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La Ville de Bruxelles pratique-t-elle la préférence communale – illégale – lors de ses recrutements ?

La Ville de Bruxelles accorde-t-elle une priorité de recrutement à ses habitants ?

© Belga

Par Philippe Carlot

Le conseiller communal de l’opposition (MR) David Weytsman parcourt les rues de la Ville de Bruxelles. Il tombe des cordes. Malgré cette météo pluvieuse, un balayeur de rue continue à nettoyer le trottoir. David Weytsman lui suggère de se mettre à l’abri mais l’homme lui explique qu’il ne peut pas : il a besoin de continuer à travailler. S’il veut obtenir un contrat de travail normal, il doit déménager parce que, dit-il, la Ville de Bruxelles donne la priorité à ses habitants lors des embauches. Et pour déménager, il a besoin de gagner plus d’argent.

 

La préférence communale à la Ville de Bruxelles ?

Ancien échevin MR de la Ville, David Weytsman dit tomber des nues. Il ignorait tout de cette pratique. Il rencontre d’autres balayeurs, qui confirment : ils travaillent sous statut ALE (Agence Locale pour l’Emploi) depuis parfois 10 ans et habitent Schaerbeek ou Molenbeek. Leur temps de travail est réduit à 4 samedis par mois, explique l’un d’eux, qui occupe ce poste depuis 10 ans. Ils perçoivent 4,10 de l’heure et vivent du chômage le reste du temps.

Tous ont demandé à décrocher un contrat de travail et à prester davantage d’heures. Tous se sont entendus répondre que la Ville accordait la priorité aux candidats résidant sur son territoire. Certains sont prêts à déménager mais comment espérer conclure un contrat de bail sans pouvoir présenter un contrat d’emploi en bonne et due forme à son bailleur ? Quant à un logement social, mieux vaut éviter de rêver. Le temps d’attente se chiffre en années et 50.000 personnes composent la liste d’attente.

Une pratique à bannir

Pour David Weytsman, le fait de privilégier les Bruxellois est une pratique connue de l’administration et promue par le collège des bourgmestres et échevins. Il fait état d’une règle non écrite : pour les agents de niveau A (les fonctions les plus élevées), aucune restriction géographique n’est de mise. Pour les niveaux B, les candidats doivent habiter en Région bruxelloise. Quant aux postes de niveaux C à E, ils sont réservés aux habitants de la Ville de Bruxelles. "C’est un système clientéliste qui, in fine, impose à des gens qui travaillent bien comme ALE sur le territoire de la Ville de Bruxelles d’être obligés de déménager pour espérer obtenir un vrai contrat. C’est scandaleux parce qu’on laisse ces personnes dans des difficultés et qu’on ne leur donne aucun espoir d’émancipation. Donc, ce qu’on demande très clairement, c’est de stopper ce système de préférence, qui bloque les gens dans leurs possibilités d’être engagés".

 

La Ville de Bruxelles dément

L’échevine (Ecolo) de la Propreté publique, Zoubida Jellab, botte en touche. Elle n’a aucune prise sur les recrutements dans son service. Elle peut formuler des demandes d’engagements en fonction des besoins exprimés mais ensuite, le reste dépend de l’échevine en charge des Ressources humaines, Faouzia Hariche (PS).

Laquelle dément toute pratique discriminatoire tendant à favoriser les habitants de la Ville de Bruxelles. "Les travailleurs sous statut ALE peuvent postuler pour un emploi à la Ville de Bruxelles s’ils ont été évalués positivement, moyennant un entretien avec le chef de service. La difficulté consiste parfois à pouvoir les évaluer dès lors qu’ils ne prestent qu’un jour par semaine. Ensuite, lors de chaque recrutement, il se présente beaucoup plus de candidats qu’il n’y a de postes à pourvoir. Et l’on engage les meilleurs", précise l’échevine. Faouzia Hariche ajoute : "plein d’agents contractuels n’habitent pas la Ville, vous n’avez qu’à leur demander".

Pourquoi alors les balayeurs que nous avons rencontrés parlent-ils tous de la priorité accordée aux habitants de la Ville ? Quel intérêt auraient-ils à mentir ? Et, si le service de la propreté n’est pas satisfait de leurs prestations ou ne souhaite pas les embaucher, pourquoi ne pas le leur dire clairement ?

A contrario, pourquoi la Ville mènerait-elle, sans trop se cacher, une politique de recrutement qu’elle sait illégale, dès lors que chaque personne engagée est évidemment libre de déménager dans une autre commune une fois son contrat signé ?

 

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