.

Le secrétaire en cabinet de l’ébéniste Riesner.
Le lit de la baronne Béatrice.

En passant par la garde-robe, on accède à la salle de bains en rotonde dont les boiseries ont été peintes par Leriche à la fin du XVIIIe siècle ; elles supportent un dôme en lattes dorées. Lui succède l’appartement bien plus petit de Maurice Ephrussi, qui abrite d’admirables collections de porcelaines de Sèvres et de Vincennes.

La salle à manger néo-gothique, aujourd’hui convertie en salon de thé, s’ouvre par 11 baies vitrées sur la rade de Villefranche. À l’étage, les diverses chambres permettent de découvrir des boiseries Directoire, du mobilier précieux, des laques de Chine, des tapisseries, des porcelaines allemandes… Le Salon des Singes renferme des boiseries d’Ancien Régime, du mobilier vénitien et surtout, un orchestre de singes en porcelaine de Meissen, réalisé vers 1740 par Johann-Joachim Kändler.

La Salle à manger, convertie en salon de thé.
Le Salon des Singes.

Si vous passez un jour par Saint-Jean-Cap-Ferrat, un conseil : entrez à la villa Ephrussi de Rothschild, c’est l’occasion de se plonger au sein d’une ambiance de vie de cette famille dont l’ascension fut fulgurante… tout autant que les tribulations !

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