On n'est pas des pigeons

Le chien, une marchandise comme une autre ?

Derrière ce titre provocateur, se cache une réalité toujours prégnante... Avec la pandémie et ses confinements, les demandes d’adoption d’animaux de compagnie ont explosé. Une aubaine pour certains éleveurs de chiens peu scrupuleux qui ont fait de la vente d’animaux un business très juteux.

Quelques-uns, une dizaine en Wallonie, ont déjà été accusés d’être de véritables usines à chiots. Aujourd’hui, malgré ces accusations, ils poursuivent leurs petites affaires comme si de rien n’était.

Nous avons joué les clients intéressés auprès de quelques éleveurs incriminés. Les chiots sont vendus sur catalogue et livrés à domicile comme de vulgaires marchandises.

Chiot déprimé en cage
Chiot déprimé en cage © Tous droits réservés

Chiens sur catalogue

Le phénomène est connu, mais les gens continuent à acheter dans ces usines à chiots

Chiots malades, élevés dans de mauvaises conditions: de nombreux acquéreurs sont souvent désemparés quand, quelques semaines après avoir acheté leur nouvel animal de compagnie, ils se rendent compte que celui-ci présente des soucis de santé, parfois incurables. "Des plaintes, nous en recevons encore au moins une par mois", nous dit Sébastien de Jonge, directeur du refuge Sans Collier . "Le phénomène est connu, mais les gens continuent à acheter dans ces usines à chiots ".

Alors, qu’en est-il vraiment ? Pour le savoir, nous avons joué les clients intéressés auprès de quelques éleveurs incriminés.

Alors dépêchez-vous ! Quel numéro souhaitez-vous ?

Sur son site internet, l’un d’eux annonce en grandes pompes l’arrivage de petits boomers, un croisement entre le bichon maltais et le shih tzu. La vente débute le jeudi 30 septembre à 10 heures… sur catalogue. De petites bouilles adorables, toutes numérotées de 1 à 10. Au téléphone, l’éleveur se montre très pressé de vendre : "Depuis ce matin les appels n’arrêtent pas", nous dit-il. "Alors dépêchez-vous ! Quel numéro souhaitez-vous ?". Légèrement déstabilisés, nous choisissons au hasard le numéro 6. "Ah, le 6, c’est une fifille", annonce le vendeur, "oui, elle est disponible. A quelle heure, souhaitez-vous venir la chercher ?" Nous lui répondons alors que nous aimerions d’abord voir le chiot, sentir si le courant passe, en connaître davantage sur l’animal. "Pas le temps", rétorque le vendeur. "Il y a trop de demandes, si vous espérez avoir un contact préalable avec le numéro 6, ce ne sera pas possible, il y a trop de gens qui attendent".

Nous décidons de jouer le jeu jusqu’au bout et prenons rendez-vous quelques heures plus tard. Sur place, nous sommes accueillis dans une sorte de magasin, où l’on vend toute la panoplie d’articles pour propriétaires de chiens comblés : paniers, laisses, colliers, etc. Et, au milieu de ce bric-à-brac, le petit numéro 6 nous attend dans une caisse. Telle une marchandise parmi les autres.

Impossible de voir le reste de la portée, encore moins la mère. "Elle se repose en maternité", nous répond-t-on.

On ne peut donc que croire l’éleveur sur parole, quand il nous promet que les chiots sont nés chez lui et non importés d’un pays de l’Est.

Close-Up Of Dogs In Cage
Close-Up Of Dogs In Cage © Tous droits réservés

Livraison à domicile

Pire encore. Sur le site internet d’un autre vendeur belge, un nouveau catalogue avec, cette fois, pas moins de 300 chiots à la vente, 80 races différentes. Tous livrables à domicile ! Ce n’est, hélas, pas une blague. Au téléphone, l’interlocutrice nous promet même une livraison dans les 24 heures ! "Choisissez celui qui vous plaît", nous dit-elle, "on peut vous le livrer demain et le paiement se fait cash au chauffeur".

L’envoi d’un animal par voie postale est strictement interdit​​​​​​

Vous avez bien lu ! Aujourd’hui, on peut se faire livrer un chien comme une vulgaire marchandise achetée sur un site de vente en ligne !

"Ils contournent la loi", explique Sébastien de Jonge. "L’envoi d’un animal par voie postale est strictement interdit, alors ils utilisent des transporteurs privés."

Des mères ? Non, juste des femelles reproductrices

Pour conclure notre enquête, nous nous sommes rendus chez un autre éleveur, en Hesbaye, chez qui on a déjà saisi des chiens par le passé. Lui, il vend des bébés Husky. Ils sont parqués dans un enclos. Leur mère se trouve dans une niche à côté.

L’éleveur nous demande de choisir l’un des chiots à travers une porte légèrement opaque. Il faudra beaucoup insister pour qu’il accepte de sortir les chiots de l’enclos et pour qu’un contact physique puisse enfin avoir lieu. Lequel est le plus joueur, lequel est le plus peureux ? Le vendeur est incapable de répondre. De toute évidence, il ne connaît pas ses chiots. "Quant à la mère, elle est parquée là, sans vraie vie de famille", nous dit Mélodie Michaux de l’ASBL Sans Collier. "Elle sert juste de femelle reproductrice", ajoute-t-elle.

Un décret pour stopper ces pratiques

En Wallonie, un décret sur le bien-être animal devrait prochainement mettre fin à ces pratiques. Ce décret est censé être adopté courant 2022.

En principe, cela mettra un terme au statut d’éleveur-marchand

L’ASBL Sans Collier a participé à l’élaboration de ce décret. "En principe, cela mettra un terme au statut d’éleveur-marchand", explique Sébastien de Jonge, directeur. "Il y aura toute une série de nouvelles règles imposant, notamment, une obligation de formation pour les éleveurs, une limitation des races et des portées pour les femelles, un âge minimum et maximum, etc."

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En attendant, un conseil : fuyez ces usines à chiots ! Sans acheteurs, pas de business possible pour les éleveurs peu scrupuleux.


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