Laurence Vielle lit un poème inédit de Claude Donnay.
Claude Donnay est un poète, nouvelliste et romancier belge né à Ciney en 1958. C’est à Dinant, dans la vallée mosane, qu’il ira ensuite s’installer. En 1990, il rencontre la poétesse Mimy Kinet (1948-1996), qui le poussera à envoyer son premier manuscrit aux éditions L’Arbre à paroles. Dans les années 90, c’est avec elle, Antonello Palumbo et Hélène Dorion qu’ils partent à l’aventure avec la revue RegArt.
En 1999, il fonde la revue Bleu d’Encre, qui paraît à chaque solstice. En 2010, c’est Bleu d’Encre Editions qui voit le jour, une maison d’édition dont le catalogue s’étend à une vingtaine de titres de divers poètes.
Claude Donnay a publié près d’une vingtaine de recueils de poésie et participé à plusieurs anthologies, dont le dernier en 2022, Pourquoi les poètes n’ont jamais de ticket pour le paradis, Prix Emma Martin, paru aux éditions L’Arbre à paroles.
Le poète écrit aussi des nouvelles et a également quatre romans parus aux Éditions M.E.O., dont son premier La route des cendres en 2017, a été finaliste du Prix Saga Café. Pour sa nouvelle Spartacus, il reçoit le prix de prose Emma Martin.
Avec ou sans, poème inédit (janvier 2023) de Claude Donnay, lu par Laurence Vielle :
La porte coulisse.
Au sol,
Des grands carrelages gris
De l’hôpital des pas perdus.
C’est le mois sans alcool
Le mois sans
C’est étrange je pense
J’imagine un mois avec
Un mois avec des mains ouvertes
Des doigts en cœur
Avec du gaz hilarant et gratuit
Du feu dans les veines
Et des glaces trois boules Chantilly
Un mois tout un mois
Avec du chaud dans le ventre
Des peaux colorées à l’amour
J’imagine j’attends
La porte coulisse
Je m’accroche au voile d’une infirmière
Légère
Flux et reflux
Transhumance de pas prudents
Regards inquiets ou mouvants
Passe un homme cassé
Sur un déambulateur jaune
Je le suis du regard sur les pavés gris
J’imagine
J’imagine un mois avec un corps vigoureux
Avec un corps santé naïf
Un corps jeune avec dedans
Un esprit jeune
Une tête libre détachée
Une tête avec des ailes d’oiseau
Une tête qui vole
J’imagine
Sur les banquettes riantes trompeuses
J’imagine un mois sans malades
Sans malades sans blessés
Sans blessures ni mots assassins
Un mois sans
Cela marche aussi
Un mois sans petites et grandes morts
Un mois avec la vie
Cela sonne comme une batterie de carnaval
Un mois avec la danse des chairs
Avec les lèvres sourires et les pieds en folie
Cela pétille
On se prend pour un rossignol
Dans une charmille de printemps
On se fait – je me fais – un film
Décor hall d’accueil
Pavés gris marelle imaginaires
Je saute vers le paradis
À hauteur des ascenseurs
Un mois tout un mois
Sans ou avec
Un mois de futur dans la main
Un mois carte de crédit
Billet de loterie à gratter demain
Puisque demain viendra sans un pli
Et qu’on sera là
Qu’il n’y a pas de doute
Ou alors si léger
Qu’il ne compte pas pour les statistiques
Passe un lit à roulettes
Une chaise avec une dame blanche
Transparente comme un lac gelé
Un mois à vivre se mue en éternité
Du temps-minute à sucer
Un marron glacé
Dans le plaisir de l’instant
Avec ou sans
Un mois c’est une aube au saut du lit
Dans les bras d’un radiateur
Vanne thermo sur 5
Et d’un café arabica mousseux
Un mois de jours et de nuits
Cela n’a pas de prix quand la porte coulisse
Coulisse et coulisse
Sur les grands carrelages gris
De l’hôpital des pas perdus