La migration, enjeux de taille pour un pays déjà en difficulté
Malgré les félicitations aux voisins talibans, les Pakistanais ont également une autre raison de craindre les conséquences de leur arrivée au pouvoir : nous le savons, les évacuations d’Afghanistan ont été intenses ces dernières semaines.
Les Etats-Unis, entre le 18 et le 31 août, ont à eux seuls évacué 123 mille civils. Et pourtant, le Pentagone a regretté ne pas avoir réussi à évacuer autant de personnes que voulu. L’opération belge Red Kite, elle, a permis d’exfiltrer environ 1400 personnes.
Et les flux migratoires ne sont pas près de s’arrêter. On le sait : l’Europe craint une vague migratoire ingérable comme celle de 2015. Comme Le Soir le soulignait dans ses colonnes ce matin, les ministres de l’Intérieur de l’UE ont adopté une déclaration conjointe. Le principe : aider les pays de la région à gérer la crise migratoire qui se profile après l’arrivée talibane. Les Etats membres se reverront d’ailleurs en septembre pour discuter des "priorités" et des "solutions" sur le sujet.
►►► À lire aussi : Afghanistan : "Il faudrait qu’il y ait un gouvernement large qui représente toute la société ", estime l’ambassadeur du Pakistan en Belgique
Et pour cause. A ce stade, l’UNHCR, l’Agence des Nations Unies pour les migrations, estime que près de 2 millions d’Afghans se sont réfugiés en Iran (environ 400 mille personnes) et au Pakistan (environ 1.400.000 personnes).
"Le HCR se prépare à ce qu’un demi-million de personnes, voire plus, fuient l’Afghanistan au cours des prochains mois, dont une majorité vers le Pakistan. Actuellement, environ 20.000 personnes traversent cette frontière quotidiennement, soit le triple des 6000 que l'on voit habituellement", rapportait RFI ce mardi soir.
Une vague migratoire vers le Pakistan n’aurait donc rien de nouveau dans l’histoire de la région : "Déjà lors de la guerre contre l’URSS, les réfugiés afghans se rendaient davantage au Pakistan qu’en Iran. C’est notamment le cas pour l’ethnie Pashtun, très présente à la frontière", poursuit Nicolas Gosset.
►►► À lire aussi : Afghanistan : y aura-t-il un afflux de réfugiés ? "Les Européens sont prêts à tout pour éviter une crise de l’asile"
L’enjeu est de taille, puisqu’en plus de l’ascension talibane, le sud de l’Afghanistan et le Pakistan font face à une sécheresse peu médiatisée mais meurtrière, grave pour des régions qui vivent d’agriculture. "On estime actuellement que 40% de la population afghane vit dans une condition d’insuffisance alimentaire" détaille l’expert. Si la sécheresse favorise la migration, le Pakistan traverse déjà une situation économique compliquée.
Entre-temps, les Pakistanais seraient en train de terminer l’installation de barbelés à la frontière avec l’Afghanistan. Mais ce projet n’aurait pas grand-chose à voir avec la migration : l’installation avait débuté en 2017, pendant la présidence afghane de Ghani. "Le Pakistan à l’époque estimait devoir protéger sa frontière des combattants irréguliers et du passage des troupes afghanes, ce qui montre une fois de plus la difficile cohabitation avec l’ancien pouvoir afghan", poursuit l'expert.
Dans un scénario aussi compliqué, tant l’Afghanistan que l’Irak semblent être mal pris par rapport à la vague migratoire qui suivra. "Il est alors probable qu’ils travailleront avec les talibans pour stabiliser le pays. La plus grande crainte de ces deux pays est de voir l’instabilité s’accroître dans la région", conclut Nicolas Gosset.