Laurence Vielle

Laurence Vielle lit "Depuis que tu n’as pas tiré" de Marie Darah

© Antonin Webber

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Par Laurence Vielle

Laurence Vielle lit Depuis que tu n’as pas tiré, un extrait du recueil qui porte le même nom, écrit par Marie Darah, publié dans Bruxelles se conte en décembre 2020 aux éditions maelstrÖm.

 

Le mot de Laurence Vielle sur Marie Darah

Iel naît à Charleroi en 1989 et iel court ;

Iel court court et court ;

Iel naît en Belgique à Charleroi en 1989 et Iel court ;

Iel suit des études au conservatoire en arts de la parole à Bruxelles et iel court ;

Iel écrit du slam sans le savoir, n’en connait pas les codes et se retrouve un jour sur scène face à 500 personnes et Iel court ;

Après avoir été comédienne, la voilà prise éprise du slame où iel se met à nu, livre son propre texte, sa propre vie et iel court ;

"Iel témoigne des violences d’une société binaire et patriarcale qui a presque réussi à la broyer.

Son but est de montrer qu’on a droit à la réussite et à la visibilité

en tant que personne non genrée, racisée et tatouée."

Iel laisse derrière elle l’alcool, la drogue,

se fait braquer sur son lieu de travail, peu de temps avant la pandémie,

Iel écrit Depuis que tu n’as pas tiré pour sortir le braquage de sa tête, et iel court ;

Iel aime profondément la vie, les gens,

Iel est en colère face aux non-dits collectifs,

Et sublime cette rancœur par l’écriture, la scène et le slam qui lui ouvre une autre voie,

Le slam où il n’y a pas d’incitation à la haine ou à la violence,

Le slam ouvert à tou.te.s, n’importe qui peut participe,

La seule règle est de dire son propre texte et de ne pas dépasser 3 minutes.

En 2021 iel gagne le championnat Européen de Slam et iel court ;

Iel publie deux livres aux éditions maelstrÖm et iel court ;

Iel anime des ateliers d’écriture pour partager ses secrets de fabrication

Et mettre en avant le style de chacun.e. pour raconter son histoire.

Gender Fluide, Iel dit que la vie ça bouge, c’est en mouvement.

Figer les choses comme nous l’enseignent le capitalisme et le patriarcat, c’est un non-sens, dit Marie Darah

Iel se sent comme un bûcheron qui se déguise en femme

Et s’amuse de cette position intersectionnelle qu’iel dit "privilégiée":

"Avoir le cul entre plusieurs chaises est une posture intéressante…

L’idéal est de ne pas s’asseoir, comme ça il ne peut pas y avoir de trône…"

 

Extrait de Depuis que tu n’as pas tiré de Marie Darah

Tu as levé ton arme

Tu m’as regardé droit dans les yeux.

J’ai pensé

Ça y est, c’est comme ça que ça finit.

Et je revois le film 8mm de ma vie.

Comme dans un cinéma plein air, au dehors de ma tête.

Des flashbacks, des coupures,

Des médecins pour le poids, des bancs d’école en bois.

De l’alcool, de la drogue, la vodka et le gin,

Des pailles et des narines.

Tourbillons inutiles,

Des coupures et des bras.

Stop. Fragile.

Nager vers la surface. Remonter. Respirer.

Faire la paix et rêver.

Aimer, se prendre des murs.

Mais toujours les amitiés qui durent.

Des enfants. Des bisous. Des filleules.

Des sourires et des poux.

Des grimaces. Des souvenirs en masse.

Des projets.

De l’avenir et que vais-je devenir ?

Si tu tires maintenant, je n’aurai pas le temps,

D’écrire à ceux que j’aime, que je les aime encore.

D’écrire à ceux qui m’aiment que je les aime plus fort.

De voir les filles grandir, les protéger des Hommes.

De voir le fils pousser, devenir gentilhomme.

Pas le temps de leur apprendre que le temps nous prend tout.

Qu’avec lui tout s’en va.

Même les plus mauvais coups.

Pas le temps de leur dire qu’il nous faut se hâter lentement,

Ne pas aimer trop vite.

Parler dès qu’il le faut. Se taire quand c’est de trop.

S’aimer et s’écouter, même si au fond ça brûle.

Pas le temps de leur dire, à eux, au monde entier,

Qu’il n’est jamais trop tard quand il s’agit d’aimer.

Par contre si tu tires, il sera beaucoup trop tard

Et je n’arriverai pas au bout de mon histoire ;

J’ai encore tant à dire, j’ai tant à écouter ;

Je devais arrêter de survivre, vivre, et aimer.

Raconter des histoires dans la chaleur des yeux.

Parler de mes voyages et en programmer d’autres.

Danser sur le toit du monde, en costume, les pieds nus.

Sous la pluie, rencontrer l’inconnu.e.

Prendre une main qui se tend sans la perdre de vue.

Réparer les blessures, exiguës.

Devenir inséparables. Inatteignables. Inimaginables.

Tu vois, j’ai plein de choses à faire encore ;

Plein de regrets, plein de remords ;

Je voudrais pas crever

Avant d’avoir décroché la lune à l’étoile de ses yeux.

Je voudrais pas crever même si j’l’ai espéré

Prié, hurlé qu’un jour je le voulais.

Pas avant d’avoir dit " au revoir " comme il faut,

Et "merci" et "à bientôt".

Pas avant d’avoir noté mon nom

Au bas de la page d’un livre qui serait le mien.

Pas avant d’avoir dit tout ce qui vibre en mon sein.

J’ai pas vu les jardins, ni le palais du Grand Lama,

J’ai rêvé des amants de Vérone

Mais pas au sommet du Fuji-Yama.

La vie, ça craint d’accord ?

La mienne,

C’était pas la joie jusque-là,

Et si tu tires,

J’aurai plus rien à en sauver.

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