Un jour dans l'histoire

Le chocolat belge : comment est-il parvenu à dominer le marché mondial ? De la Mésoamérique à l'Europe

Un Jour dans l'Histoire

Pour voir ce contenu, connectez-vous gratuitement

Le chocolat belge est une 'success story' qui a grandi au fil du temps et dont l'origine nous mène en Mésoamérique, chez les Aztèques. Pour retracer l'histoire de cette merveilleuse fève, Un jour dans l’Histoire reçoit Pierre Leclercq, membre du Centre de Gastronomie Historique, collaborateur scientifique à l’université de Liège et animateur de la chaîne Youtube L’histoire à pleines dents.

Le chocolat en Belgique côté chiffre cela donne ceci : quatrième plus grand producteur européen avec 248.000 tonnes produites en 2017, deuxième place mondiale à l'exportation avec un marché évalué à 4,8 milliards d'euros.

L'industrie du chocolat belge est pourtant relativement récente. Lors de l’exposition de l'industrie belge de 1847, le chocolat belge ne suscite que peu d'intérêt pour le pays. "Les membres du jury de cette exposition déjà n'ont eu qu'un seul producteur de chocolat devant eux. Ils ont ensuite eu beaucoup d'éloges pour le producteur de sucre car l'industrie du sucre était en ébullition, surtout qu'il était produit à partir de betteraves sucrières qui poussent ici" raconte Pierre Leclercq. Il faut attendre l'exposition universelle de 1877 à Paris pour apercevoir une véritable délégation du chocolat belge, qui rivalise avec les chocolatiers italiens et français.

Pourtant, le cacaoyer ne pousse pas en Europe. Alors comment en est-on arrivé là ?

Fin des taxes, innovation des artisans et industrialisation

L'envolée du marché du chocolat belge se crée grâce à deux facteurs.

D'abord, on parvient à baisser les coûts de cette pépite à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle, "où on enlève la taxe d'importation du cacao et sur le sucre, les deux produits qui interviennent le plus dans la fabrication du chocolat" souligne l'historien.

C'est également l'esprit d'innovation des fabricants dont la célèbre praline belge, créée par Jean Neuhaus en 1912, qui permet au chocolat belge de décoller. Le ballotin inventé par son épouse trois ans plus tard reconnecte le chocolat à sa valeur d'offrande comme lors de son origine. Partout dans le monde, l’ouverture de nombreuses boutiques Godiva, Léonidas, Galler… permettra de développer sa renommée. "C'est finalement dans la deuxième moitié du 20e siècle que la Belgique devient un grand acteur du chocolat en Europe et dans le monde" précise l'historien, grâce au rachat de petites entreprises familiales par de gros producteurs (Neuhaus, Callebaut, Côte d'Or,...). Ces entreprises entrent même en bourse, avant d'être elles-mêmes rachetées par d'autres sociétés.

Aujourd'hui, rien que dans le plat pays, on en consomme entre six et huit kilos par an selon les études.

© Anna Pustynnikova / Getty Images

La découverte du cacao par Cortés

Mais comment cette petite fève de Mésoamérique a-t-elle traversé les océans des siècles auparavant ? Car comme le signale Pierre Leclercq, "le cacaoyer est une plante capricieuse à cultiver avec son exigence en humidité, en années de maturation à une température qui ne peut descendre en-dessous de dix degrés"

Remontons à la fin du mois d’avril 1519, sur la côte de l’actuelle province de Veracruz, au Mexique. Hernán Cortés, conquistador qui s'emparera, deux ans plus tard, de l'Empire aztèque au nom de Charles Quint, roi de Castille et d'Aragon, vient de jeter l’ancre dans la rade de San Juan de Ulúa. Il cherche à atteindre la capitale aztèque, Tenochtitlan, la future Mexico.

Au cours de ses échanges avec les chefs locaux, Cortès rencontre la fève de cacao et découvre qu'en plus d'être une offrande sacrée, elle est une monnaie d’échange à la valeur très élevée, puisque les impôts sont perçus sous cette forme. Il transmet cette précieuse information à son roi et lorsque l’empire aztèque tombera, il en fera de même.

Seuls la haute caste et les riches marchands ont le pouvoir de s’offrir ce produit de luxe

Le chocolat fabriqué à partir du cacao confère un certain statut social, déjà sous la période précolombienne puis de la colonisation jusqu'à l'industrialisation.

Au moment de sa découverte, il est consommé exclusivement de manière liquide. À la façon des locaux, on verse de l’eau chaude sur le chocolat. On réitère maintes et maintes fois l’opération avec l’intention de le faire mousser. On l'aromatise avec des épices locales : poivre mexicain, musc, vanille… La dégustation s'effectue dans un bol en gourdin, décoré de façon très luxueuse. Certains se disent rebutés par la couleur rougeâtre ainsi que par la mousse, ceci afin de contrer l’influence de la culture indigène qui imprègnera peu à peu les colons. Il est, "pendant un siècle au moins", absorbé par les Européens sous sa forme primaire, avant de rajouter des épices comme la cannelle ou le clou de girofle. "Il n'y a pas eu d'acculturation tout de suite" affirme Pierre Leclercq.

À partir de la deuxième moitié du 18e siècle, le chocolat mésoaméricain arrive en Espagne sous forme de pâte de chocolat toute préparée qui sera diffusée en Europe via les ecclésiastiques et les marchands.

© iStock / Getty Images Plus

D'une boisson à la friandise

Puis le chocolat passe de boisson à friandise : mousse, massepain, tourte, gâteau, pastilles...

C’est la haute société qui l’apprécie car son coût de fabrication reste important. Ses qualités thérapeutiques, ses vertus tonifiantes sont vantées par les pharmaciens qui sont aussi les plus grands producteurs de chocolat.

Au début du 19e siècle, les innovations techniques se profilent à chaque étape de la fabrication du chocolat. En 1820, le chimiste hollandais Coenraad Johannes van Houten, invente l'extracteur de beurre de cacao. La poudre obtenue, mélangée au beurre, placée dans des moules, permet l'apparition d'un chocolat lisse alors qu’auparavant, il était un peu granuleux. Pour atteindre encore plus de finesse, le chocolatier suisse Rudolf Lindt invente le conchage, un procédé d'intense malaxage pendant des heures et des heures. 

A la fin du 19e siècle, apparaît la fameuse barre de chocolat qui le démocratise. A la suite de nouvelles maîtrises, on atteint aujourd’hui la perfection de sa qualité gustative selon certains !

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Enquête sur le chocolat belge dans Questions à la une

Temps de lecture

Articles recommandés pour vous