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L’Australie est-elle sur le point de donner plus de poids politique aux peuples aborigènes, très précarisés ?

© Getty Images

Les aborigènes australiens devraient-ils avoir "une voix" supplémentaire auprès des autorités de leur pays ? Devraient-ils pouvoir faire entendre leur point de vue spécifique lors de l’élaboration de lois qui les concernent ? C’est le débat qui agite l’Australie en ce moment car le Premier ministre australien Anthony Albanese a annoncé vouloir organiser un référendum sur la question avant la fin de l’année 2023.

"Une voix aborigène" : concrètement, qu’est-ce que c’est ?

"La voix aborigène" serait un organe consultatif qui pourrait conseiller directement le gouvernement et le parlement sur les lois et les politiques qui affectent la vie des peuples autochtones. Ses recommandations ne seraient donc pas contraignantes, mais cela représenterait un levier d’influence sur certaines politiques. 

Le fonctionnement de cet organe a été pensé par deux chercheurs d’origine autochtones, sur demande du gouvernement. Ils ont écumé le territoire australien à la rencontre des différents peuples autochtones pendant 18 mois, consultant près de 9500 personnes et organisations sur la forme que devrait prendre cette "voix aborigène".

Selon la proposition sur la table, cet organe serait composé de 24 membres, représentants les différentes communautés autochtones à travers le pays. Ces personnes rempliraient un mandat de quatre ans.

Ajoutons que l’objectif n’est pas que cet organe s’exprime sur toutes les politiques, mais seulement sur celles liées "au bien-être social, spirituel et économique des peuples aborigènes et des îles du détroit de Torres".

En Australie, les autochtones représentent environ 3% des habitants et font partie des franges de population les plus précarisées. Les problèmes sont multiples : leur espérance de vie est plus faible, leurs enfants accèdent plus difficilement à l’enseignement, ils courent aussi 25 fois plus de risque d’être un jour incarcérés. Réussir à gommer ces inégalités est un des grands défis de l’Australie. Echouer à accomplir cette tâche est "une honte nationale", a déclaré l’ex-Premier ministre australien.

Les autorités australiennes espèrent donc aider ces communautés à se relever en leur donnant un poids politique plus important.

Est-ce une demande des Aborigènes ?

À l’origine, cette "voix aborigène" est bien une demande des populations autochtones.

En 2017, 270 délégués issus des communautés autochtones à travers le pays se sont réunis à Uluru, point centrale de l’Australie. De leurs échanges est ressortie une déclaration "venant du cœur" adressé à toute la nation australienne : "Nous réclamons l’instauration d’une Voix des Peuples premiers inscrite dans la Constitution", spécifie notamment le texte.

La déclaration d’Uluru a été transformée en œuvre d’art par quatre artistes indigènes.
La déclaration d’Uluru a été transformée en œuvre d’art par quatre artistes indigènes. © Tous droits réservés

Cela fait donc 5 ans que la création de cet organe autochtone est évoquée et débattue.

Les Australiens seront finalement appelés à se prononcer sur cette proposition via referendum cette année, et la campagne politique s’annonce déjà tendue. 

Les opposants mettent en avant que créer dans la Constitution "un organe représentatif fondé sur la race" comporte beaucoup de risque et que cela rajoutera "une nouvelle couche bureaucratique à Cambera".

Alors, passera ? Passera pas ? La question se jouera dans les urnes en 2023.

En Norvège et au Canada, de tels organes existent

Des assemblées légalement reconnues pour porter la voix des peuples autochtones, l’idée est loin d’être neuve. Prenons l’exemple de la Norvège et du Canada.

Au Canada, le gouvernement a été forcé par la Cour suprême à consulter et, s’il le faut, accommoder les groupes autochtones lorsqu’il prend des décisions qui peuvent affecter leurs droits. Depuis 2008, des protocoles de consultations avec les peuples autochtones ont été mis en place à travers le pays et adapté à chaque situation. Au Québec, pour prendre un exemple très précis, les autorités doivent consulter le Bureau du Ndakinna du Grand Conseil de la Nation Waban-Aki dès qu’une de ses politiques peut avoir un impact sur les droits de la Nation Waban-Aki.

En Norvège, le peuple saami (parfois nommé lapon, mais le terme est considéré comme péjoratif) possède, lui, son propre Parlement depuis 1989. De la même manière qu’au Canada, le Parlement saami est consulté sur les questions qui touchent directement ses membres comme l’utilisation de leurs terres et de leurs ressources naturelles ou encore la préservation de leur culture ou de leur langue. Le Parlement Saami peut également prendre des initiatives et proposer des lois et des politiques publiques pour protéger et promouvoir les intérêts des Saami.

Le siège du Parlement saami se trouve à Kárášjohka, dans le nord de la Norvège.
Le siège du Parlement saami se trouve à Kárášjohka, dans le nord de la Norvège. © Illustratedjc, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

La création de ces organes de représentation s’inscrit dans un plus large mouvement de reconnaissance des peuples autochtones au cours de ces vingt dernières années. L’élément le plus marquant est sûrement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones adoptée en 2007.

 

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