Belgique

Le cancer pourrait devenir la première cause de décès en 2030 et mettre en péril les soins de santé

Illustration – Le cancer de la peau, sous toutes ses formes, est aujourd’hui le cancer le plus fréquent en Belgique

© AFP – FRED TANNEAU

Temps de lecture
Par Céline Biourge avec l'aide graphique de Cristian Vander Steichel

C’est un constat mis en évidence par le nouveau baromètre belge du cancer qui vient d’être publié ce mercredi midi : "Si la tendance actuelle se poursuit, le nombre de diagnostics annuels de cancer au niveau mondial pourrait dépasser 20 millions dans les années à venir et le cancer pourrait devenir la première cause de décès" (actuellement, ce sont les maladies cardio-vasculaires qui restent la première cause en Belgique).

D’après ce rapport réalisé entre octobre 2020 et février 2021, le nombre de cas détectés dans le monde (plus de 10.000 millions), ne cesse d’augmenter chaque année et cela va continuer. A cause notamment du vieillissement de la population. Car plus on vieillit, plus le risque de cancer est important.

Loading...
Loading...

Dans les pays occidentaux, déjà, le cancer est la deuxième cause de décès.

En Belgique, un peu plus de 70.000 nouveaux cas de cancer sont enregistrés chaque année (soit plus de 190 nouveaux cas de cancer par jour) et une augmentation de plus de 13.000 nouveaux diagnostics supplémentaires est attendue d’ici 2030.

Des chiffres à prendre avec sérieux d’autant qu’ils risquent de mettre notre système de soins de santé en péril.

Mais tout n’est pas perdu. La recherche et les techniques progressent. La Fondation contre le cancer plaide d’ailleurs pour un nouveau Plan National Cancer (le dernier date d’il y a 10 ans), car grâce à la prévention et à une meilleure qualité de vie on pourrait éviter 40% de ces cancers.

Une étude extrêmement complète pour la première fois

Le Dr Didier Vander Steichel, directeur médical et scientifique de la Fondation contre le cancer, précise d’ailleurs que "c’est la première fois qu’une étude fait un tour d’horizon aussi complet de la problématique. Cela va de la prévention jusqu’aux soins palliatifs, en passant par toutes les étapes intermédiaires".

Un travail titanesque qui a été réalisé en collaboration avec Sciensano, le Registre du Cancer (Belgian Cancer Registry), le Collège d’Oncologie, ainsi qu’avec 79 experts, représentant 51 institutions, et des patients.

Parmi les 174 pages que compte ce baromètre, voilà les points qui ont retenu notre attention.

Des causes et une maladie très diverse

Le cancer n’est pas une maladie unique. Au contraire, elle est très diverse, avec de nombreux types de tumeurs dans différentes parties du corps, rappelle ce baromètre. De plus, elle se développe en plusieurs étapes et prend souvent des années avant de développer des symptômes. Il est donc encore aujourd’hui difficile de connaître avec certitude toutes les raisons du développement du cancer et de ses multiples maladies.

Par contre, il y a maintenant quelques certitudes :

  • Les facteurs environnementaux jouent un rôle causal dans le développement du cancer. Cela comprend notamment la pollution environnementale, les substances nocives présentes dans l’alimentation ou encore les radiations naturelles. Mais il y a aussi quelques facteurs personnels, comme le tabagisme, les habitudes alimentaires (aliments gras, alcool), l’exposition excessive au soleil et aux bancs solaires et le manque d’hygiène de vie ou professionnels (en particulier sur les travailleurs des industries chimique et nucléaire).
  • A cela s’ajoute des facteurs de risque individuels liés à d’autres maladies, comme certaines maladies inflammatoires chroniques de l’intestin et les maladies respiratoires qui peuvent augmenter le risque de développement d’un cancer.

Les cancers les plus fréquents en Belgique

Loading...

Comme on le voit sur ce graphique, les trois cancers les plus fréquents représentent plus de la moitié de tous les cancers, tant chez les hommes que chez les femmes. Chez les hommes, il s’agit du cancer de la prostate (26%), suivi du cancer du poumon (15%) et du cancer colorectal (11%). Le cancer du sein (33%) est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les femmes, suivi par les cancers colorectaux (11%) et du poumon (9%).

En Belgique, un homme sur trois et une femme sur quatre développeront un cancer avant l’âge de 75 ans.

Mais alors que le nombre de cas est en augmentation, le risque de mourir d’un cancer reste stable ces dernières années, malgré le vieillissement de la population. Notons que tous les cancers ne donnent pas les mêmes chances de survie comme on peut le voir sur ce graphique :

Loading...

Ces résultats positifs sur la mortalité sont dus, entre autres, à l’amélioration des diagnostics et des traitements, ainsi qu’à la mise en place de programmes de dépistage organisés.

Que nous réserve l’avenir et où nous situons-nous au niveau européen ?

Dans l’état actuel, les prévisions concernant le nombre de nouveaux cas restent pessimistes : 83.500 nouveaux cas en 2030, rien que pour la Belgique.

Interpellant aussi, ces projections indiquant que le risque de cancer diminuera légèrement chez les hommes (-5% d'ici 2030) et augmentera chez les femmes (+7%). Et si les tendances actuelles se poursuivent, la différence de risque de cancer entre les deux sexes diminuera encore.

