Le Covid-19 devient-il une maladie endémique ? Les explications du professeur Nathan Clumeck (ULB)

Nathan Clumeck

© RTBF

La vague Omicron déferle sur l’Europe. Pourtant, alors que les contaminations sont encore en hausse, notamment en Belgique, l’optimisme semble de mise chez certains virologues. Le Covid-19 deviendrait une maladie endémique et non plus une épidémie, comme l’annonçait cette semaine Marco Cavaleri, le chef de la stratégie vaccinale de l’Agence européenne du médicament. Interrogé sur La Première, Nathan Clumeck, professeur émérite en maladies infectieuses à l’ULB, explique ce qu’est une maladie endémique : "C’est une infection qui persiste dans la population et qui consiste à avoir une circulation du virus dans cette population sans qu’il y ait une augmentation importante des cas d’une manière rapide. C’est donc quelque chose qui est quasi chronique. Ça existe, on peut être infecté, on peut ne pas être infecté, mais il n’y a pas l’aspect augmentation rapide que nous voyons avec la phase épidémique".

"Une maladie virale peut avoir une forme épidémique, c’est-à-dire une augmentation importante des cas pendant une durée qui peut être de plusieurs semaines ou de plusieurs mois, et si elle touche un pays, on dit que c’est une épidémie localisée. Ça peut toucher aussi l’hôpital ou une institution. Et quand cette maladie s’étend à plusieurs pays et au monde entier, on parle alors de pandémie, et c’est ce que nous voyons avec le Covid. Et si ces cas diminuent, on arrive alors à un stade qu’on appelle endémique. La maladie n’a pas disparu, mais elle n’a pas cette forme agressive qui consiste en une augmentation des cas", poursuit-il. Donc une maladie endémique aurait moins de conséquences sur la santé publique, mais serait quand même toujours aussi dangereuse pour le patient : "Dans la forme épidémique, comme nous l’avons vue avec le Covid, vous avez un nombre de cas qui augmente tous les jours. On a 1000, 2000, 3000 nouveaux cas, et maintenant, avec Omicron, on arrive à 20.000 ou 30.000 nouveaux cas par jour dans certains pays. Dans la forme endémique, vous pourriez avoir 10, 15, 20 ou 100 cas par jour, mais ça reste autour de ce chiffre-là. Donc, évidemment la pression sur le service de santé, sur les soins intensifs, sur les hospitalisations ne sera pas la même si vous avez 100 ou 150 cas par jour d’une maladie que si vous en avez 30.000. C’est ça la différence. Ce que l’on vise, en tout cas en ce qui concerne actuellement le Covid, c’est qu’on attend avec impatience que ça tourne au stade endémique, comme c’est le cas par exemple avec la grippe".

Immunité dans la population

"Il y a deux manières de passer au stade endémique. La première manière, c’est que le virus perde son agressivité. S’il est moins méchant, il va donc infecter moins de personnes. Mais je pense que ce n’est actuellement pas ce qui va se passer avec le Covid. L’autre manière, c’est que le virus, quand il veut infecter les personnes, se heurte à l’immunité des personnes. Plus il y a de personnes qui sont protégées, moins le virus arrivera à les infecter. Et donc, quand on arrive à un certain seuil, on peut passer au stade endémique, et c’est pour ça qu’on le dit actuellement, parce que si on considère que 85% des Belges sont vaccinés et si vous ajoutez à cela les 2.200.000 personnes qui ont déjà eu le Covid, on arrive à des taux de présence d’immunité dans la population plus ou moins forts, de l’ordre de 90-95%. Dans cette situation-là, le virus aura du mal à circuler, et donc le nombre de cas va diminuer. C’est ce que l’on voit par exemple avec Omicron en Afrique du Sud. Il y a eu un pic extraordinaire et il y a eu une diminution très rapide qui est probablement liée au fait que dans la population, il y a suffisamment de gens immunisés" pour Nathan Clumeck.

Toutefois le virus "ne va pas s’éteindre. On a un autre concept : l’extinction du virus, qui s’appelle l’éradication. Pour éradiquer un virus, il faut plusieurs conditions. Il faut qu’il n’y ait pas de réservoir animal et nous savons que pour le Covid, il y a un réservoir animal. Il faut qu’il y ait un vaccin qui soit universel et qui soit appliqué partout dans le monde. Et ça, nous savons aussi que ce n’est actuellement pas le cas et ça sera probablement difficilement le cas. Et il faut en plus que le virus ne mute pas, et nous avons ici un virus qui mute beaucoup. Il y a deux maladies qu’on a réussi à éradiquer : la poliomyélite et la variole. Mais actuellement, il est très improbable qu’on arrive à éliminer le Covid".

Meilleur scénario possible

Le fait que le Covid-19 devient une maladie endémique est une "bonne nouvelle : pourquoi est-ce qu’il y a une discussion sur la vaccination obligatoire ? Parce que si on veut vacciner les gens, c’est pour les empêcher d’être malades et de venir aux soins intensifs, dans les hôpitaux et d’interférer avec l’organisation des soins. Donc, si au lieu d’avoir des milliers de cas par jour, vous en avez quelques dizaines ou quelques centaines, on comprend facilement que la pression sur le système de santé ne sera absolument pas la même. On sera dans une situation normale, ce que nous sommes avec la grippe, parce que quand la grippe survient en hiver, il y a la vaccination des personnes vulnérables, il y a une petite poussée épidémique, c’est-à-dire que le nombre de cas se multiplie, touche les personnes qui ne sont pas immunisées ou qui sont vulnérables par leurs comorbidités, et après ça diminue et on n’en parle plus. Ça s’appelle des variations saisonnières d’une maladie endémique. Ça, c’est le meilleur scénario possible pour le corona", précise-t-il.

A propos de l’obligation vaccinale, Nathan Clumeck ajoute : "Je pense qu’il est très important de bien préciser de quelle population il s’agit. Est-ce qu’on parle de vacciner toute la population ? Est-ce qu’on parle de vacciner les personnes plus fragiles qui seraient plus réceptives à la maladie ? Ça, c’est très important. C’est la première précision qu’on devrait donner et je regrette qu’elle ne soit pas donnée. L’obligation vaccinale est évidemment une manière détournée de pousser à la vaccination, parce que si pour rentrer dans un restaurant ou pour aller au cinéma ou au théâtre, il faut que vous soyez vacciné, quelque part, ça vous oblige à vous vacciner. Le débat à cet égard au niveau du Parlement sera donc très intéressant et je pense qu’il faudra une clarification et parler franchement".

Recevez chaque vendredi l'essentiel de Matin Première

Recevez chaque semaine une sélection des actualités de la semaine de Matin Première. Interviews, chroniques, reportages, récits pour savoir ce qui se passe en Belgique, près de chez vous et dans le monde.

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous