Coupe du Monde 2022

L’Afrique veut croire à une première demi-finale mais part de loin

Hakimi et le Maroc peuvent-ils créer la surprise à la Coupe du monde?

© AFP or licensors

Par Raphaël Deby

Quatre ans après l’échec en Russie où aucune équipe africaine n’avait passé le cut de la phase de poules, tout le continent attend désormais son représentant qui saura, enfin, atteindre les demi-finales. Dès cette année ? Ce sera peut-être encore un peu juste.

Malgré trois participations en quarts de finale, l’Afrique n’a pas encore connu les joies du dernier carré. Entre moyens, ambitions et réussite, retour sur ce qui a manqué pour cela.

Un manque d’adversité ?

Une étude de l’université de Harvard a mis en lumière les progrès des équipes africaines depuis des décennies. En comparant leurs performances dans les années 1970 et 2010, l’université a pu démontrer que le niveau de compétitivité de ces nations avait donc augmenté. Problème : celui des grandes nations avait également progressé, et même plus.

Devant ce fait, les chercheurs ne sont pas forcément très optimistes pour l’avenir : "Certains observateurs pourraient interpréter les améliorations enregistrées au cours des dernières décennies pour déclarer que des pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Nigeria sont sur la voie pour remporter le trophée entre 2030 et 2040. Cependant, cet argument est peu plausible quand on observe les limites de la stratégie implicite sur laquelle les pays africains semblent s’appuyer pour améliorer leur situation : la domination des adversaires intracontinentaux et la victoire dans les tournois régionaux. Cette stratégie ne suffira pas si ces pays veulent se hisser au sommet de la hiérarchie. "

Les chercheurs se basent donc sur un point essentiel : le manque d’adversité importante. Il est connu et démontré qu’affronter régulièrement des opposants coriaces permet de progresser bien plus rapidement et ainsi de s’habituer à un tel niveau d’exigence. Même si de très nombreux joueurs africains ont l’habitude des grands rendez-vous, ils concernent principalement les clubs et moins l’équipe nationale.

Prenons un exemple concret avec le groupe A dans lequel s’affronteront les Pays-Bas et le Sénégal. Depuis la fin de la dernière Coupe du monde, les Lions de la Téranga n’ont affronté qu’une seule équipe du top 10 mondial actuel : le Brésil, lors d’une joute amicale. Les Pays-Bas sont à onze. La différence est criante. Si arriver à un tel niveau sera sans doute très compliqué, résorber une partie de ce retard ne semble pas fondamentalement impossible. Pour cela, il faudrait parvenir à disputer plus de matches amicaux face à l’élite mondiale, même lors de moments peu habituels.

L’argent, le nerf de la guerre

Malheureusement, le football africain ne vit pas dans une bulle et doit subir la concurrence financière des plus grandes nations qui ont des revenus bien plus importants qui leur permettent de proposer une meilleure formation, dans des infrastructures bien plus adaptées et un cadre d’entraînement optimal, ce qui n’est pas toujours le cas en Afrique.

Pour appuyer ce problème, il faut rappeler que le Malawi n’a même pas pu participer aux qualifications de la CAN 2019 par manque de moyens. Bien sûr, c’est un cas isolé qui ne concerne pas une place forte du football africain mais une telle situation ne doit pas être balayée d’un revers de main comme si elle était insignifiante. En termes de chiffres, la Sénégal a, par exemple, touché 4,5M$ pour sa victoire lors de la dernière CAN alors que les Italiens en ont gagné environ 11,4 après leur succès à l’Euro. Soit 2,5 fois le montant.

Un manque d’ambition ?

Pendant de nombreuses années, l’Afrique a parfois manqué d’un objectif très important. Participer était déjà une victoire, essayer de disputer les huitièmes de finale, une sorte de graal. Désormais, les discours se montrent plus ambitieux. Le président de la Confédéréation africaine de football, Patrice Motsepe, avait notamment déclaré en 2021 qu’une équipe africaine devait gagner la Coupe du monde " dans un avenir proche ".

Président de la Fédération camerounaise, Samuel Eto’o voit également grand pour le continent et a même pronostiqué une victoire finale de son pays contre le Maroc en finale, en plus d’une qualification pour les huitièmes de finale pour toutes les nations représentées. Désormais, les nations africaines ne se cachent plus, les objectifs plus élevés, les attentes également.

La chance défaillante

Si aucune équipe africaine n’a encore atteint le dernier carré, il y a évidemment une petite part de chance. Les trois représentants qu’il a connus en quarts de finale ont tous été au moins en prolongation comme le Sénégal en 2002. En 1990, le Cameroun avait été sorti aux tirs au but alors que tout le monde se rappelle de l’élimination cruelle du Ghana en 2010 après la faute de main de Luis Suarez et le penalty envoyé sur la barre d’Asamoah Gyan dans les dernières secondes du match. Pour quelques centimètres, le plafond de verre aurait déjà pu être brisé.

Au-delà de ça, l’Afrique n’a pas toujours eu la réussite d’envoyer ses meilleurs représentants au Mondial. À plusieurs reprises, dont cette année, les vainqueurs de groupe de qualification se sont retrouvés en barrages pour se disputer les tickets dorés. Sauf que, parfois, un pilier africain est donc passé à la trappe sur une double confrontation malgré ses références au niveau continental. Cette année, l’Égypte, finaliste de la dernière CAN, a par exemple tiré le Sénégal comme adversaire, avec la même issue que lors de la finale. Victorieux de trois CAN de suite entre 2006 et 2010, le pays de Mo Salah n’a disputé la Coupe du monde qu’en 2018 lors de ce siècle.

Qu'espérer cette année ?

C’est la grande question qui agite tout le continent. Le plafond de verre des demi-finales peut-il être brisé cette année ? Champion d’Afrique, le Sénégal est le fer de lance des cinq représentants et possède également le tirage le plus clément sur papier avec les Pays-Bas, l’Équateur et le Qatar. Passer les poules est un minimum avant un potentiel huitième de finale face à l’Angleterre, les États-Unis, le pays de Galles ou l’Iran.

Pour les autres, en revanche, ça sera plus compliqué. La Tunisie doit par exemple se coltiner le duo France-Danemark, le Ghana devra affronter le Portugal et l’Uruguay alors que le Cameroun aura face à lui le Brésil, la Suisse et la Serbie. De son côté, le Maroc devra affronter les Diables rouges, la Croatie et le Canada.

Selon les bookmakers et le classement FIFA, seul le Sénégal part favori pour disputer la phase à élimination directe. Il faudra donc plus qu’un exploit pour voir enfin une équipe africaine aller très loin dans cette compétition. Pourtant, l’espoir reste permis. Tous les tournois internationaux regorgent de surprises. L’Afrique pourrait bien être le théâtre d’une magnifique histoire cet hiver. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir.

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