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Le Boléro de Ravel : comment ce motif rythmique si singulier s’est-il retrouvé chez Gilbert Bécaud et Sakamoto ?

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Par Valentine Jongen via

L’œuvre mythique de Maurice Ravel, le Boléro, a été repris dans la comédie musicale Cats, par Gilbert Bécaud ou encore par Ryūichi Sakamoto qui nous a quittés le 28 mars 2023. Découvrez comment cette composition, sans grandes mélodies, a traversé les générations.

Le Boléro de Ravel, c’est ce motif rythmique à la caisse claire qui, en tout, sera répété 169 fois obstinément : en ostinato. Et ce rythme, il n’est pas commun : on est dans une mesure en 3/4, donc à trois temps. Mais cela se complique quand on essaie de dire la rythmique : croche-triolet.

La mélodie est, elle aussi, répétée tout au long de l’œuvre par les différents instruments de l’orchestre. Elle est d’abord énoncée à la flûte traversière, puis à la clarinette, puis au basson… Cette phrase musicale, c’est toujours la même. Si ce n’est qu’elle augmente en intensité dans un grand crescendo.

D’un ballet en un tableau à "un tissu orchestral sans musique"

MUSIQUE-RAVEL

Alors comment cette partition a évolué en presque un siècle ? On fêtera les 100 ans du Boléro en 2028, puisqu’il a été créé le 22 novembre 1928 à l’Opéra Garnier à Paris.

La première trace qu’on a de cette partition, c’est six mois avant cette date : la danseuse Ida Rubinstein, originaire de Kharkiv en Ukraine, écrit à Ravel pour savoir où en est leur projet commun prévu pour l’automne. À ce moment-là, Ravel a prévu d’orchestrer quelques pages de l’œuvre pour piano Iberia du compositeur espagnol Isaac Albéniz. Mais, pour des questions de droits et d’exclusivité, Ravel ne peut pas adapter la partition d’Albéniz et finit par composer une œuvre originale.

En quelques mois, Ravel imagine son Boléro : un ballet en un tableau qui se déroule dans une auberge espagnole où des hommes se laissent entraîner par une danse endiablée d’une jeune femme. Et en 1928, cette femme, cette danseuse, c’est donc Ida Rubinstein. Quelques jours avant la création le 22 novembre 1928 à Paris, Ravel publie un avertissement destiné au public quand il va découvrir : "Une pièce d’une durée de 17 minutes, consistant entièrement en un tissu orchestral sans musique, en un long et progressif crescendo".

Ravel dira même ceci : "Je n’ai écrit qu’un seul chef-d’œuvre dans ma vie, et il n’y a pas de musique dedans ". Logique puisque la partition se résume à un seul rythme, répété 169 fois, avec une mélodie quasi sans évolution ni modulation, le tout dans un crescendo de plus de 15’, ce n’est pas vraiment l’idée que l’on se fait de la musique au début du 20e siècle. Ravel lui-même voyait cette musique comme une expérience.

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Le boléro en comédie musicale et au cinéma

Sakamoto à la 68e Berlinale en 2018.

Pourtant, la presse est enthousiaste et, très vite, le Boléro de Ravel est joué partout : à Bruxelles en décembre 1928, puis à Monte-Carlo, Vienne, Milan, Londres, New-York.

Aujourd’hui, le Boléro de Ravel est considéré comme une des œuvres classiques la plus jouée dans le monde. Raison pour laquelle elle en est venue à inspirer d’autres artistes, à commencer par le musicien et compositeur américain Larry Clinton en 1960 avec son Bolero in Blue. Selon la veuve de Larry Clinton, ce serait cette musique qui aurait inspiré la chanson Memory, tube incontournable de la comédie musicale Cats créée à Londres en 1981, et chantée par Barbra Streisand.

De la comédie musicale au cinéma, il n’y a qu’un pas. En 2002, Brian de Palma réalise Femme Fatale. Un film dont la bande originale est signée par Ryūichi Sakamoto qui imagine un pastiche du Boléro de Ravel qu’il va intituler Bolerish.

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La version ravélienne de Bécaud reprise par les plus grands

Gilbert Bécaud, disparu en 2001, était passé le 18 octobre 1964 à Bruxelles

Enfin, on ne peut pas oublier une des plus belles adaptations du Boléro de Ravel. Peut-être la plus belle adaptation dans la chanson française : Et maintenant, que Gilbert Bécaud sort en 1962. L’histoire raconte qu’il aurait rencontré Elga Andersen dans un avion, qui est à l’affiche de L’œil du monocle de Georges Lautner à l’époque. L’actrice venait de se faire larguer et elle lui aurait dit "Et maintenant, que vais-je faire". Des mots complétés par Pierre Delanoë.

La musique, quant à elle est de Gilbert Bécaud mais l’inspiration ravélienne est évidente. On reconnaît la fameuse rythmique répétée en ostinato au piano ici. Et maintenant sera un immense tube, repris notamment par Salvatore Adamo, Dalida, Richard Anthony, Johnny Hallyday, Lara Fabian, Marianne Faithfull… Et en anglais aussi avec Frank Sinatra qui a chanté What now my love, qu’il a même enregistré en duo avec Aretha Franklin.

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