Economie

L’e-commerce en Belgique : 46.000 webshops, 8 millions de consommateurs

Par Sarah Heinderyckx

Suite aux déclarations de Paul Magnette sur l’e-commerce, nous avons voulu savoir ce que le secteur de l’e-commerce représente en Belgique.

11 milliards dépensés par 8 millions de consommateurs

En 2021, un premier chiffre éclairant : 11 milliards d’euros ont été dépensés en ligne par 8 millions de consommateurs en Belgique. Ce chiffre est légèrement supérieur à ce qu’on avait connu en 2020 avec 10,6 milliards d’euros, mais très proche de l’année 2019 avec 11,46 milliards d’euros.

Avec la crise sanitaire, les Belges ont effectué plus d’achats en ligne, mais ils ont par exemple acheté moins de "services" comme des tickets d’avion, des réservations d’hôtel ou des billets de spectacles en raison des mesures de confinement de 2020.

1 produit sur 2 est acheté à l’étranger

Par contre, ces milliards d’euros dépensés par les Belges ne l’ont pas forcément été sur des plateformes belges. Selon Comeos, la fédération du commerce et des services, un produit non alimentaire sur deux qui est acheté en ligne en Belgique vient de l’étranger.

Ce qui fait dire à son administrateur délégué, Dominique Michel, qu’il y a un manque à gagner pour la Belgique : "Ça veut dire qu’il y a 15.000 emplois au moins qui ont passé la frontière, qui ont été créés de l’autre côté de la frontière, c’est notre souci, précise-t-il. Ce que nous demandons à Paul Magnette et à ses collègues politiques, c’est de flexibiliser le travail en Belgique, pour que nous ayons la possibilité en Belgique de nous organiser. Nous n’aurons jamais des conditions de travail comme chez Amazon et tant mieux. Nous voulons garder notre protection sociale belge, mais nous voulons aussi avoir la possibilité de nous battre contre Amazon".

40 webshops belges dans le top 100

Chez nous, BeCommerce, l’organisation qui représente les entreprises actives sur le marché numérique belge, publie chaque année un top 100 des meilleurs magasins en ligne actifs en Belgique. Ce sont eux qui sont essentiellement à l’origine des fameux 11 milliards d’euros dépensés par les Belges en ligne. Et dans ce top 100, on ne retrouve qu’une petite quarantaine de sites belges. Un chiffre qui semble correspondre avec les affirmations de Comeos sur les achats en ligne venant de l’étranger.

Sofie Geeroms, directrice générale de BeCommerce, nuance tout de même le propos. "Le secteur n’est pas encore mature chez nous, mais tout ne va pas à l’étranger. Chaque année on fait des progrès, il y a de plus en plus de Belges dans ce top 100 des magasins en ligne", affirme-t-elle.

Avant d’ajouter : "Il y a plusieurs paramètres à prendre en compte. Un webshop comme Veepee emploie 600 personnes en Belgique même s’il est Français à la base. Des webshops ont parfois un dépôt dans un pays, le digital marketing dans un autre et le software géré encore ailleurs. Il y a souvent un aspect qu’on gère depuis notre pays".

46.000 boutiques en ligne en Belgique

Si la majorité des plateformes qui performent sont à l’étranger, on compte tout de même 46.000 webshops enregistrés en Belgique. Autre signe du manque de "maturité" du secteur chez nous, 40% de ces magasins en ligne ont été créés ces cinq dernières années. Il s’agit aussi en grande majorité de petites structures : 75% sont des PME et parmi elles, 90% sont même de très petites entreprises composées de maximum 5 à 10 personnes selon BeCommerce.

C’est pourquoi sa directrice générale, aussi, regrette les propos de Paul Magnette : "On veut que plus de petits commerçants aient la possibilité de faire un projet parallèle à leur commerce pour augmenter leur chiffre d’affaires. Ils ont besoin d’une ouverture d’esprit et d’une législation adaptée parce que les géants du secteur, eux, vont toujours trouver des solutions", explique Sofie Geeroms.

Depuis sa boutique de chaussures pour enfants, Nathalie vend beaucoup d'articles grâce à son webshop
Depuis sa boutique de chaussures pour enfants, Nathalie vend beaucoup d'articles grâce à son webshop © RTBF

Bouffée d’oxygène pour certains indépendants

Et c’est vrai que pour beaucoup d’indépendants, surtout pendant la crise sanitaire, l’e-commerce a été une bouffée d’oxygène. Nathalie Ceter, par exemple, s’occupe d’un magasin de chaussures pour enfants à Ixelles. Son webshop créé pendant la crise lui a permis de garder la tête hors de l’eau. Aujourd’hui, il a pris de l’ampleur et lui a permis d’engager deux personnes pour l’aider.

"De nos jours, avoir une boutique physique et une autre en ligne, c’est vraiment complémentaire, estime la commerçante, c’est un win-win pour le chiffre d’affaires et pour tout le monde. Autant les clients que les commerçants ont plus de possibilités. Il y a même des jours où je vends plus sur le site qu’en boutique et je suis d’autant plus ravie de l’avoir dans ces moments-là". Nathalie Ceter précise aussi que ceux qui passent en boutique achètent parfois en ligne, mais que son site permet aussi d’attirer de nouveaux clients en magasin.

Fréquentation en baisse dans les magasins

Tout le monde ne partage pas forcément ce constat. À Uccle, nous avons rencontré Ariane Fonteyne. Dans sa boutique : vêtements et bijoux côtoient objets de décoration. Elle aussi a créé un site en ligne pendant le confinement, mais n’arrive pas à gérer le virtuel en même temps que le magasin physique.

Elle estime surtout que l’e-commerce est néfaste au dynamisme des centres-villes. "Plus les gens achètent sur internet, moins ils viennent en magasin, estime cette commerçante. Je suis à 60 à 80% de fréquentation en moins dans mon magasin. Donc je pense que favoriser le commerce sur internet, ce n’est pas une bonne chose pour l’avenir des villes. Ça va tuer le cœur des villes et les commerces".

Les e-shops belges est un site recensant de centaines de boutiques en ligne 100% belges
Les e-shops belges est un site recensant de centaines de boutiques en ligne 100% belges © Tous droits réservés

Vivre avec son temps

Pendant le confinement, un site 100% belge a fait son apparition. Les eshops belges recensent plusieurs centaines de boutiques en ligne qui doivent impérativement être basées en Belgique, avoir un numéro de TVA belge, payer leurs cotisations et avoir des employés en Belgique.

Une sorte de galerie commerciale en ligne au succès croissant. Pour sa cofondatrice Théodora Greindl, c’est clair, il faut vivre avec son temps : "Pour promouvoir le commerçant belge, il faut promouvoir le e-commerçant belge aussi. Et sensibiliser les gens au fait d’aller acheter en boutique en Belgique ou en e-boutique en Belgique et écarter ainsi les acteurs internationaux qui nous font beaucoup de mal d’un point de vue écologique, économique et social".

Le marché de l’e-commerce en Belgique est encore jeune, mais il a potentiellement un bel avenir devant lui. D’autant que commerce en ligne n’est pas forcément synonyme de mondialisation.

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