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Le documentaire "Amazonie, cœur de la Terre Mère" : parole aux peuples autochtones

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La princesse Esmeralda de Belgique a co-réalisé le film "Amazonie, cœur de la Terre Mère" pour sensibiliser l’opinion à la déforestation de la forêt amazonienne et à la violation des droits des peuples autochtones. Les premières images du documentaire présentées au public à quelques jours des élections brésiliennes ont soulevé de nombreuses questions autour du lien entre l’urgence climatique et la protection des droits humains.

Ce dimanche 30 octobre, les Brésilien·nes éliront leur prochain président. Sous le mandant du président d’extrême droite brésilien Jair Bolsonaro, la déforestation annuelle en Amazonie a augmenté en moyenne de 75% par rapport à la décennie précédente. Le scrutin qui l’oppose à l’ex-président de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, se révèle déterminant non seulement pour le futur des populations locales, mais aussi celui de toute la planète.

La crise climatique est aussi une crise des droits humains, des droits des peuples indigènes, des droits des femmes qui sont à la pointe du combat !

Comme l’indique l’ONU, "vivant en harmonie avec la nature, les peuples autochtones contribuent à sauvegarder 80% de la biodiversité mondiale et détiennent bon nombre des solutions à la crise climatique, bien qu’ils constituent moins de 5% de la population mondiale."

L’urgence… depuis 60 ans

En 2021, Patricia Espinosa, secrétaire exécutive d’ONU Climat déclarait : "Les peuples indigènes doivent faire partie de la solution au changement climatique. En effet, ils possèdent les connaissances traditionnelles de leurs ancêtres. La valeur importante de ce savoir ne peut, et ne doit, pas être sous-estimée."

C’est pour mobiliser l’opinion publique et pousser les dirigeant·es à l’action que la princesse Esmeralda de Belgique, activiste et ambassadrice WWF UK et Stop Ecocide International a co-réalisé le film "Amazonie, cœur de la Terre Mère" avec Gert-Peter Bruch engagé depuis plus de 30 ans pour la protection de la forêt amazonienne.

Leur documentaire suit cinq leaders autochtones de quatre générations différentes : le chef Raoni Metuktire du peuple Kayapo, le chef Valdelice Veron des Guarani-Kaiowa, le chef Ninawa du peuple Huni Kui, le chef Kretã Kaingang des Kaingang et la militante autochtone Val Munduruku du peuple Munduruku.

En fil conducteur, la nécessité de délimiter et de protéger l’ensemble des terres indigènes. Le récit présente un historique de ce combat vieux de 60 ans en passant de la création du parc national du Xingu en 1961, à la contribution des frères Vilas Boas, ou la visite du roi Léopold III qui a vécu plusieurs mois avec les communautés indigènes, mais aussi la tournée mondiale du chef Raoni et Sting en 1989 (qui a permis de sensibiliser et de récolter des fonds au niveau international) jusqu’à la COP26 à Glasgow en 2021.

Ecocide et génocide

Les premières images ont été présentées au public le jeudi 20 octobre à Bruxelles. Le visionnage fut suivi d’un débat modéré par la journaliste Séverine Dieudonné où sont intervenu·es, en plus des deux réalisateur·rices, la militante brésilienne Val Munduruku, l’activiste belge Adélaïde Charlier et le représentant en charge du dossier MERCOSUR pour l’Europe, Stefaan Pauwels.

"J’ai une relation très particulière à l’Amazonie qui me vient de mon père [le roi a créé le Fonds Léopold III pour l’exploration et la conservation de la nature en 1972]. Il a noué des contacts avec le chef Raoni. J’avais envie de raconter cette lutte du peuple indigène qui continue aujourd’hui avec les jeunes leaders", a introduit Esmeralda de Belgique.

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Selon elle, il est crucial que le grand public prenne conscience de la connexion entre la destruction de la forêt amazonienne et les massacres des peuples indigènes. "La crise climatique est aussi une crise des droits humains, des droits des peuples indigènes, des droits des femmes qui sont à la pointe du combat !", éclaire-t-elle.

Val Munduruku a abondé dans ce sens : "Je me présente ici avec six autres représentant·es d’autres peuples du Brésil. Nous observons de nombreuses menaces sur nos territoires. Il y a un grand taux de déforestation dans notre pays, et ce principalement depuis ces quatre dernières années. Nous sommes les premières victimes du changement climatique, mais nous savons que nous y contribuons le moins. C’est urgent de parler de tout ça. Nous les jeunes avons compris que nous devons nous joindre à nos leaders, et ce, pour les générations futures."

Il y a un malaise, vous ne trouvez pas ? Ça fait trente ans que les jeunes alertent. Cette inertie, pourquoi ? Qu’est-ce qu’on attend ?

Droits humains en ligne de mire

La cofondatrice du mouvement Youth for Climate, Adéalide Charlier qui a découvert l’Amazonie en 2019, après avoir traversé l’océan en bateau pour rejoindre la Cop25, a elle aussi pris la parole. "J’ai quitté les terres européennes en tant qu’activiste climatique, je suis revenue en tant qu’activiste pour les droits humains. Défendre les droits des peuples autochtones signifie défendre non seulement la forêt amazonienne, mais surtout la meilleure solution face à l’urgence climatique."

L’activiste a notamment évoqué à l’audience sa rencontre avec Anita, une jeune femme militante issue des peuples autochtones devenue l’une de ses grandes amies. "Elle se réveille aussi comme moi tous les matins avec la volonté de défendre ses idées, mais elle, elle n’a pas le choix, c’est une question de survie." Pendant son périple, elle dit avoir réalisé la responsabilité que nous portons en tant qu’Européen·nes par rapport à ces enjeux. "Non seulement une responsabilité historique par la colonisation, mais aussi celle liée aux accords commerciaux. Nous sommes, à travers notre consommation, responsables directement ou indirectement de ce maintien de la déforestation."

Nous sommes les premières victimes du changement climatique, mais nous savons que nous y contribuons le moins.

En réponse, Stefaan Pauwels a rappelé que le Parlement européen a récemment voté en faveur d’une nouvelle proposition contre la déforestation qui, pour la première fois, interdirait dans nos magasins les produits issus à la déforestation et aux violations des droits humains.

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Un futur incertain

Dans le documentaire "Amazonie, cœur de la Terre Mère", les mots de Severn Cullis-Suzuki au Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en 1992 entrent en résonance avec ceux de Greta Thunberg ou de la militante écologiste Txai Surui qui a plaidé la cause de son peuple à la COP26.

Au regard de ces archives, la princesse a interpelé le public : "Il y a un malaise, vous ne trouvez pas ? Ça fait trente ans que les jeunes alertent. Cette inertie, pourquoi ? Qu’est-ce qu’on attend ?" Elle a par ailleurs rappelé que la forêt amazonienne représente le poumon vert de la planète. "C’est notre futur à tous·tes ! Chacun·e peut avoir un impact et convaincre quelqu’un d’autre pour faire pression. La puissance du peuple force le changement."

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L’élection de dimanche influera sans nul doute le courant de l’histoire. Au cœur des enjeux notamment la démarcation des terres amazoniennes au Brésil, la question de l’or qui reste une cause de massacre, et la déforestation causée par l’agriculture intensive. "Le président brésilien aujourd’hui ne dialogue pas avec les peuples autochtones. Lula a promis, s’il était élu de mettre en place un ministère des affaires autochtones, nous avons espoir", a conclu Val Munduruku.

Brésil : combat de coqs entre Lula et Bolsonaro – JT 29/10/2022

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