Loading...

Quant au niveau européen, la Belgique occupe la quatrième place en termes de risque de cancer.

Loading...

Notre système de soins de santé en danger

D’après ce nouveau baromètre, l’augmentation annoncée des cas pour 2030 aura même un impact majeur sur notre système des soins de santé.

Et même si "la situation est loin d’être mauvaise en Belgique" (plus de cas diagnostiqués, mais une mortalité nettement plus faible que la moyenne européenne), selon le Dr Didier Vander Steichel, "si on veut garder ce bon niveau de prise en charge des cancers, il y a du boulot tous azimuts : depuis la prévention, le dépistage, le diagnostic et les traitements, la réinsertion des patients après la maladie, les soins palliatifs. A tous les niveaux, il est urgent d’avoir une série de mesures si on veut rester dans une position favorable".

En d’autres termes, la qualité des soins oncologiques est actuellement très bonne en Belgique, mais elle pourrait baisser fortement si on n’y investit pas davantage dans les années à venir.

Un investissement à prévoir dès maintenant

Notre système, qui était déjà fragile avant la pandémie de Covid-19, est actuellement en train de vaciller. En témoigne l’hémorragie des infirmières et infirmiers dans les hôpitaux due à l’épuisement professionnel qu’a engendré cette crise. Et "c’est également le cas chez les médecins", précise le directeur médical et scientifique de la Fondation contre le cancer.

Raisons de plus, selon lui, pour investir dès aujourd’hui dans le secteur : "On va avoir besoin, dans les années qui viennent et dans la dizaine d’années qui vient, de soignants spécialisés supplémentaires pour prendre le mieux possible en charge toutes les personnes atteintes d’un cancer en Belgique. Cela passe par des oncologues médicaux, des radiothérapeutes, des chirurgiens spécialisés, mais c’est aussi des infirmiers et des infirmières spécialisées, des onco-psychologues, des onco-diététiciens, etc. Et tous ces gens ne se forment pas du jour au lendemain. Donc, il est urgent de prévoir des postes supplémentaires et des personnes supplémentaires qui vont être formés dans cette discipline parce que les besoins ne vont pas aller en décroissant".

L’importance de la prévention

Par ailleurs, la prévention joue un rôle primordial dans la lutte contre le cancer. D’après le baromètre, miser davantage sur cette prévention pourrait même éviter quelque 40% des cancers dans l’Union européenne.

Pour cela, le rapport préconise de sensibiliser davantage les politiciens et les citoyens sur les facteurs de risque. Et notamment sur la consommation de tabac et d’alcool (les Belges en sont de grands consommateurs) qui représentent un grand risque de cancer.

On peut ainsi lire que le tabagisme est la principale cause évitable de cancer au sein de l’Union européenne. Et particulièrement pour le cancer du poumon (environ 82% des cas).

La consommation de tabac est également liée à d’autres types de cancer. En voici les cinq plus fréquents :

Loading...

En ce qui concerne l’utilisation des cigarettes électroniques, des recherches plus approfondies et plus longues sont nécessaires, peut-on lire dans ce baromètre.

Si l’objet est considéré par de nombreuses organisations comme un outil efficace de sevrage tabagique, il présente également un certain nombre de risques potentiels, dont le plus important est de compromettre la mise en œuvre de la convention cadre pour la lutte antitabac de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), convention qui prévoit de réduire de 25% à 5% la proportion de la population consommant du tabac d’ici 2040.

Concernant les cancers liés à la consommation d’alcool, le baromètre affirme que cela représente 15,9% chez les hommes et 30,7% chez les femmes (21% pour le cancer du sein). Et contrairement aux idées reçues, il ne faut pas forcément être un grand buveur, un effet négatif peut être observé même à partir de moins d’une consommation d’alcool par jour.

Voilà les différents types de cancer les plus fréquents liés à la consommation d’alcool :

Loading...

Ce ne sont évidemment pas les seuls facteurs sur lesquels les autorités et les citoyens individuellement pourraient agir pour faire baisser la courbe des projections.

L’obésité, les rayons UV, l’alimentation, l’exposition à la pollution (atmosphérique), le papillomavirus humain (HPV), entre autres, jouent également un rôle important.

Loading...

Le baromètre pointe d’ailleurs du doigt les rayonnements UV qui sont la principale cause de tous les types de cancer de la peau. Leur nombre a fortement augmenté au cours de ces dernières. Le cancer de la peau, sous toutes ses formes, est aujourd’hui le cancer le plus fréquent en Belgique. Or, peu de personnes en sont informées et/ou en ont conscience.

Dans leurs recommandations, les spécialistes rappellent d’ailleurs que la meilleure des protections solaires est d’éviter le soleil, tout comme les bancs solaires.

Parmi les autres recommandations, la nécessité de pratiquer une activité physique régulière ; de consommer beaucoup de fruits, de légumes et de céréales complètes ; de limiter fortement sa consommation de viande rouge et transformée ; mais aussi de réduire sa consommation de sel. Scientifiquement parlant, cela ne fait plus aucun doute, cela permet de diminuer le risque de cancer. D’où l’importance de déjà avoir une bonne hygiène de vie.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous