À l'approche de la cinquantaine, ses cheveux ébouriffés ont tendance à grisonner mais le regard reste perçant et la verve intarissable alors que paraît lundi la "HOME box", album synthétisant les dernières pérégrinations musicales de Laurent Garnier. Soit un mélange d'instrumentaux déjà publiés ces derniers mois sous forme de "maxi-vinyles" et de titres inédits.
Avec cet album, le musicien de 49 ans conclut un projet débuté avec la publication de morceaux au fil de l'eau en 2014, chez cinq labels indépendants différents, et poursuivi avec la commercialisation en avril d'un coffret à destination des DJs.
Une façon pour celui qu'on présente parfois comme le "pape de la techno française" de s'adapter aux paradoxes de la consommation musicale actuelle: à la fois un "monde digital où les gens sortent des morceaux du contexte et n'écoutent plus les albums comme une œuvre à part entière" et une époque marquée par le retour de l'attachement aux vinyles.
La carrière de Laurent Garnier, débutée à Manchester à la fin des années 1980, est celle d'un amoureux de musique qui "n'a jamais aimé se répéter". Quand un David Guetta, l'autre star française des platines, trace sa route dans une électro taillée pour les radios et les stades, ce fils de forains confesse une "envie de continuer à s'étonner", quitte à "prendre parfois les gens à rebrousse-poil".
Outre ses tournées aux quatre coins du monde, Garnier a présenté des émissions de radio réputées, dirigé un label réputé (FCom), composé des musiques pour le cinéma ("Qu'Allah bénisse la France", d'Abd Al Malik) et des ballets (signés Marie-Claude Pietragalla et Angelin Preljocaj), monté un festival "indé" dans le sud de la France.
Tourné à '3.000%' vers le cinéma
Il fut aussi le premier musicien électro récompensé aux Victoires de la musique, le premier DJ à investir l'Olympia et le fer de lance de la première Techno Parade (tout cela en 1998).
"Pour ma génération, c'est un peu un grand frère", confie Erwan Castex, dit Rone. "Il a clairement été un vecteur de transmission entre toute la techno de Detroit, qu'on ne connaissait pas, et nous", ajoute le musicien, l'une des têtes d'affiche électro du dernier Printemps de Bourges.
Ludovic Navarre, connu sous le pseudonyme de St Germain, rappelle pour sa part que Laurent Garnier, "en faisant connaître les Français à l'étranger", a ouvert la voie à Daft Punk et aux autres représentants de la "French Touch".
Laurent Garnier, lui, est désormais tourné à "3.000%" vers le cinéma, avec l'adaptation de son livre "Electrochoc" (paru en 2003, réactualisé en 2013) racontant l'émergence des musiques électroniques. "J'ai besoin d'apprendre des choses, c'est pour ça que cette histoire de film m'excite autant", raconte le réalisateur débutant, qui doit démarrer son tournage "à la fin de l'année".
Ce qui n'empêche pas ce "DJ dans l'âme", apôtre de "l'hédonisme et de la jouissance", de retrouver régulièrement ses platines pour faire danser les nuits à Paris ou ailleurs.
Optimiste, il estime que la musique électronique "ne s'est peut-être jamais aussi bien portée" mais ne cache pas un petit regret face au goût du passé de la nouvelle génération: "Avant, la musique électronique regardait vers le futur, aujourd'hui, les plus jeunes sont davantage portés sur le passé. Il y a un vrai retour à ce qui se faisait avant: Chicago est redevenu la Mecque, pareil pour Detroit. Moi, je trouve ça bizarre".