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Le brassage de la bière, un métier historiquement féminin… et revalorisé aujourd'hui chez les femmes

Par La Première via

Laurent Munster du magasin Mi-orge, mi-houblon, propose une plongée dans l’univers brassicole… au féminin. Cette boisson, longtemps associée à la virilité masculine, était, à l’origine, une activité réalisée par les femmes dans plusieurs civilisations. Au XXIe siècle, les femmes reprennent en main ce savoir-faire, notamment en Belgique.

"Les hommes savent pourquoi". On se souvient de ce slogan publicitaire bien connu du début des années 2000… et pourtant bien machiste. Matchs de football entre amis, parties de pêche pleines de testostérone, tout semble converger vers un public cible essentiellement masculin. Encore une fois, les stéréotypes ont bien occulté les origines de ce breuvage houblonné dans l’imaginaire collectif.

Une activité féminine chez plusieurs civilisations

Ce sont bien les femmes qui ont inventé le processus de fabrication de la bière, vers le IVe millénaire avant Jésus-Christ, en Mésopotamie. Le brassage était même une activité dédiée à la gent féminine dans la mythologie sumérienne. Il existait d’ailleurs une déesse de la bière, Ninkasi. En Égypte aussi la divinité liée à ce breuvage était de sexe féminin : Menqèt. À cette époque, on brasse la bière avec de l’orge, du froment et des dattes pour servir à la fermentation.

Elle est popularisée en Europe chez les Germains et les Celtes, l’Empire romain méprisant ce breuvage au profit du vin. Aux alentours du IIIe et IVe siècles, dans les pays scandinaves, la loi norroise indiquait que les femmes vikings étaient responsables du brassage.

L’incorporation du houblon dans la cervoise serait également due à Hildegarde von Bingen. Elle valorise les propriétés aromatiques et conservatrices du houblon. Auparavant, la bière était aromatisée par du gruit, un mélange d’épices.

La transmission du savoir-faire brassicole aux hommes

Alors pourquoi le brassage de la bière devient-il une (pré) occupation masculine ?

On attribue ce changement à deux causes principales :

  • L’expansion des monastères. Selon l’ordre de Saint Benoît, les moines doivent produire eux-mêmes leurs vêtements, boisson et nourriture. Ils ont alors commencé à brasser de la bière, breuvage moins risqué pour la santé que l’eau de la rivière. Au XIIIe siècle, l’Église éloignera définitivement les femmes de la fabrication de la bière : êtres impurs elles doivent être éloignées de cette activité.
  • La peste noire, qui fait des millions de morts et qui décime la population européenne au XIVe siècle. La main-d’œuvre manque, entraînant une augmentation des salaires tout comme la consommation de bière. Le brassage devient une activité commerciale lucrative, reprise par les hommes. La présence d’une femme dans une brasserie portait même malchance selon Laurent Munster.

Les pionnières belges derrière les cuves

Les mœurs ont néanmoins évolué, tant du côté des producteurs que des consommateurs. Preuve la plus marquante du changement des mentalités, en 2013, Orval nomme une femme comme maître brasseuse. Elle est ainsi devenue la première femme brasseuse d’une trappiste.

Totem, Atrium, ou encore la brasserie de la Lienne sont des exemples belges d’une re-féminisation du métier brassicole. Dans cette dernière brasserie, Mélissa est co-gérante avec son frère et est en charge de la partie brassage. La brasserie de la Lienne est située près de Lierneux en province de Liège et depuis 2013, Mélissa est détentrice d’un master en biologie des organismes et écologie et d’un certificat de brasseur obtenu à l’IFAPME. On y brasse des bières plutôt classiques, bonde, brune, noire, mais également une vieille brune, et une bière barriquée en fût de Belgian Goat, du whisky belge.

© Xavier Arnau / Getty Images

Une association féministe américaine de la bière, avec des ramifications dans le monde

Dans cette mouvance, une association qui vise à promouvoir la présence féminine dans les brasseries s’est créée : la Pink Boots Society. Elle a été lancée aux USA par une brasseuse, Teri Fahrendorf, en 2007.

Son objectif est d’aider, d’inspirer et d’encourager les femmes et les personnes de genre non-binaire, professionnelles de la bière et des boissons fermentées ainsi que les porteuses de projet et les étudiantes, et faire évoluer leur carrière grâce à la formation, l’entraide, l’échange et le partage. Elle fête ses 15 ans cette année. Elle fonctionne sous forme de fédération internationale, avec des groupes locaux dénommés 'chapters'.

Il y a même une division francophone regroupant les chapitres de Belgique, en France, du GDL, de suisse et de Monaco. Dans ces chapitres, des brasseuses, mais aussi des zythologues, des sommelières, consultantes,… Le financement de l’ASBL provient de dons de brasseries mais aussi de la vente de brassins collaboratifs que les adhérentes réalisent un peu partout dans diverses brasseries. En 2022, 9 bières ont été brassées en France par cette association et d’autres sont prévus avant la fin de l’année.

Il y a 1 mois a eu lieu la réunion européenne de l’association en marge du BXL Beer festival et cela a suscité pas mal d’intérêt. Pour s’affilier, un cout d’inscription de 22$ seulement en partie reversé aux chapitres concernés.

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