Questions-Réponses

Le cordon sanitaire est-il démocratique ?

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Le principe du "cordon sanitaire" existe en Belgique depuis une trentaine d’années. D’abord imaginé en 1989 puis remanié à de multiples reprises, il vise à empêcher toute participation au pouvoir de partis d’extrême droite belges, partis considérés comme liberticides et prônant notamment le racisme, le négationnisme, la discrimination ou le séparatisme. Une décision prise à la suite de l’inquiétant succès du Vlaams Blok (aujourd’hui Vlaams Belang) en Flandre à la fin des années 80 et en 1991 lors du "dimanche noir."

En Flandre, le cordon sanitaire n’a qu’une portée politique. Mais en Wallonie, ce protocole est aussi médiatique. Ainsi, le cordon sanitaire médiatique consiste en Wallonie à "empêcher que les partis ou représentants d’extrême droite disposent d’un temps de parole libre en direct en télévision ou à la radio, ce qui les exclut d’office des émissions de plateau ou de débat en direct", explique le CRISP, le Centre de Recherche et d’Informations Socio Politiques. "La presse est par contre invitée à informer sur ces partis, voire à les citer ou à interviewer leurs représentants, pour autant qu’une mise en perspective de leur programme et de leurs propos soit effectuée."

Pour certains toutefois, ce principe créé pour garantir le maintien de la démocratie fait tout l’inverse puisqu’il empêche une frange de la population de voter pour le parti qui représente le mieux leurs idées. Alors, le cordon sanitaire est-il démocratique ?

"On ne peut pas apporter de réponse univoque à cette question, tout dépend des perceptions", répond le politologue spécialiste de l’extrême droite, Benjamin Biard. "Si l’on prend strictement les valeurs et droits de la Constitution belge, le cordon sanitaire médiatique limite la liberté d’expression de l’extrême droite. On peut donc se dire que c’est un problème sur le plan démocratique. Mais d’autres diront que cette limitation des libertés préserve au contraire la démocratie dans ses fondements."

​​​​​​​Un cordon toujours utile ?

Jusqu’à présent, les partis ciblés par le cordon sanitaire ont une faible influence sur les les décisions publiques. Mais cela n’empêche pas les extrêmes (tant de gauche que de droite) d’être de plus en plus populaires. Ainsi en Flandre, un électeur sur quatre se disait prêt en 2021 à voter pour le Vlaams Belang.

Selon Benjamin Biard d’ailleurs, le Vlaams Belang est presque le premier parti en Flandre. "Nous nous dirigeons vers une victoire historique de ce parti." Et d’ajouter : "Je serais également prudent du côté francophone avec la montée du nouveau parti d’extrême droite "Chez Nous". Je ne crois pas qu’il arrivera à former un groupe pour les élections de 2024, mais il fera peut-être une entrée sur le plan électoral. Tout ceci n’est encore qu’hypothétique à ce stade."

Le cordon sanitaire est-il donc toujours efficace ? Là encore, tout dépend de la façon dont on aborde la question, estime l’expert. "Si l’on parle du cordon politique, alors oui, le principe est efficace puisque l’extrême droite n’a jamais été au pouvoir. Mais il existe également deux autres indicateurs. Celui de l’évolution politique et de l’influence. Sur le plan électoral, le cordon sanitaire n’a pas empêché l’extrême droite de se développer ni d’exercer une influence politique considérable de manière indirecte."

 

Outre le cordon sanitaire politique, le cordon sanitaire médiatique a également joué un grand rôle dans le faible développement de l’extrême droite en Belgique francophone, estime-t-il. "Mais pour que ce protocole soit efficace, il faut le mettre en place avant la montée du parti d’extrême droite", conclut-il.

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