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Lanceur d’alerte ou espion ? Edward Snowden, l’homme qui a ouvert les yeux du monde sur les agences de renseignement, est devenu Russe

Edward Snowden, l’homme qui a ouvert les yeux du monde sur les agences de renseignement.

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Il était retombé dans un anonymat presque complet depuis des mois. Ce mardi, son nom est à nouveau apparu à peu près sur tous les écrans et dans tous les médias : Edward Snowden a reçu la nationalité russe. Il l’avait demandée en 2020 et Vladimir Poutine vient donc d’accéder à sa requête en signant un décret. Lanceur d’alerte pour les uns, transfuge voire espion pour d‘autres, Edward Snowden est l’homme à la base de la fuite la plus importante de l’histoire des services de renseignements américains.

Le 6 juin 2013 est une date que les experts du renseignement n’oublieront jamais. Ce jour-là, c’est un authentique séisme qui secoue la planète, et pas seulement celle du renseignement : le Washington Post et le Guardian US publient d’incroyables révélations sur les pratiques de la NSA (National Security Agency), la très puissante agence américaine. Des révélations rendues possibles grâce aux nombreux documents que leur a transmis un ancien agent de la CIA devenu consultant pour la NSA. Son nom : Edward Snowden.

Totalement inconnu jusque-là, ce nom, dans un premier temps, puis, trois jours plus tard, ce visage vont faire la Une de tous les médias occidentaux mais pas seulement. En résumé, le monde découvre, un peu abasourdi, que la NSA peut accéder directement à des données privées avec la complicité de plusieurs géants d’internet tels que Microsoft, Google, Facebook, Yahoo, Skype, Apple, ou encore Youtube. Mails, chats, photos, vidéos, mots de passe : aucune communication humaine n’échappe à la NSA, qui bénéficie aussi d’informations que lui fournit Verizon, l’un des grands opérateurs américains de téléphonie.

Des forces spéciales à la NSA en passant par la CIA

Né en Caroline du Nord, Edward Snowden a grandi à proximité du siège de la NSA dans le Maryland où sa famille a déménagé. Il raconte lui-même qu’il n’était pas un très bon élève, il va d’ailleurs abandonner le lycée. Mais il poursuit une formation en informatique et il développe certaines compétences dans le domaine. Il s’engage à 20 ans dans les forces spéciales. Et après s’être brisé les jambes lors d’un entraînement, il est recruté comme garde d’un site secret de la NSA sur le campus de l’université du Maryland. C’est ensuite qu’il rejoint la CIA, qui va l’envoyer à Genève, où, sous couverture diplomatique d’un poste à la Mission permanente des Etats-Unis auprès de l’ONU, il doit veiller à la sécurité du réseau informatique, ce qui va lui donner accès à de nombreux documents classifiés.

Il va en découvrir des milliers d’autres en devenant consultant pour la NSA au sein de plusieurs sociétés privées, au Japon, puis à Hawaï, C’est là qu’il va commencer à faire des copies dont il dit se servir "pour ne pas laisser le gouvernement américain détruire la vie privée, la liberté d’internet et les libertés essentielles au moyen de ce système de surveillance qu’il est en train de mettre au point secrètement". Quelques semaines avant la publication des journaux, il prétexte le besoin de soigner un problème d’épilepsie pour quitter Hawaï s’envole vers Hong Kong. Là où il a rencontré les journalistes du Washington Post et du Guardian. Et là où il va se cacher avant de s’envoler vers la Russie.

Des demandes d’informations par dizaines de milliers

Dans un premier temps, les géants d’internet vont démentir le fait que la NSA bénéficiait d’un accès direct à leurs serveurs. Et puis ils ont compris que leur position était tout simplement intenable, et ils ont livré, les uns après les autres, des chiffres précis. Microsoft a reconnu avoir reçu de la NSA entre 6000 et 7000 demandes d’informations pour le second semestre de l’année 2012. Facebook a annoncé avoir reçu entre 9000 et 10.000 requêtes. Et Apple a fini par concéder que les autorités américaines lui avaient fait parvenir entre 40.000 et 50.000 demandes de renseignements en l’espace de six mois.

