Alors que le 74e Festival de Cannes bat son plein, intéressons-nous le temps d’un article à son tapis rouge, à sa Palme d’or (avec la recette pour l’obtenir) et à son histoire, entre stars, strass et stress. Un festival qui n’a connu que 3 interruptions, à ses débuts, au milieu de son existence et l’année dernière…

Ne dites pas 33 mais plutôt 24 ! 24 comme le nombre de marches à gravir au Palais des Festivals et entrer dans le sanctum sanctorum, le Saint des saints, la Grande salle Lumière pour assister à la projection du film du jour en compétition. Pour faire partie des stars, des étoiles qui brillent sur le 7e Art, il faut donc gravir cet Himalaya de strass et fouler ce tapis rouge long de 60 mètres (le record est détenu par le Festival international du film de Rome avec un tapis de plus 120 mètres). Pour la petite histoire, ce tapis est changé tous les deux jours et la vieille moquette transformée en… tapis de voiture !

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Bref, cette année encore, la liste des invités attendus s’allonge comme une soirée open bar au Jimmy’s, la boîte branchée de la Croisette, située juste au-dessus du casino de la ville (la salle de jeux pas le supermarché). Allez en vrac, comme ça, il y a le jury emmené par son président Spike Lee et ses membres comme Mélanie Laurent, Mylène Farmer et Tahar Rahim. Ce n’est pas compliqué, pour une actrice, un acteur et un réalisateur, la reconnaissance passe par Cannes. Et ce depuis les débuts du festival, en 1946 !

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1946 ou plutôt 1939. Tout démarre cette année-là quand la France décide, dans la foulée du succès de l’Exposition Universelle de Paris en 1937, de se doter d’un Festival International de Cinéma digne de ce nom, libre et indépendant. Pourquoi cela ? Car la Mostra de Venise, le festival italien de cinéma, a été prise d'assaut par le gouvernement fasciste de Mussolini.

Pour contrecarrer cette récupération politique, les Français, épaulés par les Américains (autre récupération politique mais déguisée), mettent donc en place une grande compétition cinématographique ! Reste encore à trouver sa ville d’exploitation ? Deux hôteliers cannois, les patrons du Palm Beach et du Grand Hôtel, vont alors habillement vanter les mérites de leurs plages et de leurs chambres. Le choix est décidé : ce sera Cannes !

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Tout est donc prêt le 1er septembre 1939 pour cette première grande fête du Cinéma libre. Tout ? Oui et non ! Ce jour-là, l’Allemagne envahit la Pologne. Le 1er Festival de Cannes est annulé ! En réalité, le festival s’ouvre après la Seconde guerre mondiale, soit le 20 septembre 1946. La suite, vous la connaissez : Cannes est plus que jamais synonyme de stars, de strass, de paillettes et de montée des marches.

Une montée ininterrompue ? Oui et non ! Le 19 mai 1968… en pleine révolution, en plein Mai 68, des étudiants envahissent le Palais des Festivals avec à leurs têtes François Truffaut et Claude Lelouch (qui, deux ans plus tôt, en 1966, avait reçu la Palme d’or pour "Un homme et une femme"). Le festival est une deuxième fois arrêté. Depuis, Cannes connaît une montée en puissance hors-norme devenant le plus grand des festivals de Cinéma (le plus vieux étant, je vous le rappelle, la Mostra).

Une nouvelle montée ininterrompue ? Oui et non ! L’année dernière, en 2020, alors que toute la planète est touchée par la pandémie du Covid-19, les organisateurs du festival sont obligés de renoncer à une organisation physique des festivités. Ils imagineront un festival "virtuel" avec le logo du festival sur toutes les affiches des films qui auraient dû se retrouver en compétition afin de marquer leur soutien aux œuvres en salles.

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En 1946, le premier film d’ouverture de l’Histoire du Festival de Cannes fût "Les enchaînés" d’Alfred Hitchcock. Quant à son premier Grand Prix, il est attribué à… 11 films sur les 44 présents en compétition dont "Le poison" de Billy Wilder et "La symphonie pastorale" de Jean Delannoy. Et la Palme d’or alors, me direz-vous, elle arrive quand ? En 1955 et elle est attribuée pour la première fois au réalisateur américain Delbert Mann pour son film "Marty".

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Toujours concernant cette fameuse Palme (l’emblème de la ville de Cannes), une étude a été menée dans le plus grand sérieux par nos confrères du quotidien Nice-Matin et d’autres spécialistes du Cinéma, il y a quelques années déjà, dans le but de déterminer les éléments clés qu’un film doit contenir pour recevoir cette haute distinction. Pour réaliser cette étude, nos connaisseurs ont compilé toutes les données liées aux films récompensés par une Palme d’Or depuis la création du Festival de Cannes en 1946, à savoir le pays d’origine, la nationalité du réalisateur, la langue parlée, le genre du film, le nombre d’entrées en France, les recettes, etc. De cette cartographie, de ces chiffres, de cette analyse, ils ont tiré le portrait type, la recette d’une future Palme d’Or. Candidats réalisateurs, soyez attentifs à ce qui va suivre. Pour être honoré ici à Cannes, d’après les conclusions de ces experts, la Palme d’or est (ou doit être) un drame, tournée en anglais et à Los Angeles. Bon d’accord, quand on sait que "Rosetta" (la première Palme d’or de Jean-Pierre et Luc Dardenne reçue en 1999) est, certes, un drame mais tourné en français et à Seraing, on est donc bien loin du rêve américain et d’Hollywood Boulevard. Toujours d’après ces spécialistes, vous multipliez vos chances de gagner un prix si dans le titre de votre film se retrouvent les mots "homme" et/ou "vie". Décidément, nos Dardenne ont tapé à côté avec leur deuxième Palme d’or au titre simple et court "L’enfant" (notez qu’il s’agissait d’un garçon, un HOMME en devenir avec la VIE devant lui). Mieux encore, vous sentirez le souffle de la victoire si l’une de vos héroïnes se nomme Anna, Anne ou Nancy. Quant au film parfait (toujours pour recevoir une Palme d’or), il doit être réalisé par un Américain et durer 1h58. Cher Joachim Lafosse (en compétition cette année), j’espère que tu as pris connaissance de cette étude avant de proposer ton film "Les intranquilles" ! ?

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Depuis 1990, chaque projection, qu’elle soit officielle ou réservée à la presse, commence par ce morceau "Aquarium" issu du "Carnaval des animaux" du compositeur français Camille Saint-Saëns. Une musique et un clip d’ouverture qui nous montre des marches, comme les marches du Palais des Festivals, qui partent du plus profond des océans puis qui émergent pour enfin nous emmener dans les étoiles, à la rencontre de ces fameuses stars. Ce morceau n’a pas été choisi par hasard. Pour Gilles Jacob, l’ancien délégué artistique du festival, "cette musique place chaque spectateur à chaque séance dans un état de bonheur et de réceptivité qui le rend euphorique au début du film !" Ensuite, c’est la magie (ou non) du film qui fait le reste (et transforme parfois… le rêve en cauchemar). Mais ça, c’est une histoire…

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