Les États-Unis ont aussi espionné Belgacom

Dans la foulée de ces révélations, d’autres vont suivre, publiées par d’autres médias, tels que le New York Times. On va par exemple découvrir que la NSA et son homologue britannique, le GCHQ (Government Communications Headquarters), ont lancé en 2007 un programme permettant de récolter via les applications mobiles un maximum de données personnelles telles que la géolocalisation, les carnets d’adresses et les sites internet visités sans oublier l’âge et le sexe de centaines de millions d’utilisateurs. On apprendra aussi que les conversations téléphoniques effectuées sur le téléphone portable d’Angela Merkel ont fait l’objet d’une attention soutenue de la NSA, ce qui a fait dire à la chancelière allemande " l’espionnage entre amis, cela ne va pas du tout " lors de son arrivée à Bruxelles pour assister à un Conseil européen.

Par la suite, lors d’un témoignage devant le Parlement européen, Edward Snowden expliquera que la NSA s’est aussi intéressée aux communications du réseau Belgacom et de sa filiale Bics, active notamment au Moyen-Orient et en Afrique ou encore dans la fourniture de services à la Commission européenne.

Focus sur les G20 de 2009

D’autres documents encore permettront d’apprendre que l’agence britannique GCHQ a espionné les communications des personnalités qui ont participé aux G20 d’avril (à Londres) et septembre 2009 (à Pittsburgh) : les services de renseignement avaient installé des cafés internet d’où ils pouvaient intercepter les communications et surveiller les e-mails et les appels téléphoniques passés depuis les appareils BlackBerry des délégués. L’agence britannique avait également mis au point un dispositif permettant de savoir quand les délégués se contactaient les uns les autres et elle avait ciblé certaines personnalités, en particulier le ministre des Finances turc. Des ordinateurs sud-africains ont par ailleurs été identifiés pour être l’objet d’une attention spéciale.

Une surveillance " avec l’aide " des pays d’Europe

Convoqué devant le Congrès américain, le patron de la NSA, le général Keith Alexander avait essayé d’expliquer que son agence n’espionnait pas réellement les populations d’Europe mais exerçait plutôt une surveillance " avec l’aide " des pays d’Europe. Lors d’une conférence sur la sécurité informatique, le même général Alexander avait aussi tenté de défendre son point de vue : "Ce qui a été mis en avant dans la plupart des médias, c’est que nous écoutons vos conversations, que nous lisons vos e-mails. Ce n’est pas vrai. Nous savons que notre travail est de défendre ce pays. C’est une mission noble" avait-il affirmé, rappelant que grâce aux renseignements obtenus par la NSA, plus de 50 menaces terroristes dans le monde avaient été contrecarrées.

Edward Snowden, lui, a fini par se retrouver en Russie alors qu’il envisageait de prendre la direction de l’Amérique du Sud, non sans avoir demandé l’asile à une vingtaine pays occidentaux. Deux parlementaires norvégiens ont émis l’idée de le proposer comme candidat au Prix Nobel de la paix, ce qui n’a pas eu de suite. Il a en revanche reçu le Right Livelihood Award, qualifié de " prix Nobel alternatif " lors d’une cérémonie se déroulant au Parlement suédois, devant de nombreux députés, qui ont salué l’annonce par une standing ovation.

Le Washington Post et le Guardian, pour leur part, ont reçu le prix Pulitzer en mai 2014.

A l’annonce de son obtention de la nationalité russe, un porte-parole du département d’Etat américain a fait savoir qu’Edward Snowden conservait sa citoyenneté américaine. Il reste aussi inculpé pour espionnage et vol de biens appartenant au gouvernement américain.

Les révélations de Snowden

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